Trump arrive, Dion s’en va

2017/01/20 | Par Pierre Jasmin

L’auteur est vice-président des Artistes pour la paix

Les Artistes pour la Paix partagent bien évidemment l’inquiétude de nos éditorialistes devant l’arrivée au pouvoir suprême occidental d’un être inculte et macho qui ne croit qu’en la force armée et aux pouvoirs de la richesse et de la majorité blanche. Mais rien en politique n’est blanc ou noir. Même si Trump respecte Vladimir Poutine pour de mauvaises raisons, de meilleurs rapports américains avec la Russie pourraient diminuer la tension nucléaire mondiale et améliorer la situation de la population syrienne, avec l’abandon des désastreuses alliances américaines avec les djihadistes, encouragées par l’OTAN, la Secrétaire d’État Hillary Clinton et même par les Casques blancs.

Espérons toutefois que les Kurdes ne souffriront pas trop du rapprochement américano-turco-russe.

En attendant les effets de la nouvelle conjoncture internationale qui débutera vendredi après la cérémonie d’investiture, accompagnez moi, justement ce vendredi, voir la première organisée par le nouveau Réseau de solidarité kurde de Montréal du film de l’ONF, « Gulistan : Terre de roses », en présence de la réalisatrice, Zaynê Akyol, au Cinéma du Parc à 19h 30 puis subséquemment à la Cinémathèque en version française.

La réalisatrice Zaynê Akyol sera présente au Cinéma du Parc vendredi le 20 janvier

Revenons à Trump sujet d’inquiétude pour les spécialistes de sécurité nord-américaine (CIA, NSA, OTAN…) : voilà qui est plutôt comique, car cela nous fait croire que des actions conséquentes pourraient suivre ses mots très durs face à « l’OTAN obsolète » (les Artistes pour la Paix avaient réclamé son démantèlement, au nom de la paix amenée par M. Gorbatchev, il y a un quart de siècle) et face aux espions de la NSA qui avaient déclaré, avec la complicité d’Obama, l’intègre Edward Snowden coupable de haute trahison. 


 

Heureusement, sur un dossier connexe à wikileaks, l’ex-président a écouté un de nos nombreux appels (via Amnistie internationale USA, Codepink.org …) à diminuer la peine qui passerait de trente-cinq ans à sa libération le 17 mai pour Chelsea Manning.

On sait que ce malheureux soldat transgenre n’avait fait que révéler un meurtre involontaire de journalistes perpétré par un drone de l’armée américaine : il a subi, en conséquence de son whistleblowing, des traitements dégradants et un dur isolement en prison militaire. Nous étions, suite à la grâce d’Obama, parmi les tout premiers à lui écrire notre joie.
 


 

Au Canada, le premier effet politique de l’arrivée de Trump a vu Justin Trudeau, avec la même fausse assurance trumpienne de fils de riche plutôt inculte lui aussi, du moins comparativement à son propre frère Alexandre, installer au ministère des Affaires extérieures la pro-ukrainienne Christya Freeland, auteure de deux livres qui dénoncent les ploutocrates, mais épargnent le leader ukrainien Porochenko qui répond pourtant à la définition!

Voici certes une décision contradictoire du gouvernement libéral, réagissant en mode panique à l’effet Trump, en larguant l’universitaire Stéphane Dion. Malgré son entrée en politique favorisée par son intransigeance face aux indépendantistes québécois, le ministre s’appuyait sur une forte expérience politique, un esprit ouvert au dialogue spécialement en diplomatie internationale, mais sans doute trop pro-environnement aux yeux de son chef et compromis face à Trump, par ses dialogues trop francs avec des confrères européens.

Parlant environnement, saluons le geste ultime d’Obama d’accorder une contribution d'un demi-milliard de dollars au fonds vert de l'ONU pour le climat, donc contre la multiplication des ouragans et typhons causée par le réchauffement climatique, ce que la brillante caricature de Pascal au Devoir révèle subtilement.

L’Agence France-Presse révèle que « ce fonds représente la plus grande institution financière multilatérale du monde consacrée à la lutte contre le réchauffement climatique. L'administration Obama avait annoncé en 2014 une contribution de 3 milliards de dollars pour ce fonds. Elle en a versé la première tranche en mars dernier. Le Fonds vert pour le climat gère les sommes destinées au financement des programmes de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d'adaptation au réchauffement dans les pays en développement. »

Le président désigné, Donald Trump, a dit en campagne électorale qu’il ferait sortir le pays de cet accord. Son futur secrétaire d’État, l'ex-PDG d’Exxon Mobil Rex Tillerson, a prudemment souligné devant le Congrès l’importance pour les États-Unis de continuer à s'impliquer dans la lutte internationale contre le réchauffement climatique.

Difficile à croire de la part d’un PDG qui a amoindri de plusieurs milliards de $ la responsabilité du désastre environnemental de l’Exxon Valdez face entre autres aux pêcheurs canadiens.

Bref, si l’ensemble des éditorialistes prétend l’apocalypse arrivée (et on peut certes craindre des actes de guerre de la part de l’impulsif Trump), rappelons tout de même que la situation a des précédents que ces mêmes éditorialistes n’invoquent jamais, c’est-à-dire les conséquences des passages au pouvoir d’autres béotiens destructeurs aux États-Unis : Gerald Ford, Ronald Reagan et George W. Bush ont fait des ravages en consolidant ou déclenchant des guerres contre des pays et contre les syndicats, avec la même vision ploutocrate, ignorante et militariste favorisant les Wallmart et Blackwater (Dick Cheney) de ce monde.

Peut-on au moins reconnaître que l’avènement de Trump représente l’avantage de l’abandon de la façade hypocrite des prétentions morales USA de n’agir que pour le bien universel?  Merci de suivre, commenter ou diffuser nos prises de position.