Mettre ses culottes vertes

2016/11/29 | Par Gérard Montpetit

L’auteur est membre du CCCPEM (comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l'environnement maskoutain)

En de nombreuses occasions, le premier ministre Couillard a fait de magnifiques déclarations sur la scène internationale au sujet de la réduction des gaz à effet de serre (GES). Ce fut encore le cas lors de la COP 22 à Marrakech. À l'entendre, on se croirait au pays du plus vert que vert.

Hélas! C'est sans compter sur les pressions extrêmes que le lobby du pétrole met sur son gouvernement pour faire adopter son projet de loi 106 (PL 106)[i]. On voit que l'impatience gagne l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) : c'est leur deuxième intervention publique en moins d'un mois[ii].

Les contradictions entre les beaux discours du premier ministre à l'étranger et la réalité du PL 106 biaisé en faveur des hydrocarbures sont en train d'exposer les dessous peu ragoûtants de la politique de M. Couillard.

Mais dans les corridors de l'Assemblée nationale, les discours hyper-verts de M. Couillard semblent provenir d'une autre planète. Le PL 106 aura des impacts majeurs. Selon le site de l'Assemblée nationale[iii], il modifierait vingt (20) lois existantes ainsi que le Code civil. Toutes ces modifications vont altérer en profondeur notre façon de fonctionner sur le plan légal.

Pourtant, ce projet de loi, qui modifiera toute notre relation avec le sous-sol pour les générations à venir, a été présenté deux jours avant le début des vacances parlementaires. De plus, la commission parlementaire a débuté le 16 août alors que la population participait à des épluchettes de blé d'Inde sous le soleil des vacances.

Si M. Couillard croit que le Québec n'est pas une république de bananes où les décisions sont prises par une clique derrière des portes closes, il doit mettre ses culottes et entamer avec le public un débat de fond sur cette question, débat qui a été escamoté par la décision de procéder à un faux exercice de consultation de la population durant les vacances.

Pour camoufler la nature réelle de cette législation, le PL 106 refuse de parler de « fracturation hydraulique ». La réalité géologique du Québec oblige à utiliser des techniques non conventionnelles pour extraire les hydrocarbures. Alors, ce texte législatif emploie toute une gamme de synonymes pour éviter le mot « fracturation », comme « complétion » ou « stimulation physique, chimique ou autre » de la roche.

Pourquoi camoufler toute la réalité des effets pervers que cette technique controversée pourrait avoir sur l'environnement? M. Couillard doit mettre ses culottes et avoir le courage d'appeler un chat, un chat.

Parlant d'effets sur l'eau, le Règlement pour la protection de l'eau potable (RPEP) est tellement minimaliste dans ses exigences de distance séparatrice que des experts, dont l'ingénieur en géologie Marc Durand, croient que le RPEP a été rédigé sur mesure pour répondre aux besoins de l'industrie extractive et non pour assurer la protection des sources d'eau de la population[iv]. Pour permettre à M. Couillard de comprendre l'importance de l'eau pour nous, une grand-mère de Saint-Hilaire lui a envoyé un DVD du film Le fleuve aux grandes eaux du cinéaste Frédéric Back[v]. Espérons que cette œuvre artistique saura faire comprendre au médecin Couillard que l'eau de qualité et notre fleuve sont plus importants que l'intérêt à court terme de l'industrie des carburants fossiles.

Quant au ministre des ressources naturelles, M. Arcand, il affirme devant les membres de l'APGQ que le projet de loi 106 sera adopté avant la fin de l'année. Pour lui, le débat est clos[vi]; les seules modifications qu'il envisage, ce sont des changements cosmétiques comme changer le mot « raccordement » pour « pipeline ». Rien pour répondre aux problèmes criants de cette législation.

Malgré six ans de militantisme citoyen, le ministre des Ressources naturelles est déterminé à satisfaire les gazières. Pour hâter les choses, M Arcand n'exclut pas d'imposer le bâillon à l'Assemblée nationale[vii]. Après tout, quand les boss du lobby donnent un « ordre » à un ministre, celui-ci doit y répondre avec empressement.

M. Couillard doit avoir le courage de répondre à une question fondamentale. Est-ce que ce projet de loi vise le bien-être de l'ensemble de la population? Ou, est-ce pour le seul bénéfice du lobby des industries extractives? S'il ne met pas ses culottes sur la question, nous verrons ses dessous huileux sous ses pantalons plus verts que verts!