Le projet de loi 62 ne permet pas de protéger le droit des femmes à l’égalité

2016/10/19 | Par PDF Québec

Selon le groupe Pour les droits des femmes du Québec (PDF Québec), le gouvernement devrait retirer le projet de loi 62 et se mettre à l’œuvre pour rédiger une véritable proposition sur la laïcité. Car, pour PDF Québec, la laïcité est essentielle pour faire respecter le droit à l’égalité des femmes.

« Le projet de loi 62 ne permet pas de protéger les droits des femmes. Et la proposition est nettement en deçà des attentes de la population québécoise en matière de laïcité,» a expliqué la présidente de PDF Québec, Mme Michèle Sirois aux membres de la commission parlementaire qui étudie le projet de loi 62, Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements religieux dans certains organismes.
 

Neutralité n’est pas laïcité

La neutralité religieuse se situe très loin d’une affirmation de la laïcité, une affirmation pourtant souhaitée par une majorité de citoyennes et de citoyens du Québec. De nombreux sondages ont confirmé la même tendance, soit une opposition majoritaire aux accommodements pour des motifs religieux.

Or, le projet de loi 62 est totalement muet sur la nécessaire séparation entre l’État et les religions, pourtant la base même d’un État laïque et neutre. Refuser d’affirmer cette séparation, c’est condamner la société québécoise à être encore soumise à des instances religieuses qui dictent leur vision du monde.

Dans une société moderne, multiethnique et composée de citoyens qui sont des adeptes de différentes religions ou qui n’ont pas de religion, il est inacceptable que des personnes agissent au gouvernement et en son nom alors qu’elles sont très liées à des confessions religieuses.

«La neutralité religieuse proposée par le PL 62 n’est en fait qu’une porte ouverte au multiconfessionnalisme voire aux intégrismes,» a fait remarquer Mme Sirois. «Il devient inquiétant de constater que cette soi-disant neutralité religieuse peut devenir une multi confessionnalité débridée, dont profitent essentiellement des intégristes qui refusent de laisser la loi démocratique avoir préséance sur leur «loi» religieuse. Confondre neutralité religieuse et multi confessionnalité conduit nécessairement à légitimer l’expression de législations et d’exigences communautaristes au sein de l’État,» a-t-elle ajouté.

En tant que garants des droits des femmes, notamment leur droit à l’égalité mais aussi leurs droits à l’intégrité, à la sécurité et à la dignité, les deux paliers de gouvernements ont rejeté la polygamie et les mutilations génitales. Ils ont alors choisi de contredire des lois religieuses pour appliquer des lois démocratiques plus en accord avec les valeurs de leur population. L’État ne peut donc pas être complètement neutre vis-à-vis des religions qui ont en commun de traiter injustement les femmes. L’État doit être le garant de la dignité et des droits des femmes et des petites filles.
 

Les accommodements religieux

Un accommodement religieux, c’est une dérogation aux lois, aux règles et aux règlements civils ou aux programmes scolaires au nom du respect d’«obligations religieuses» qu’aurait un-e croyant-e. Le projet de loi a pour but de les légaliser tout en précisant des balises.

PDF Québec se demande où sont les études qui démontreraient les bienfaits avérés de la pratique des accommodements religieux, notamment sur l’intégration des nouveaux arrivants, principal argument des défenseurs de ces accommodements. Selon Nadia El-Mabrouk, membre de PDF Québec qui a témoigné devant la commission : «Toutes les demandes d’accommodements religieux mettent les employeurs dans l’embarras et peuvent, à la longue, les rebuter. Plutôt que de les accuser d’islamophobie, plutôt que de pointer le « racisme systémique », un mal fictif qui rongerait le Québec, ne serait-il pas temps d’appeler un chat un chat et de considérer les véritables entraves à l’embauche des immigrants? »

PDF Québec considère que ces accommodements religieux sont de plus en plus des privilèges sur la base de l’appartenance religieuse, ce qui est en totale contradiction avec la volonté annoncée de neutralité de l’État. C’est aussi à contre-courant de l’évolution de la société québécoise qui travaille depuis des décennies à écarter l’appartenance religieuse dans les rapports des citoyen-nes avec l’État.

PDF Québec croit qu’il y a lieu de revoir les balises proposées par la Cour suprême pour juger d’une demande d’accommodement en particulier pour les accommodements religieux.

 

Les signes religieux et les services à visage découvert

Le projet de loi ne fait nulle mention des signes religieux, ce qui implicitement ouvre la porte à tous les affichages et au prosélytisme. On sait que cette question est litigieuse mais un projet de loi qui parle de neutralité religieuse aurait dû aborder le sujet de l’affichage de signes religieux par les employé-es des services publics. Pour PDF Québec, l’affichage c’est le contraire de la neutralité.

Par contre, le projet de loi propose de façon plutôt sibylline que les services publics soient rendus ou reçus à visage découvert. «Nos descendants auront bien du mal à comprendre les intentions du gouvernement, car rien n’est nommé, surtout pas les deux costumes visés, soit le niqab et la burqa qui ne sont portés que par les femmes», a souligné Mme Sirois. «PDF Québec aurait souhaité que le gouvernement invoque le droit à la dignité des femmes pour interdire ces tenues réservées aux femmes. En cela même, le Québec respecterait ses engagements internationaux auxquels il s’est engagé en entérinant la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes (CEDEF),» explique-t-elle.

Compte tenu des trop grandes lacunes de ce projet de loi, y compris en ce qui regarde les propositions sur les services de garde, compte tenu que la neutralité religieuse telle que présentée n’est pas le rempart qu’elle devrait être pour l’égalité des femmes, PDF Québec demande donc au gouvernement de retirer le projet de loi 62, de faire des études sur les impacts des accommodements religieux et de refaire un vrai projet de loi sur la laïcité de l’État.