Pas de visites à l’étranger pour les bénéficiaires de l’aide sociale

2016/12/16 | Par Collectif

Lettre signée par Minouse Joseph, Marina Rishkevitch, Maria Ines Garduno avec l’appui de la Coalition Pauvre + Captif

Depuis mai 2015, une personne qui quitte le Québec pour plus de 7 jours consécutifs – ou 15 jours cumulatifs – dans un même mois perd son droit à l’aide sociale.

Avec des revenus mensuels de seulement 623$, les gens sont déjà dans l’impossibilité de subvenir à leurs besoins de base pour le logement, la nourriture, le chauffage et les vêtements. Avec ce nouveau règlement, le gouvernement attaque la capacité des plus vulnérables de notre société à maintenir leurs liens avec famille et ami.e.s qui vivent en dehors du Québec.

Nous aimerions rappeler à François Blais, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, que la solidarité commence d’abord et avant tout avec la famille. La famille fait partie intégrante de qui l’on est; nous avons besoin d’un contact physique avec les gens qui nous sont précieux; les appels téléphoniques et les courriels ne suffisent pas.

Si notre mère, notre père ou notre frère décède ou tombe grandement malade, il faut se rendre auprès de notre famille, peu importe la situation. Quand un proche nous quitte, nous avons besoin de réconfort. Ce besoin est encore plus urgent si votre famille habite de l’autre côté de la terre et que cela fait des années que vous n’avez pas été réunis.

Il est impossible de prévoir les catastrophes dans nos vies personnelles, on ne peut pas synchroniser nos deuils avec les impératifs de l’aide sociale.

Dans le système actuel, les prestataires de l’aide sociale sont pénalisés pour avoir assisté à des funérailles ou visité un proche malade. De retour au Québec, ils subissent des coupures sur leurs prestations en plus de devoir faire face au stress de ne pas pouvoir payer le loyer ou l’épicerie.

Une logique similaire s’applique pour les évènements heureux de la vie : les naissances, les mariages et les fêtes tel que Noël et le Nouvel An. Comment expliquer à notre famille que nous ne pouvons pas être présents lors d’événements importants à cause des règles de l’aide sociale?  

Des absences répétées peuvent entraîner des ruptures dans nos relations. Si on se déconnecte de nos familles, on devient isolé et déprimé… ce qui entraine des problèmes de santé physique et mentale.

Le fait qu’une personne qui s’absente du Québec pendant plus de 7 jours perde son statut de résidente aux yeux de l’aide sociale est le critère de résidence le plus restrictif de tous nos programmes sociaux.

Avec cette mesure draconienne, le gouvernement du Québec crée une discrimination basée sur le statut socioéconomique et enfreint la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi que la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Cela empiète aussi sur le droit à la mobilité des citoyens canadiens et des résidents permanents en les empêchant de se déplacer à l’intérieur du Canada.  C’est pour ces raisons que les Services juridiques de Pointe-Saint-Charles et Petite-Bourgogne, accompagne Arié Moyal, prestataire d’aide sociale, dans sa bataille légale pour faire invalider cette mesure injuste.

Les personnes qui reçoivent de l’aide sociale sont des êtres humains dignes de respect. Pourtant le système d’aide sociale les traite comme des criminels. Désormais, même s’ils respectent la nouvelle règlementation, les gens qui voyagent doivent justifier leurs déplacements, présenter des preuves de voyage et fournir une lettre de la personne qui paie pour le voyage.

En plus d’être une invasion de la vie privée, ceci est un contrôle injustifié de la part des agents d’aide sociale qui ont énormément de pouvoir discrétionnaire.

Malheureusement, il s’agit de la suite des mesures de surveillance et de contrôle imposées par notre gouvernement sur les personnes qui vivent dans la pauvreté. Les prestataires de l’aide sociale sont submergés par les demandes excessives de documents à fournir, doivent faire face à des enquêtes aléatoires et peuvent voir leur chèque retenu à leur centre local d’emploi.

Avec le projet de loi 70 qui vient d’être adopté, si les prestataires ne se soumettent pas aux demandes des programmes d’employabilité qui leur seront imposés, les agents auront maintenant le pouvoir de réduire les prestations à un montant aussi minuscule que 399$ par mois et ce, sans possibilité d’appel.
François Blais, pourriez-vous vivre dans ces conditions? Si non, pourquoi demandez aux prestataires d’aide sociale de le faire?

Témoins des conséquences de cette nouvelle restriction dans la vie de leurs membres et participant.e.s, les groupes communautaires à l’initiative de la campagne pauvre + captif ont documenté les impacts de cette immobilisation forcée, qui s’attaque à la dignité des gens qui reçoivent de l’aide de dernier recours et renforce les préjugés contre les personnes vivant en situation de pauvreté. Pour en savoir plus: pauvreetcaptif.com