Projet de loi 102 sur l’environnement

2016/11/30 | Par Nature Québec

« Le projet de loi 102 qui amende en profondeur la loi sur la qualité de l’environnement ne sera malheureusement pas à la hauteur des défis environnementaux du 21ème siècle et constituera probablement un recul en matière de protection et d’amélioration  l’environnement », a affirmé aujourd’hui Christian Simard, directeur général de Nature Québec devant la commission parlementaire  des Transports et de l’Environnement.

Nature Québec craint notamment que, grâce à une nouvelle disposition introduite dans la loi, le Québec laisserait aux seules agences canadiennes l’évaluation environnementale de projets menés par des entreprises ou des administrations de juridiction fédérale au Québec, comme TransCanada avec son pipeline Énergie Est et le port de Québec.

Avec le projet de loi 102, le gouvernement québécois pourra de plus exclure certains territoires et certaines activités économiques de la nécessité d’obtenir une autorisation environnementale. Un territoire peu peuplé comme Anticosti par exemple, pourrait bénéficier de cette exemption.

En ayant comme objectif premier de réduire de 30% le nombre de certificats d’autorisation émis par le ministère plutôt que d’améliorer la protection de l’environnement, Nature Québec estime que le gouvernement procède à l’envers et introduit un régime de protection à plusieurs vitesses.  Il aurait pu d’abord viser la réduction des impacts environnementaux des activités, puis ensuite voir à améliorer l’efficience des procédures et de l’émission des autorisations.

Nature Québec rappelle que le gouvernement promet de « moderniser » le système d’autorisations sans affecter négativement la protection de l’environnement.  Pourtant, avant la réforme, environ 70 % des milieux humides détruits sur une période de plus de 20 ans l’ont été au noir, sans l’ombre d’une autorisation. Seulement 10 % des 400 projets d’exploration minière ont fait l’objet d’une autorisation.

Le projet de loi confie par ailleurs au ministre un trop large pouvoir discrétionnaire, dénonce Christian Simard. « En accordant une large discrétion au ministre dans plusieurs articles du projet de loi, on risque de politiser la gestion de l’environnement au Québec et ne bien servir ni les entreprises, ni l’environnement, ni les citoyens ».

« Avec le nouveau projet de loi, Nature Québec n’aurait pas pu contester avec succès l’autorisation émise par le Ministre dans le dossier du terminal pétrolier de Cacouna, car ce dernier n’aurait pas eu à consulter tous les éléments du dossier, comme l’avis scientifique sur les bélugas » illustre encore Christian Simard.


Des avancées ternies par des reculs importants

Si certaines avancées comme l’évaluation environnementale stratégique des grands programmes gouvernementaux et un meilleur accès à l’information sont au rendez-vous, celles-ci sont malheureusement annulées par un encadrement inadéquat qui enlève du pouvoir au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) et crée des limitations inutiles. De plus, le projet de loi 102 évite de corriger un déséquilibre fondamental entre le droit des entreprises et celui des citoyens :  alors qu’une entreprise peut contester un refus d’octroi d’autorisation pour un projet, les citoyens ne peuvent, eux, contester l’octroi d’une autorisation à une entreprise.

Par ailleurs, le gouvernement introduit les changements climatiques comme critère dans l’analyse des projets sans en préciser cependant la portée. Il répond également aux critiques du vérificateur général sur le Fond Vert en en revoyant la gouvernance, sans toutefois lui empêcher de financer des programmes généraux de transport ou des entreprises émettrices de GES dans le seul but de leur permettre de se conformer aux exigences du marché du carbone, comme le demandent pourtant Nature Québec et plusieurs organismes.

Nature Québec regrette qu’on n’ait pas profité de la révision de la loi sur la qualité de l’environnement pour affirmer le caractère collectif et d’intérêt public de l’environnement, ainsi que le rôle de l’État de le protéger et de l’améliorer en soulignant, d’entrée de jeu, l’importance de lutter contre les changements climatiques, de préserver la biodiversité en respectant la capacité de support des écosystèmes.

Enfin, Nature Québec réitère sa demande au ministre de publier les textes de règlement qui accompagneront le projet de loi avant son adoption. Il est difficile pour Nature Québec et le public de se faire une idée de l’ampleur des conséquences du projet de loi sans ces documents.

Cette absence est d’autant plus surprenante que des représentants de l’industrie minière disaient aujourd’hui même  avoir en main depuis juin 2016 le projet règlement qui encadrera leur industrie. Il y a ici deux poids deux mesures et une situation que Nature Québec juge inacceptable.