Photo-roman sur la violence faite aux femmes dans leur logement

2016/12/09 | Par Richard Lahaie

On pense que les agressions sexuelles ont lieu uniquement la nuit dans des ruelles sombres, mais il y a aussi des actes d’agression dans l’espace privé des femmes. Le Centre d’éducation et d’action des femmes (CEAF) a fait une enquête sur les violences sexuelles vécues par les femmes dans leur logement. Un photo-roman a été produit à 6 000 exemplaires à la suite de cette enquête.

Les auteurs de ces violences sont souvent les propriétaires, les concierges et les colocataires. En entrevue, Julie Leblanc du CEAF, raconte que « des propriétaires font des propositions indécentes à la locataire du genre : T’as perdu ta job ou tes prêts et bourses ne sont pas entrés et tu me dois deux mois de loyer. Si tu veux effacer ta dette, couche avec moi et je n’irais pas à la Régie ».

Madame Leblanc ajoute que « les propriétaires et concierges utilisent le double des clés pour entrer dans le domicile des femmes, pour exercer de l’intimidation ou des viols. Ils choisissent leurs victimes qui ont le même profil, soit de vivre dans la pauvreté et qui n’ont pas suffisamment d’argent pour déménager ».

Le 6 décembre 2016, la députée de Québec solidaire, Manon Massé, a déposée à l’Assemblée nationale une pétition qui réclame que les articles 1902, 1931 et 1974.1 du Code civil du Québec soient davantage visibles dans le formulaire de bail, afin de mieux outiller les locataires.

L’article 1902 déclare que « le locateur ou tout autre personne ne peut user de harcèlement envers un locataire de manière à restreindre son droit à la jouissance paisible des lieux ou à obtenir qu’il quitte le logement ».

L’article 1931 annonce que « le locateur est tenu, à moins d’une urgence, de donner au locataire un préavis de 24 heures de son intention de vérifier l’état du logement, d’y effectuer des travaux ou de le faire visiter par un acquéreur éventuel ».

L’article 1974.1 permet à « un locataire de résilier le bail en cours si, en raison de la violence d’un conjoint ou en raison d’une agression à caractère sexuel, même par un tiers, sa sécurité ou celle d’un enfant qui habite avec elle est menacée ».

La pétition demande également que, dans la prochaine Stratégie gouvernementale sur les violences sexuelles, le gouvernement du Québec reconnaisse et dénonce la gravité du harcèlement et des violences sexuelles ciblant spécifiquement les femmes locataires en mettant sur pied et médiatisant une campagne publique de sensibilisation sur ce thème et réfléchissant à des moyens permettant de lutter contre ces violences.

« Le harcèlement sexuel n’est pas reconnu comme un crime, le harcèlement criminel l’est. Si une femme est victime de harcèlement sexuel et qu’elle se rend au poste de police, c’est le policier qui décide si c’est de l’ordre criminel. Pour être de type criminel, le harcèlement doit correspondre à plusieurs critères, tel que la répétition, la persistance ou que ta vie est en danger » de spécifier Julie Leblanc.

Madame Leblanc demande que « la liste des infractions donnant droit à l’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) soit actualisée pour y inclure les infractions révisées du Code criminel, dont le harcèlement criminel et les menaces; et que des fonds publics soient réinvestis dans l’IVAC.

Les agressions faites aux femmes font partie des conséquences des inégalités sociales. Le faible revenu accordé aux femmes (salaire minimum) les privent d’un logement décent. « Partout où il y a des relations de pouvoirs les femmes sont susceptibles d’être victime de violence. Dans les maisons de chambres, les femmes sont habituellement minoritaires et certains chambreurs en état d’ébriété en profitent pour faire de l’intimidation en frappant à la porte d’une femme » ajoute Madame Leblanc.

C’est comme une loi du silence de la pauvreté qui oblige les femmes à se taire de peur de perdre leurs logements. « Dans la majorité des situations avec des femmes immigrantes, il y a la menace du : « je vais te faire retourner dans ton pays en te dénonçant à l’immigration ». Les femmes sont dans un système de terreur, de peur de retourner dans un pays qu’elles ont fui » d’expliqué Julie Leblanc.