La liberté de presse a un prix !

2016/12/14 | Par Pierre Dubuc

La liberté de presse est fragile au Québec. Nous en avons eu plusieurs exemples récemment, dont la destitution de Vincent Marissal de son poste de chroniqueur à La Presse, la poursuite de Richard Martineau contre Ricochet et la condamnation de Vigile.

 

Une ténébreuse affaire

Dans l’édition du 8 décembre du journal Le Devoir, le journaliste François Desjardins rapportait qu’une douzaine de postes seront abolis dans la salle de rédaction de La Presse, dont celui de Vincent Marissal.

Les employés dont le poste a été aboli pourront postuler un autre poste en redevenant, par exemple, reporter.

Cette rétrogradation de Marissal intervient peu après la nomination par Gesca, propriété de Power Corporation, de Pierre-Elliott Levasseur au poste de président de La Presse en remplacement de Guy Crevier.

Nous ne connaissons pas les raisons à l’origine de la disgrâce de Marissal, mais la direction de La Presse nous a, depuis longtemps, habitué à la révocation de chroniqueurs trop critiques.

Chantal Hébert s’était fait retirer sa chronique politique, à l’automne 1998, pour avoir écrit que Jean Chrétien aurait pu donner un coup d’élan à la campagne de Jean Charest s’il avait annoncé que l’élection d’un gouvernement fédéraliste à Québec lui permettrait d’envisager avec « sérénité » sa propre retraite.

André Pratte a été démis de ses fonctions comme chroniqueur à la suite d’un texte intitulé « Tout est pourri » où Power Corporation était associée à une présumée déliquescence de la société dans son ensemble.

À l’époque, les journalistes de La Presse avaient fermement dénoncé la sanction infligée à André Pratte, la qualifiant d’ « ingérence du propriétaire » et de « cas patent de censure ». Ils avaient joint la parole aux actes en faisant la grève des signatures dans une édition du quotidien.

Sommes-nous devant une situation similaire avec Marissal? Est-ce qu’au « Tout est pourri » de Pratte correspond la récente chronique « Ça pue » de Marrisal?

 

Poursuite-bâillon contre Ricochet

Pour avoir publié un billet satirique de Marc-André Cyr, le site Internet Ricochet fait l’objet d’une poursuite de 350 000 $ du chroniqueur du Journal de Montréal Richard Martineau.

Face à cette poursuite-bâillon, la cofondatrice et responsable de l’information de Ricochet, Gabrielle Brassard-Lecours a déclaré : «M. Martineau ne semble pas admettre qu’à titre de personnalité publique, il s’expose à la critique. Le chroniqueur chérit la liberté de presse quand elle sert sa cause, mais il ne supporte pas d’être l’objet d’un texte satirique».

Jugeant son existence en péril suite à cette poursuite, Ricochet  a lancé une campagne de sociofinancement auprès de ses lecteurs et de tous ceux qui sont épris de la liberté de presse.

Pour comprendre les origines de la querelle entre Marc-André Cyr et Richard Martineau, nous renvoyons nos lecteurs au texte de Xavier Camus sur le Huffington Post.

 

Vigile en appelle de sa condamnation

Richard Le Hir, directeur du site Internet Vigile, décrit ainsi les événements : « Le 27 octobre dernier, l’Hon. juge Marc Paradis de la Cour supérieure rendait sa décision dans le litige opposant le promoteur immobilier et avocat Vincent Chiara à la Société des Amis de Vigile et au soussigné relativement à la publication d’un article intitulé ‘‘Les tentacules de la mafia’’ le 17 novembre 2010, il y a maintenant six ans. Cet article avait été écrit en s’appuyant entre autres sur un article du journal Le Soleil publié le 16 novembre 2008 dans lequel on retrouvait cette phrase : ‘‘En mai 2007, le magnat immobilier, qu’on a quelques fois lié à la mafia, avait indiqué sa volonté d’utiliser le quart des 325 000 mètres carrés du lieu à des fins résidentielles’’ ».

Dans son action en diffamation, Vincent Chiara réclamait 500 000 $ en dommages-intérêts dont 250 000 $ à titre de dommages moraux et 250 000 $ à titre de dommages punitifs pour atteinte à la réputation.

Le jugement lui accorde 30 000 $ à titre de dommages moraux, et 0 $ à titre de dommages punitifs.

Dans l’article publié sur le site de Vigile, Richard Le Hir explique pourquoi il en appelle du jugement et sollicite, lui aussi, l’appui de ses lecteurs et des amis de la liberté de presse.

 

Djemila acquittée

Par ailleurs, on accueille avec soulagement l’acquittement de Djemila Benhabib de la poursuite au civil pour 95 000 $ des Écoles musulmanes de Montréal.

Mais cela ne peut faire oublier qu’elle a dû débourser des milliers de dollars pour assurer sa défense, sans compter le temps qu’elle a dû y consacrer et l’angoisse subie.

 

La liberté de presse a un prix !

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