Remaniement à Ottawa : le Québec sort doublement perdant

2017/01/12 | Par Pierre Dubuc

Le Québec risque d’être le grand perdant du remaniement du cabinet fédéral. Mais – rassurez-vous – la perte ne découle pas du départ de Stéphane Dion!

Les intérêts du Québec sont menacés par le fait que le dossier des futures négociations commerciales avec l’administration Trump est confié à la nouvelle ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland.

 

Bois d’œuvre et gestion de l’offre en agriculture

Dans un article publié dans le Globe and Mail (10 janvier), soit la veille du remaniement ministériel, Gordon Ritchie – qui était directeur-adjoint de l’équipe de négociation de l’entente de libre-échange (ALE) entre le Canada et les États-Unis, il y a 30 ans – écrit qu’il « n’est pas difficile d’identifier quelles seront les demandes de l’administration Trump face au Canada ».

« Les demandes américaines, enchaîne-t-il, que le Canada a rejeté dans l’ALE original et devant lesquelles il n’a pas capitulé lors des négociations subséquentes de l’ALENA seront déposées sur la table dans un esprit de vengeance. »

En tête de liste, il y aura, selon Gordon Ritchie, les importations de bois d’œuvre canadien. Selon les chiffres du Conseil de l'industrie forestière, plus de 4000 emplois au Québec sont menacés.

D’importants secteurs du monde agricole seront aussi visés. Gordon Ritchie rappelle que, lors des négociations de l’ALE, les États-Unis demandaient un libre accès au marché canadien pour les produits laitiers et d’autres produits protégés par la gestion de l’offre.

Selon lui, le fait que le gouvernement Harper ait ouvert aux Européens le marché des fromages, dans le cadre de l’accord de libre-échange Canada-Europe, a mis en furie les Américains. « Ils mettront beaucoup de pression sur cet enjeu », soutient Ritchie.

Les États-Unis pourraient également imposer des restrictions aux importations de viande en provenance du Canada.

Par contre, Ritchie ne semble pas croire que le secteur de l’automobile soit menacé parce que les deux pays y perdraient au change. Le Mexique est le pays visé par Trump.

 

Les demandes canadiennes

Ritchie affirme qu’adopter une attitude purement défensive serait suicidaire pour le Canada. Il propose donc que le Canada mette sur la table ses propres demandes. Ainsi, le Canada pourrait exiger que soient bannies les clauses du « Buy American », qui pourraient empêcher les industriels canadiens de participer aux projets d’infrastructures promis par Trump.

Ritchie pense que le Canada devrait aussi exiger la levée des restrictions au transport d’énergie vers les États-Unis et demander que Trump autorise la construction de l’oléoduc Keystone. Trump a déjà promis de permettre la construction de cet oléoduc, mais à la condition que la prétrolière TransCanada accepte de partager ses profits.

 

Le Québec, Gros-Jean comme devant

En fait, Gordon Ritchie laisse entendre que le Canada ne pourra s’opposer à des concessions sur le bois d’œuvre et la gestion de l’offre en agriculture et propose plutôt des avantages en retour pour les industriels et les pétrolières.

C’est une approche taillée sur mesure pour Mme Freeland, qui représente une circonscription ontarienne et qui est né en Alberta. Ajoutons que, de par sa mère, elle est d’origine ukrainienne, une communauté présente principalement dans l’Ouest du pays.

Théoriquement, les intérêts du Québec auraient été mieux représentés si le dossier des négociations commerciales avec les États-Unis était demeuré sous la responsabilité du nouveau ministre du Commerce international, le député de Saint-Maurice-Champlain, François-Philippe Champagne.

Mais M. Champagne se voit plutôt confier en priorité la négociation d’un traité de libre-échange avec la Chine, qui avantagera principalement les provinces qui ont d’importants liens commerciaux avec ce pays, soit la Colombie britannique et l’Ontario.

Le Québec est donc doublement perdant.

Joyeux 150e quand même !