Reportage sur le niqab : Radio-Canada a perdu tout sens critique

2016/12/09 | Par Françoise Breault

Suite à votre reportage du 4 décembre 2016, Comprendre ces Québecoises qui portent le niqab, j'ai réalisé plus que jamais comment Radio-Canada a perdu son sens critique au point d'accepter de publier un reportage basé sur une étude commanditée par le Conseil canadien des femmes musulmanes (Huffington Post. 5 décembre 2016).

 

De la pure propagande

Peu avant 2001, le film Kandahar était sorti. Pour la première fois, on voyait sur nos écrans ces femmes qui devaient se couvrir des pieds à la tête. Sans exception, tout le monde trouvait que c'était une aberration. Aberration tellement grande qu'on aurait pu croire à une farce. Et maintenant, pour faire accepter cela dans les mentalités, on en fait la promotion à la TV.

Radio-Canada, s'il avait refusé ce reportage, avait-il peur d'être taxé d'islamophobe et de xénophobe? C'est le meilleur moyen de museler toute critique. 

Il n'y a pas si longtemps Radio-Canada, sans trop s'en rendre compte, se faisait la courroie de transmission de l'Institut économique de Montréal, en relayant leurs questions:  Serait-il temps de privatiser la SAQ?, serait-il bon de privatiser une partie d'Hydro-Québec pour aider à la réduction de la dette?, les Québécois paient-ils trop d'impôt? le Québec est-il trop endetté? Est-ce que plus de privé dans notre système de santé serait plus efficace? Etc.

Toutes questions qui, mine de rien, faisaient avancer leur idéologie néolibérale: seul le « libre-marché » est efficace et tout ce qui est règlement de l'État ne peut que nuire au sacro-saint libre-marché. Heureusement, maintenant Radio-Canada semble plus prudent, c'est un peu moins pire de ce côté.

Même tactique de la part des intégristes. Ils avancent masqués. Ils ont compris que Radio-Canada était pour eux, une bonne courroie de transmission. Comme l'a décrit si bien Yolande Geadah dans son livre Femmes voilées, intégrismes démasqués, Avez-vous au moins pris le temps d'enquêter sur qui compose ce Conseil canadien des femmes musulmanes et qui le finance?

Il n'y a pas que Daesh qui est fort en communication. Les intégristes ont compris que, par toutes sortes de moyens détourné,; une étude par-ci, une exposition par-là, et bientôt ce sera des films, des pièces de théâtre, ils font avancer leur idéologie qui, sans trop en avoir l'air, promeut l'inégalité des sexes. Toutefois, réussir à avoir un reportage à la TV, c'est le gros lot, c'est ce qui rejoint le plus de gens, et le plus rapidement.

Y a-t-il un moyen plus clair pour promouvoir le message que les femmes devraient disparaître de la place publique que de les envelopper de leur vivant dans un linceul, en attendant qu'elles soient confinées pour de bon dans leur maison?

Ne réalisez-vous que les imans, ceux qui une conception rigoriste de l'islam, mettent les femmes à l'avant-plan pour faire avancer leur cause. Ils savent bien que ces femmes qui revendiquent que c'est leur choix, ce sont leurs meilleures ambassadrices, c'est le meilleur moyen de gagner en crédibilité et faire avancer leur cause.

Tout comme les prostitueurs vont mettre à l'avant-plan des femmes proclamant que c'est leur choix de se prostituer. 

Dans les deux situations, des hommes mettent des femmes à l'avant-plan pour valoriser leur cause.

Dans les années 1940, évêques et curés auraient sûrement utilisé des femmes proclamant que  les femmes n'ont pas d’affaires à bénéficier du droit de vote. Heureusement, ces tactiques de détournement et de manipulation n'étaient pas encore aussi avancées dans les moeurs.

A quand le reportage: Comprendre ces femmes qui se font les ambassadrices de cause qui nuit à l'égalité hommes-femmes ?  Je suis certaine qu'une enquête de fond sur ce sujet, vous permettrait de découvrir des choses fort intéressantes et très juteuses. 

Comme le dit si bien l'annonce de Du Proprio: Pour trouver les bonnes réponses, il faut se poser les bonnes questions.