Pétrole : Nous sommes en 2016!, Monsieur Trudeau

2016/12/05 | Par Gérard Montpetit

L’auteur est membre du CCCPEM (Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l'environnement maskoutain)

Le 29 novembre, la nouvelle est tombée : le gouvernement de M. Justin Trudeau a décidé d'approuver l'oléoduc TransMountain de Kinder Morgan vers le port de Vancouver ainsi que la réfection de la vieille ligne 3 d'Enbridge vers le Wisconsin. Mais il a refusé le projet Northern Gateway vers Kitimat. C'est la première fois que le premier ministre Trudeau tranche; la lune de miel composée de gentils selfies est terminée. Cependant, on peut se demander si ce préjugé favorable en faveur de l'industrie pétrolière a un quelconque lien avec le fait que son grand père, Charles, était le fondateur de la Champlain Oil?[i]

De prime abord, le premier ministre vient de briser deux de ses promesses qui l’ont aidé dans sa campagne électorale de 2015 : celle de soumettre les projets de pipelines comme TransMountain à un nouveau processus de consultation et d'évaluation ainsi que celle de fonder ses décisions sur la science. La très nécessaire réforme de l'Office national de l'énergie (ONÉ) est remise aux calendes grecques! C'est un mauvais départ.

 

En un sens, cette annonce est une victoire pour les pressions du lobby de l'industrie pétrolière. Selon Raphaël Bouvier-Auclair de la SRC[ii], il y aurait eu quelque 35 rencontres entre des représentants de Kinder Morgan et des employés politiques ou des fonctionnaires. Quant à Enbridge, le registre fédéral des lobbyistes fait état de 70 rencontres.

Mais, de l'autre côté de l'équilibre des forces, mon budget (et c'est vrai pour la plupart des environnementalistes) ne me permet pas d'avoir une rencontre avec le premier ministre à 1 500,00 $ le couvert![iii] Certes, ces rencontres ne sont pas illégales, mais pour la transparence, on repassera.

N’oublions pas que Northern Gateway avait été accepté; mais l’opposition farouche des Premières Nations et des citoyens en a forcé l’annulation par les cours de justice[iv]. De plus, la disette de bienfaits économiques pour la Colombie-Britannique avait amené la première ministre Clark à se demander si les risques environnementaux encourus en valaient la chandelle.

Même si le gouvernement fédéral vient de lui donner son aval, les mêmes problèmes attendent le projet de pipeline TransMountain avec une brique et un fanal. Le député Kennedy Stewart, du NPD, et Mme Elizabeth May, chef du Parti Vert, ont juré de se battre aux côtés des Amérindiens et des maires de la région de Vancouver. Le maire de Vancouver, M. Gregor Robertson, est aussi déterminé que M. Denis Coderre.

En accordant sa bénédiction de façon précipitée à TransMountain, le gouvernement Trudeau a oublié que ce genre de décision doit se prendre en consultant les scientifiques. Il fait fi du 5e rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

Selon Enjeux Énergie, ce pipeline qui aurait une capacité de 324,85 millions de barils par année serait responsable d'émissions mondiales équivalant à 195 millions de tonnes de gaz carbonique par an. L'objectif de la construction de TransMountain, c'est d'augmenter la production des sables bitumineux. Les gaz à effet de serre, qu'ils soient produits à Fort McMurray, à New Delhi ou à Pékin, contribueront à accélérer les changements climatiques au niveau mondial. Comment réconcilier cette décision avec nos promesses à la conférence de Paris?

Lorsque l'aïeul Trudeau a décidé de vendre du pétrole et de favoriser l'automobile vers 1930[v], il était en plein dans la révolution qui sonnait le glas de l'ère du cheval et du boghei. Mais, 85 ans plus tard, les temps ont changé; nous sommes dans la transition vers les énergies renouvelables. Bâtir un pipeline aujourd’hui, c'est aussi rétrograde que de construire une usine de boghei en 1930.

M. Trudeau, nous sommes en 2016!