Trudeau a-t-il une meilleure compréhension de la Loi 101 que Lisée?

2017/01/23 | Par Frédéric Lacroix

Le 17 janvier, Justin Trudeau, de passage à Sherbrooke, a répondu en français à une question posée en anglais en disant, et je le cite : « Nous sommes au Québec, alors je répondrai en français ». Ce fait divers a causé un tollé inouï au Canada anglais et a provoqué un déluge d’éditoriaux et d’articles dénonçant M. Trudeau. Une enquête du Commissaire aux langues officielles a été ouverte.

Il est à noter que M. Trudeau avait répondu en anglais à une question posée en français en Ontario la semaine précédente. Bruits de grillons dans les éditoriaux au Québec et au Canada anglais. Pas d’enquête du Commissaire aux langues officielles.

En ce 150e anniversaire de la confédération, on ne pouvait avoir là une illustration plus éclatante du deux poids deux mesures lancinant dont fait l’objet la langue française au Canada.

Mais cela ne s’arrête malheureusement pas là.  Invité à réagir à cette polémique, notre premier ministre M. Couillard a affirmé : «C'est vrai qu'au Québec, on parle le français, c'est notre langue commune. Lorsque les Québécois de langue anglaise m'interpellent, je leur réponds dans leur langue, et ça va continuer de cette façon.»

Notons que le premier ministre du Québec, qui est aussi chef du parti libéral du Québec, affirme un principe dans une phrase pour le démentir dans la suivante. Son rôle comme premier ministre est d’incarner l’État du Québec et, par le fait même, d’incarner les principes qui structurent cet État. La commande est cependant un peu haute et manifestement, M. Couillard flotte un peu dans son costume d’homme d’État.

Le chef de l’opposition, M. Lisée a aussi réagi. M. Lisée avait là une occasion en or de souligner que M. Trudeau venait de reconnaître spontanément que les principes qui sous-tendent la Charte de la langue française s’appliquaient sur une base territoriale au Québec alors que les principes qui sous-tendent la Loi sur les langues officielles s’appliquaient hors du Québec. Et en profiter pour, par exemple, exiger que la loi 101 s’applique aux entreprises à charte fédérale au Québec, sait-on jamais.

Mais M. Lisée a plutôt choisi de scorer dans son but. Je le cite: «Dans une assemblée (à Sherbrooke) où la prédominance du français avait été très largement respectée, (M. Trudeau) avait tout à fait le droit de répondre en anglais».

M. Lisée est non seulement sur la même longueur d’onde que M. Couillard, mais il va même plus loin et remplace le principe de « français langue commune » par un principe de « français langue prédominante » qu’il est le seul à maîtriser.

M. Trudeau possède une meilleure compréhension spontanée du concept de « langue commune » cher à la Charte de la langue française du Québec que M. Couillard et Lisée qui ont totalement intégré le bilinguisme-sur-demande qui est à la base de la loi sur les langues officielles canadienne. Le monde à l’envers.