Les deux côtés de la médaille du régime Castro

2016/12/09 | Par Louis Duclos

L’auteur est un ex-député fédéral de Montmorency-Orléans (1974-1984)

Il faut convenir que la déclaration du premier ministre Trudeau au lendemain de l’annonce du décès de Fidel Castro était plutôt maladroite. Autant il était pertinent de saluer les progrès considérables de la société cubaine, notamment au chapitre de l’éducation et des soins de santé, pendant son long règne, autant il est regrettable qu’il ait passé sous silence le caractère dictatorial de son régime et son bilan peu glorieux en matière de respect des droits fondamentaux de ses concitoyens.

Cela étant dit, il est impératif de rappeler que le régime Castro s’est toujours retrouvé en mode d’autodéfense en raison de la menace constante de son renversement résultant d’un coup d’État fomenté par la CIA. D’ailleurs, l’invasion ratée de la baie des Cochons en avril 1961 illustre bien la volonté de l’impérialisme américain de liquider Fidel Castro et son régime par la force militaire avec la complicité des éléments les plus rétrogrades de la société cubaine.

On lui aurait ainsi fait subir le même sort que celui qui avait été réservé au président réformiste du Guatemala, Jacob Arbenz, en 1954 et qui fut  aussi celui du président chilien, Salvador Allende, en 1973.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de s’étonner que Fidel Castro ait été habité par un fort sentiment d’insécurité le portant à mettre à l’écart quiconque n’endossait pas aveuglément les diktats de son gouvernement. Il s’agit là de circonstances atténuantes qui ne rendent pas moins répréhensible la brutalité de son régime, mais qui, cependant, expliquent sans doute son comportement abusif à l’endroit des dissidents parmi ses concitoyens.

Cette controverse aura toutefois permis d’exposer au grand jour l’hypocrisie de la filière « trumpiste » canadienne qu’incarnent notamment les députés conservateurs Maxime Bernier et Gérard Deltell qui, après avoir accusé Justin Trudeau d’occulté le côté sombre du règne de Fidel Castro, ont eu recours au même procédé en fermant les yeux sur les importantes réformes réalisées par son gouvernement au bénéfice du peuple cubain.

Il faut vraiment être de mauvaise foi pour ne pas reconnaitre que Cuba constitue aujourd’hui un pays qui se distingue en raison du fort taux d’alphabétisation de sa population et aussi en raison de la qualité exceptionnelle de son système de soins de santé.

Ayant vécu quelques années en Amérique du sud au cours de la décennie 1960, je me souviens très bien de l’immense popularité dont jouissait Fidel Castro chez les moins bien nantis qui caressaient l’espoir que des chefs politiques de son calibre émergent dans leurs pays et entreprennent les réformes socio-économiques dont profitait déjà le peuple cubain, et ce, malgré l’étranglement de son économie par les politiques revanchardes de l’administration américaine.

Tout bien considéré, la question la plus pertinente que l’on puisse poser au sujet du bilan du régime Castro est la suivante: que serait Cuba aujourd’hui si ce pays n’avait pas connu la révolution castriste ? Il est plus que probable que Cuba serait une réplique de ce qu’il était sous le régime Batista des années 1950, c’est à dire que le peuple cubain serait encore peu scolarisé, que son système de santé serait toujours très rudimentaire, que la mendicité y serait encore fort répandue, qu’il serait comme autrefois le bordel des Américains et surtout que son peuple n’afficherait pas la dignité qu’on lui connait aujourd’hui.