Un succès historique: les Cris de la Baie-James

2017/02/02 | Par Maurice Tremblay

Les conditions de vie des Autochtones, partout en Amérique, ne sont pas toujours aussi bonnes qu’il serait souhaitable.  Un groupe, pourtant, semble s’en tirer mieux que les autres: ce sont les Cris de la Baie-James, plus précisément ceux qui vivent du côté québécois de la Baie-James.  Et de fait, les Cris du nord du Québec ont fait reculer les gouvernements sur de nombreux plans et on peut dire qu’ils contrôlent actuellement leurs propres affaires, tout en ayant les ressources financières pour ce faire.  Cette réussite, même relative, pose plusieurs questions: Comment se fait-il que les Indiens des plaines de l’ouest canadien n’aient rien réussi de semblable dans le passé?  Comment se fait-il que du côté ontarien de la Baie-James, il n’y ait pas eu d’équivalent à la mobilisation victorieuse des Cris du Québec?   Et quelles sont les relations actuelles entre les Cris du Québec et ceux de l’Ontario?  Pour répondre à ces questions, et à quelques autres, il faut examiner l’histoire de ces trois groupes: les Autochtones des plaines de l’ouest, les Cris de la Baie-James ouest et, finalement, les Cris de la Baie-James est.

 

Les Autochtones des plaines de l’ouest

Le sort des Autochtones d’Amérique a parfois été qualifié de tragique.  Cela est certainement vrai des Autochtones de l’ouest du Canada, en particulier ceux du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta actuels.  À la fin du 19e siècle, en effet, ils ont énormément souffert des projets d’expansion du gouvernement du Canada, alors décidé à ouvrir l’ouest à la colonisation d’origine européenne.  Or établir des colons dans les plaines exigeait que ces plaines soient libérées de ses occupants autochtones.  Le gouvernement du Canada, surtout sous la gouverne du conservateur John A. MacDonald, a alors entrepris de les parquer dans des réserves, profitant de la disparition des troupeaux de bison (jusqu’alors la source principale de nourriture) et des épidémies d’origine extérieure qui les décimaient.  Pour se protéger de la faim, de la misère et des épidémies, les Autochtones des plaines ont insisté pour conclure des traités qui leur éviteraient peut-être la disparition totale.  Mais ces traités se sont avérés des marchés de dupes, car le gouvernement MacDonald a choisi de les garder aussi près que possible de la famine afin de les contraindre à intégrer les réserves.  Une fois installés sur les réserves, les Autochtones ont été privés des moyens de s’intégrer à la nouvelle économie qui se mettait en place, pour éviter qu’ils concurrencent les colons blancs.  Tout cela a entraîné une pauvreté extrême et de nombreux cas de tuberculose, cette maladie souvent associée à la misère et la malnutrition; elle était (et est encore) si répandue que certains l’ont cru héréditaire chez les populations autochtones

En   un mot, les Indiens de l’ouest ont été «détruits», littéralement «vidés» des plaines, pour reprendre le titre de l’ouvrage récent de l’universitaire James Daschuk, qui en fait la chronique précise (Note 1).

 

Les Cris de la Baie-James

Au 19e siècle, les terres des Cris de la Baie-James n’ont pas été convoitées comme celles des Autochtones des plaines de l’ouest pour la simple raison qu’elles étaient peu propices à l’agriculture.  Même après les efforts de colonisation de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle, seuls subsistent du côté québécois quelques établissements agricoles chétifs au sud-ouest, dans le prolongement de l’Abitibi. Plus à l’est, dans la région de Chapais-Chibougamau, on doit se contenter d’une culture rudimentaire de la pomme de terre, car le sol ne peut rien donner d’autre.  Quant à la section actuellement ontarienne de la Baie-James, elle est surtout constituées de basse terres marécageuses et inondables où l’agriculture est peu praticable.

Les Cris de la Baie-James se sont adonnés à la chasse de subsistance pendant des centaines d’années, le caribou étant leur gibier à la fois le plus gros et le plus accessible.  On estime en effet que leurs ancêtres sont apparus dans la région, venant du sud, il y a quelque 1500 ans (Note 2).

Vers 1670, la Compagnie de la Baie d’Hudson a installé des postes de traites des fourrures sur la côte de la Baie-James, autant du côté est (actuellement québécois) que du côté ouest (actuellement ontarien). (Pour faire face à la concurrence, elle devait en ouvrir plus tard beaucoup d’autres à l’intérieur des terres.)

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les Cris n’ont pas alors changé substantiellement.  Ils se présentaient aux comptoirs de la Compagnie une fois par an pour obtenir des marchandises comme les tissus, les pièges de métal et les munitions, mais ils conservaient leur mode de vie de chasseurs de subsistance, en intégrant certes des éléments d’origine européenne,  mais en développant leur mode de vie sur leurs propres bases (Note 3).

Cet état de choses a duré de 1670 jusque vers 1870, soit pour une période de deux cents ans.  En 1870, le gouvernement du Dominion du Canada succède à la Compagnie de la Baie d’Hudson dans l’immense territoire alors appelé terre de Rupert.  À court terme, cette nouvelle donne politique a peu affecté les Cris de la Baie-James, alors préoccupés par des changements dans le marché des fourrures: la demande pour le castor cède la place à celle du rat musqué, plus petit, donc moins rentable pour les chasseurs-trappeurs.  Par ailleurs, l’augmentation des contacts avec l’extérieur entraîne l’apparition d’épidémies, empirées par les rassemblements cris périodiques. Il s’agit là surtout, évidemment, de dommages collatéraux liés aux postes de traite de la Compagnie: celle-ci continue à employer des Cris autour de ses établissements, qui eux-mêmes attirent d’autres Cris pour le commerce, mais aussi pour des activités de divertissement et des célébrations religieuses.

Depuis le milieu du 19e siècle, en effet, des missionnaires anglicans tentent de convertir les Cris à leur version du christianisme.  Ils remportent des succès certains grâce à la collaboration de catéchistes cris qui pourvoyaient souvent, antérieurement, aux besoins spirituels de leur société de chasseurs.  Les Cris participent dès lors à deux traditions religieuses: leur propre tradition animiste dans leurs territoires de chasse et la pratique chrétienne anglicane lorsqu’ils viennent aux postes de la Compagnie et aux villages qui s’agglutinent autour d’eux.

Il faut attribuer aux missionnaires anglicans une innovation de première importance, qui fut aussitôt adoptée par les Cris.  Il s’agit de l’écriture de leur langue sous une forme facile à utiliser, dérivée du travail de James Ewans, un missionnaire de la mouvance anglicane actif au Manitoba.  Vers 1840, ce missionnaire a développé un syllabaire pour la langue ojibwé (Note 4). Il l’a ensuite adapté à la langue crie, de sorte que d’autres, en particulier John Horden, ont pu l’utiliser avec succès dans leur travail d’apostolat.  Les traductions de Horden fournissaient aux Cris une foison de récits nouveaux, qu’ils ajoutèrent à leur répertoire déjà existant.

À la fin du 19e siècle, donc, les Cris de la Baie-James ont intégré à leur culture des techniques et produits d’origine européenne, de même que des éléments de la religion chrétienne.  Mais, ils n’ont aucunement abandonné leur culture de base.  Tout au contraire, les déplacements périodiques vers les postes de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson leur ont permis de nouer des contacts entre eux et de se rendre compte du continuum culturel qui est le leur (Note 5).

Hélas, cette remarquable réussite historique, faite d’influences, mais pas de colonialisme au sens habituel du terme, a connu ce qui aurait pu être une fin abrupte durant les années 1930.  C’est l’époque de la Grande Dépression, une crise économique majeure qui a notamment pour effet d’anéantir le commerce des fourrures.  Chez les Cris, le gibier manque et la famine menace.  L’irruption de chasseurs blancs empire encore la situation, car les chasseurs blancs détruisent tout, sans laisser sur place quelques animaux aptes à régénérer la ressource.

Pour la première fois de leur histoire, les Cris sont contraints de se soumettre à une autorité extérieure, sous peine de disparaître.  Cette autorité extérieure, c’est avant tout le gouvernement du Canada.  Des rations alimentaires sont distribuées, sous la forme de coupons d’achat aux poste de la Compagnie de la Baie d’Hudson.  Mais ces rations sont peu abondantes.  Les soins de santé sont à l’avenant.  Le tout témoigne de l’intransigeance, des «contradictions» et de l’«ineptie» du fédéral (Morantz).  Les officines officielles oscillent en effet entre le désir de faire disparaître les Cris comme peuple et le souhait que les Cris se débrouillent seuls de façon à soulager le Trésor public.  Les Cris se sont donc résignés à une tutelle coloniale bureaucratique, mais celle-ci n’a certes pas été à la hauteur des attentes.

Mais le fédéral n’était pas la seule influence coloniale.  À la fin du 19e et au début du 20e siècle, en effet, deux nouvelles puissances coloniales avaient fait leur apparition en territoire cri et l’avaient en quelque sorte scindé en principe en deux:

 

Carte de l’ensemble de la Baie-James, avec quelques noms de postes de la CBH

 

D’une part, en effet, les provinces prennent alors en charge le développement des ressources naturelles, tandis que le pouvoir fédéral reste en principe responsable des Autochtones, conformément à la constitution de 1867.

C’est à ce moment que bifurque l’histoire des Cris de la Baie-James, auparavant unis par une même histoire culturelle.

 

Les Cris de la Baie-James ouest

Lorsque le fédéral a décidé de l’agrandissement du Québec et de l’Ontario vers le nord, il leur a imposé l’obligation de négocier avec les Autochtones un traité obtenant la remise du territoire concerné.  L’Ontario s’est exécuté à partir de 1905, de sorte que les Cris de l’ouest de la Baie-James ont été partie au traité numéro 9, qui leur accordait des réserves et de petits paiements annuels contre l’abandon de leurs droits ancestraux sur le territoire, le traité leur permettant de continuer leurs activités de chasse et de pêche.

Voici un extrait de ce traité:

⌈… L⌉es dits commissaires ont procédé à la négociation d’un traité avec les Cris Ojibeway (sic, sans virgule ni de marque du pluriel à ce dernier mot) et d’autres Indiens qui habitent le territoire défini et décrit ci-après, et ce même ⌈traité⌉ a été accepté et conclus par les bandes respectives  aux dates mentionnées ci-après.  Les dits Indiens, de ce fait, cèdent, remettent, rendent et concèdent au gouvernement du Dominion du Canada, pour Sa Majesté le Roi et ses successeurs, à jamais, tous leurs droits, titres et privilèges quels qu’ils soient aux terres incluses à l’intérieur des limites suivantes, savoir: cette portion ou partie de terre qui se trouve et qui est, dans la province d’Ontario, limitée au sud par la ligne de partage des eaux et les frontières nord du territoire cédé par le traité Robinson- ⌈Lac⌉ Supérieur de 1850 et le traité Robinson-⌈Lac⌉ Huron de 1850, et limitée à l’est et au nord par les frontières de ladite province d’Ontario tel que défini par la loi, et à l’ouest par une partie de la frontière orientale du territoire cédé par le traité numéro 3 de l’Angle nord-ouest, ladite terre comprenant une surface de 90 000 milles carrés, plus ou moins.  Et aussi, lesdits Indiens ⌈remettent⌉ les droits, titres et privilèges, quels qu’ils soient, à toutes autres terres, qu’elles soient situées en Ontario, au Québec,  au Manitoba, dans le district de Keewatin ⌈le long de la côte ouest de la baie d’Hudson⌉ ou en quelque autre partie du Dominion du Canada.  (Note 6)

À première vue, les termes du traité 9 impliquent une cession totale du territoire par les signataires cris.  Mais les Autochtones actuels du nord de l’Ontario  contestent vivement que leur titre ancestral ait été abandonné par ce traité.   Un chercheur, John S. Long, leur a fourni des arguments importants.  Utilisant (tout en les publiant) les journaux personnels des commissaires gouvernementaux, il en vient à la conclusion qu’en 1905, les Autochtones qui ont signé le traité numéro 9 croyaient tout simplement confirmer une pratique établie depuis longtemps entre eux et la Compagnie de la Baie d’Hudson: échanges commerciaux mutuellement avantageux, secours en temps de famine, coexistence sur les mêmes terres.  Les commissaires gouvernementaux du traité numéro 9 auraient tout simplement trompé les autochtones sur la portée du traité, en conformité avec leurs instructions visant à échanger des réserves et des versements monétaires (évidemment non indexés) contre l’abandon du territoire à toute exploitation que les gouvernements jugeraient souhaitable (Note 7).

Un autre problème, dans ce même traité numéro 9 est qu’il contient une phrase fourre-tout (la dernière phrase de l’extrait reproduit ci-haut) concernant toutes autres terres possédées par les signataires ailleurs au Canada, notamment en Ontario et au Québec.  Au dire de John S. Long (Note 8), il y a là une base possible à des revendications territoriales des Cris de l’Ontario sur des terres du Québec, autant que des revendications territoriales des Cris du Québec sur des terres de l’Ontario.

Nous reviendrons plus loin sur cet aspect.

À tout événement, de 1910 jusque vers 1960, l’Ontario a développé des barrages hydro-électiques sur les rivières qui se déversent dans le bassin de la rivière Moose.  Des développements ultérieurs sont, semble-t-il, encore dans les cartons, bien que l’Ontario produise actuellement plus de 60% de son électricité à partir d’usines nucléaires.

Pour l’essentiel, donc, le harnachement des rivières du nord-est ontarien date d’avant les années 1960.  Or, les années 1960, c’est notamment la période des grandes revendications  et en particulier celle des droits civiques aux États-Unis.  Un mouvement d’émancipation autochtone, l’American Indian Movement, qui a été créé en 1968, exprimait alors les revendications des Autochtones des villes américaines.

Cet état d’esprit  atteignit même les lointaines rives de la Baie-James ontarienne.  Durant les années 1960, un jeune Cri de la région de Moose Factory nommé Andy Rickard se mit à remettre en cause le pouvoir exorbitant des agents des affaires indiennes, devint brièvement chef de bande à Moose Factory, et servit même, en 1977, une déclaration d’indépendance au premier ministre ontarien de l’époque, Bill Davis, vraisemblablement médusé  (Note 9).   Mais malgré tout son militantisme, Andy Rickard voyait bien que le malencontreux traité numéro 9 nuisait aux intérêts des Cris de l’Ontario et qu’il fallait le renégocier.  Mais comment renégocier les termes de ce traité quand les gouvernements restent assis sur leur interprétation de ce fameux traité et qu’il n’y a pas par ailleurs de grand projet hydro-électrique qui pourrait aider à créer un rapport de force favorable, comme cela s’est produit, durant les années 1970, du côté québécois de la Baie-James?  Bref, la région ouest de la Baie-James (en Ontario) a eu une histoire bien différente de la région est (au Québec).  Les résultats apparaissent clairement dans ce reportage de Radio-Canada daté du 14 mai 2013.

 

Les Cris de la Baie-James est

Du côté québécois, il n’y a pas eu de traité comparable au traité 9 dont il vient d’être question.  Par contre, quelques événements méritent d’être mentionnés.  Durant les années 1930, un gérant de poste de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson, James Watt, met au point un programme de préservation du castor en s’inspirant des méthodes cries. Watt décide, avec l’appui du gouvernement du Québec, de créer une zone interdite à la chasse près du village cri actuel de Wakaganish (alors appelé Rupert House, du nom de la rivière Rupert, qui coule à proximité).

 

Carte des établissements cris de la Baie-James

 

(Les villes de Matagami et de Chibougamau sont généralement considérées comme des agglomérations québécoises du sud du territoire cri)

Ce programme est un éclatant succès: en 1933, on comptait 162 castors dans la zone concernée; en 1937, on en comptait 1545.  Les Cris, qui avaient appuyé le projet de Watt, voient leur clairvoyance récompensée.  En 1948, un programme de conservation semblable est mis en place à Mistissini (près de la ville actuelle de Chibougamau).

Un an avant, en 1947, on avait mis en place un programme grâce auquel un trappeur recevait un certain territoire avec des droits exclusifs de l’exploiter.  Ce programme était inspiré des pratiques des Cris, mais il n’avait la souplesse que les Cris y mettaient, dans un esprit d’entraide mutuelle.  Surtout, ce programme, comme celui de Watt, émanait d’une autorité extérieure, soit les gouvernements et les gérants de la Compagnie de la Baie d’Hudson.

Il faut attendre des années 1960 pour que les Cris de la Baie-James trouvent un moyen de se sortir, relativement, de la dépendance et puissent retrouver une autonomie comparable à celle de leurs ancêtres.  Or, les années 1960, comme rappelé plus haut, c’est la période des grandes revendications  et en particulier celle des droits civiques aux États-Unis.  Cet état d’esprit plus revendicatif contribua au vaste mouvement de réforme qui, au Québec, s’est appelé la Révolution tranquille  À la même époque, un mouvement d’émancipation autochtone, l’American Indian Movement, créé en 1968, exprimait les revendications des autochtones vivant dans les villes américaines.  Comme indiqué plus haut, et état d’esprit nouveau parvint aux rives de la Baie-James, où les tentatives d’assimilation forcée des autochtones par le biais de l’éducation eurent comme effets non recherchés de les mettre au courant de ce qui se passait ailleurs et de leur faire prendre connaissance de moyens susceptibles de promouvoir leurs intérêts.

 

Les souvenirs de Billy Diamond

Pour voir comment tout cela s’est organisé concrètement, prenons l’exemple du dirigeant cri  Billy Diamond, qui a eu la bonne idée de mettre ses souvenirs par écrit. Né en 1949 près de près de Waskaganish, alors appelé Rupert House, Billy Diamond accompagne d’abord sa famille dans le territoire de trappe familial.  À sept ans, ses parents l’envoient à l’école à Moose Factory (situé actuellement du côté ontarien), où il passe six ans dans un pensionnat autochtone et où, malgré des difficultés d’adaptation, il s’intéresse à l’histoire, à la géographie et aux mathématiques.  Mais il se considère néanmoins privé de son identité propre et développe une hostilité profonde à l’égard de la religion organisée, du gouvernement et des Blancs en général.

À cette école primaire, cependant, Billy Diamond s’est lié avec des compatriotes qui devaient plus tard être des compagnons de lutte, en particulier Philip Awashish, futur chef de Mistissini. À 13 ans, Billy Diamond est envoyé d’autorité à Sault-Ste-Marie, où il étudie dans une école publique tout en habitant au Shindguauk Indian Residential School. L’atmosphère est lourde au pensionnat et l’école publique, en ville, est une évasion bienvenue.  Il s’efforce d’avoir de bonnes notes, s’implique au conseil étudiant et dans les activités para-scolaires, apprend à parler en public.  Il participe à la fondation  de l’Indian Student Association, écrit dans le journal de l’association et, première victoire, obtient deux heures de prolongation du couvre-feu au pensionnat.

Lorsque, au début des années 1970, le premier ministre du Québec, Robert Bourassa, parle d’harnacher 11 rivières qui se déversent dans la Baie-James et la Baie d’Hudson, Billy Diamond explique à un journaliste du Montreal Star quels sont les droits des Cris face au projet de Robert Bourassa et se mérite la première page du journal.  Grâce à l’historien anglophone Stanley Bréhaut Ryerson et à son épouse Mildred, il prend connaissance d’un fait historique intéressant pour ses implications juridiques: en 1898 et en 1912, le territoire du Québec a été étendu vers le nord, tout comme celui de l’Ontario.  Mais les deux provinces avaient l’obligation de négocier un traité avec les Autochtones du nord et d’obtenir d’eux l’abandon de leurs droits sur le territoire.  L’Ontario s’était exécuté à partir de 1905, mais le Québec ne s’est jamais soumis à cette exigence.

En octobre 1972, Billy Diamond est présent à une rencontre avec Robert Bourassa.  À cette occasion le Premier Ministre du Québec refuse toute discussion avec les Cris de la Baie-James, à qui il ne reconnaît aucun droit.  Le jour même, dans le bureau du Premier ministre du Québec, les délégués cris décident d’en appeler aux tribunaux.  Les événements s’enchaînent ensuite assez rapidement: une demande d’injonction est déposée en novembre 1972; le 15 novembre 1973, le juge Albert Malouf de la Cour supérieure donne raison aux Cris et suspend les travaux de la Baie-James, en mentionnant entre autres que le Québec a manqué à son obligation de négocier un traité avec les Autochtones de la Baie-James comme l’Ontario voisin (Note 10).  Le jugement Malouf est renversé quelques jours plus tard par la Cour d’appel et le 21 décembre 1973. la Cour suprême clôt le dossier en rejetant la demande d’appel du jugement de la Cour d’appel.

Néanmoins, Robert Bourassa décide alors d’entamer des négociations avec les Cris, craignant sans doute que l’absence de traité avec eux ne nuise à terme à ses projets de développement hydroélectrique dans la région de la Baie-James.

 

De la Convention de la Baie-James au gouvernement régional de la Baie-James

On connaît le résultat: la Convention de la Baie-James et du Nord québécois est signée en 1975.  Ce traité moderne permettait au gouvernement libéral de Robert Bourassa d’aller de l’avant avec d’imposants projets de barrages hydroélectriques, moyennant des indemnisations financières et la prise de contrôle par les Cris de l’ensemble de leurs services sociaux, dont l’éducation, la santé et une forme d’assurance-revenu pour les chasseurs (Note 11)  Durant les années 1980, le gouvernement fédéral du Canada, tuteur des Autochtones en vertu de la constitution de 1867, s’adaptait à la nouvelle réalité en retirant les Cris de la Baie-James de sa Loi sur les Indiens.

Par la suite, les Cris ont victorieusement contesté un projet d’extension des barrages sur leur territoire (projet abandonné en 1994) et ont obtenu, en 2002, des avantages appréciables en termes de contrôle de l’exploitation forestière et minière sur leurs terres ancestrales de même d’ailleurs que des compensations financières substantielles. Cette dernière entente, appelée la Paix des Braves, accorde aux autorités cries, pour 50 ans, la responsabilité du développement économique et communautaire que la Convention de la Baie-James de 1975 réservait au Gouvernement du Québec.  Les Cris obtiennent le financement requis pour ces nouvelles responsabilités à hauteur de 70 millions de dollars à partir d’avril 2005.  Par ailleurs, les Cris donnent leur accord à des développements hydroélectriques, mais à condition d’y participer par le biais de partenariats, de création d’emplois et de contrats.  L’exploitation de la forêt, par ailleurs, devra se faire de façon à être conciliable avec les activités de chasse et de trappe et être soumise à une commission bipartite.  Au total, explique le Cri Philip Awashish, cette entente est exemplaire et gagnerait à être imitée par le gouvernement fédéral, très lent à s’acquitter de ses propres obligations à l’égard des Cris (Note 12).

En 2012, le gouvernement du Québec transformait la Municipalité de la Baie-James, vivement critiquée par les Cris, en un gouvernement régional de la Baie-James.  Cris et Québécois siègent en nombre égal sur l’organe décisionnel de ce gouvernement régional, mais le poids politique des Cris est plus grand, car les Québécois de la région diminuent en nombre au rythme du déclin des activités minières alors que la population crie est en forte croissance.

Si, en 1975, la plus grande partie des terres ancestrales cries sont devenues des terres publiques (sous la juridiction directe du gouvernement du Québec), on peut dire qu’à partir de 2012, les Cris en ont repris en bonne partie le contrôle.  À l’origine, en effet, les Cris avaient centré leur attention sur le contrôle d’anciens postes de la Compagnie de la Baie d’Hudson devenus des villages cris et de terres environnantes (terres de catégories I et II, en rose sur la carte qui suit), abandonnant en pratique le reste au gouvernement du Québec (terres de catégorie III, en gris-jaune sur la carte qui suit).

 

 

En un certain sens, les Cris de la Baie-James ont connu une sorte de Révolution tranquille qui leur a permis de se construire comme nation partiellement autonome.  Et l’éducation dispensée par le biais des pensionnats autochtones a paradoxalement aidé à cette prise d’autonomie.  Dans le cas du Québec, les années 1960 et 1970 ont certes permis de construire l’État québécois, mais ont aussi entraîné l’émergence d’une classe d’entrepreneurs privés et de grands gestionnaires publics fortement consciente de ses intérêts.  Y a-t-il eu l’équivalent chez les Cris?

 

L’itinéraire des leaders cris de la première heure

Pour tenter de répondre à  cette question, essayons de suivre la carrière de quelques leaders cris de la première heure: Billy Diamond bien sûr, mais aussi Ted Moses, Walter Hughboy, Steven Bearskin, Philip Awashish, Henry Mianscum et Abel Kichen (Note 13).

Billy Diamond (1949-2010) a été Grand chef des Cris en 1975, puis président-fondateur de la Commission scolaire crie jusqu’à 1987.  Comme militant et lobbyiste auprès du gouvernement d’Ottawa, il contribua à la réalisation d’égouts dans les communautés cries, à la construction de trois aéroports, à l’obtention d’un financement accru pour le logement.  En 1984, il a contribué à l’adoption de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, qui soustrayait les Cris de la Loi sur les Indiens et érigeait les bandes cries en personnes morales (autrement dit en corporations).  Peu auparavant, en 1982, Billy Diamond avait été le président-fondateur de la compagnie Air Creebec.  Il a aussi aidé à la constitution d’entreprises de construction et de réhabilitation de sites contaminés, de même que de divers partenariats.  Au total, Billy Diamond a surtout été un militant de la cause crie, de même qu’un responsable politique qui a inspiré un bon nombre de réalisations visant l’amélioration des conditions de vie.

Ted Moses (1950-    ) est un personnage bien différent.  Il a certes occupé divers postes politiques durant les années 1970 et 1980 et a été signataire, en 2002, de la Paix  des braves avec le premier ministre du Québec Bernard Landry.  Mais ses intérêts sont surtout de nature économique.  Ainsi, il dirige l’entreprise Nemao, qui capture et relocalise des esturgeons, dans le cadre de projets de réhabilitation environnementale financés par Hydro-Québec.  Il a dirigé Petronor, un distributeur de produits pétroliers et le Cree Nation Trust, qui gère 1,2 milliards de dollars reçus du fédéral dans le cadre de la Paix des braves.  Il a  été président du Secrétariat des alliances de la Nation crie Abitibi-Témiscamingue, qui favorise des partenariats d’affaires avec des entreprises du sud.  Il a aussi été un des premiers Cris à détenir des parts dans une entreprise crie (la firme de construction Apitsiu) associée à la firme de génie Laval Fortin Adams.  Il a ensuite créé une demi-douzaine d’entreprises, dont un partenariat avec la minière canadienne CMAC-Thyssen.  Au dernières nouvelles, Ted Moses est président de Youdin Rouillier Drilling, une co-entreprise avec Forages Rouillier, d’Amos, qui offre des services de forage au diamant à des entreprises minières.  De toute évidence, des entreprises du sud considèrent que Ted Moses est un atout important pour qui veut obtenir des contrats des décideurs cris qui gèrent des fonds substantiels.

Walter Hughboy (1946-2004) a été chef de Wemindji, sur la côte de la Baie-James, de 1978 à 1999.  Il a été négociateur de différentes ententes accordant des indemnités aux Cris pour des travaux effectués dans le prolongement de la construction des grands barrages hydroélectriques de la Baie-James (convention du lac Sakami, convention La Grande, convention Opimiscow).  Il a aussi été membre fondateur et président de quelques entreprises locales, notamment Tawich Development Corporation.  Au total, Walter Hughboy a surtout été un officiel local de la région de Wemindji.

Steven Bearskin a été auteur ou co-auteur de quelques textes sur la santé des Cris et sur la possibilité de créer une association commerciale de trappeurs cris.  Mais il a surtout été un officiel de Air Creebec, une filiale à part entière du holding cri Creeco.

Philip Awashish est mentionné nommément par Billy Diamond comme un collègue d’école primaire qui  est de nouveau entré en contact avec lui lorsqu’il (Awashish) était étudiant à l’Université McGill.  Ancien négociateur de la Convention de la Baie-James de 1975, Philip Awashish a aussi été chef de Mistissini.  Il a été membre de la Commission  (fédérale) crie-naskapie, créée dans le prolongement de la Loi (fédérale, de 1984) sur les Cris et les Naskapis du Québec, qui soustrayait ces deux peuples de la Loi sur les Indiens.  S’il ne semble pas s’être lancé en affaires, il a par contre signé, dans le cadre d’un ouvrage collectif, une très intéressante étude  sur l’histoire des Cris de la Baie-James jusqu’à la Paix des Braves de 2002.  En 2009, il a présenté une communication à un congrès de la Société d’anthropologie appliquée tenu à Santa Fé au Nouveau-Mexique.  Il semble clair que ce militant et responsable politique cri est aussi un intellectuel d’envergure.

Originaire de Mistissini, Henry Mianscum est président de l’organisme cri responsable de la construction et de l’entretien des bâtiments publics dans les territoires cris.

En 1974, au moment des grandes négociations qui ont mené à la Convention de la Bai-James de 1975, Abel Kitchen a été élu chef exécutif du Grand Conseil des Cris, aux côtés du grand chef Billy Diamond.  il ne semble pas avoir occupé ultérieurement de poste officiel, mais semble être un aîné respecté.

Au total, les militants de le première heure, tous éduqués au niveau primaire à Moose Factory, ont majoritairement été des gestionnaires publics.  L’un tranche par ses relations d’affaires: c’est Ted Moses.  Un autre tranche par ses talents d’intellectuel; c’est Philip Awashish.  Il semble qu’en général, les gestionnaires publics cris, ceux de la première heure comme ceux qui se sont joints à eux par la suite, jouissent d’une grande estime parmi leurs administrés.  Ainsi, le journal cri The Nation s’est fait l’écho, en 2014,  des honneurs décernés à ce chapitre à un gestionnaire cri d’une grande entreprise publique, lequel suivait les pas de Billy Diamond.

Certes, la société crie, depuis 1970, a choisi la modernisation pour mieux se défendre, comme les Japonais l’ont fait à la fin du 19e siècle.  Cela a-t-il mené, pour reprendre la question posée plus haut, à la création d’une classe autonome de gestionnaires publics (et dans une moindre mesure de gens d’affaires)?  Il ne semble pas que ce ne soit pas le cas.  Chaque année, en effet, se tient une grande assemblée générale des Cris, dont le lieu passe systématiquement d’une communauté à l’autre: par exemple, en 2016, elle a eu lieu à Chisasibi; en 2015, à Oujé-Bougoumou; en 2014, à Waswanipi.  C’est là l’occasion de débats démocratiques, comme le montrent les comptes rendus publiés dans le journal cri The Nation.  Notons aussi qu’en 2005 l’électorat cri a rejeté la candidature de l’homme d’affaires Ted Moses au poste de Grand chef, sans doute contrarié par sa propension à privilégier les intérêts économiques, les siens comme ceux des entreprises du sud auxquelles il se plaît à s’associer.  N’oublions pas par ailleurs que la population crie, bien qu’en forte croissance, est d’environ 18 000 individus, soit l’équivalent d’une petite ville du sud.  Cet aspect des choses implique que les faits et gestes de chacun sont constamment sous l’oeil du public.

Cependant, même une petite population n’est pas totalement à l’abri de la «loi d’airain de l’oligarchie», selon l’expression du sociologue Robert Michels.  Il n’est donc pas surprenant que les propositions retenues par les assemblées générales annuelles laissent une grande latitude aux responsables politiques en place. Mais ces derniers se font souvent «brasser», surtout lorsque les assemblées générales ont lieu dans les établissements du sud.

 

Cris de l’est contre Cris de l’ouest

On ne peut pas dire que les Cris du Québec sont indifférents aux difficultés de leur compatriotes de l’Ontario.  Vers 2014, en particulier, des dons de plusieurs dizaines de milliers de dollars ont été acheminés à Attawapiskat, communauté crie ontarienne aux prises avec de nombreux problèmes.  Mais il semble que ces efforts, considérés comme excessifs par certains Cris du Québec, soient jugés insuffisants par ceux de l’Ontario.

C’est dont se plaint le chef de Moose Factory (situé en Ontario actuel, près de la frontière Ontario-Québec), dans une lettre ouverte datée du 3 juin 2016.  Le chef Hardisty reproche aux Cris du Québec de n’apporter aucune aide à sa communauté, pas plus d’ailleurs qu’aux Cris du Québec admis à chasser et pêcher en territoire ontarien.  Les Cris de l’Ontario se verraient eux-mêmes repoussés, lorsqu’ils se hasardent à chasser et pêcher du côté québécois.

De plus, le chef Hardisty fait deux reproches graves aux Cris du Québec:

– d’avoir éteint sans consultation, en 1975, les droits d’autres groupes autochtones, notamment les Algonquins, les Innus et les Cris de Moose Factory

– de pratiquer une forme d’expansionnisme colonial en engageant des poursuites visant à prendre le contrôle d’une partie du territoire des Cris de Moose Factory (Note 14).

Ce dernier reproche est à mettre en lien avec une phrase du traité ontarien numéro 9 dont il a été question plus haut:

Et aussi, lesdits Indiens ⌈remettent⌉ les droits, titres et privilèges, quels qu’ils soient, à toutes autres terres, qu’elles soient situées en Ontario, au Québec,  au Manitoba, dans le district de Keewatin ⌈le long de la côte ouest de la baie d’Hudson⌉ ou en quelque autre partie du Dominion du Canada.

Si, en 2016, les Cris du Québec trouvent là un argument juridique pour revendiquer des terres en Ontario, il n’est pas exclu que les Cris de l’Ontario y trouvent aussi un jour matière à revendiquer des terres du côté québécois.  Mais pour le moment, la relative puissance des Cris du Québec soulève des appréhensions chez leurs voisins, en plus d’une envie compréhensible et d’un désir à peine masqué de les imiter.

Ce n’est certes pas la première fois que les nations autochtones sont en lutte pour la prééminence.  Et ce n’est pas la première fois non plus que les puissances coloniales d’origine européenne compliquent la donne, elles qui ont déjà été à l’origine, consciemment ou non, de guerres (ouvertes ou autrement) entre nations autochtones parfois apparentées.  Mais n’oublions pas que la solidarité peut l’emporter, et pas seulement en paroles.  Ainsi, à l’automne 2016, après s’être longtemps fait tirer l’oreille, le gouvernement du Québec a créé une commission d’enquête publique sur les relations avec les Autochtones.  Faut-il être grand clerc pour comprendre que la puissance économique et politique des Cris de la Baie-James a joué sans nul doute un rôle déterminant dans cette décision?

Bref, les Cris du Québec ont été servis par deux malheurs: leurs terres impropres à l’agriculture et la politique d’assimilation forcée par le biais des pensionnats autochtones.  Les circonstances historiques et leur propre tempérament national ont fait qu’ils ont pu tourner ces éléments négatifs à leur avantage.  Ils ont ainsi été capables de maintenir au moins une partie de leur mode de vie traditionnel, tout en intégrant à leur culture une partie de ce que les pouvoirs coloniaux passés et présents leur mettaient sous les yeux.  Surtout, ils ont réussi à sortir de leur statut de pupilles de l’État (un État pour le moins négligent) et à reprendre la gestion de leurs propres affaires.

Or le désir de se gouverner eux-mêmes sur leurs propres terres est la revendication de base de l’ensemble des Autochtones.  Il reste à voir si la voie suivie par les Cris du Québec sera celle qui s’imposera.  Les nations autochtones ont chacune leur personnalité et les circonstances concrètes ne sont pas toujours les mêmes.  La renaissance autochtone en cours depuis les années 1970 prendra pourrait donc emprunter des voies encore peu explorées.

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Note 1: James Daschuk, La destruction des Indiens des plaines, Maladies, famines organisées, disparition du mode de vie autochtone, Presses de l’Université Laval, Québec, 2015  (Édition originale: Clearing the Plains: Disease, Politics of Starvation, and the Loss of Aboriginal Life, Université de Régina, Régina, 2013).

Note 2: C’est l’hypothèse défendue par Réjean Girard et autres, dans Histoire du Nord-du-Québec, Presses de l’Université Laval, Québec, 2012, p. 126.

Note 3: C’est la prétention de l’ethnohistorien Toby Morantz.  Ce chercheur estime que la lecture des innombrables rapports des employés de la Compagnie ont eu pour effet d’exagérer la dépendance des Cris de cette époque à l’égard du commerce européen.  D’après Morantz, les récits des Cris eux-mêmes montrent au contraire que les activités de traite restaient périphériques et ne remettaient aucunement en cause le mode de vie traditionnel, axé sur la chasse de subsistance.  Voir: Toby Morantz, The White Man’s Gonna Getcha: The Colonial Challenge to the Crees in Quebec, McGill-Queen’s University Press, Montréal et Kingston, 2002, p. 23.

Note 4: C’est en effet à James Evans qu’on doit reconnaître l’invention de ce système d’écriture et non à John Horden comme le suggèrent certains auteurs.   Ce système de notation des syllabes est très simple à apprendre et à utiliser.  

Note 5: À cette époque, en effet, les Cris ne disposent pas de structures culturelles explicites, même si la région présente un continuum culturel surprenant sur les plans linguistique, géographique et écologique.  Voir Richard Preston, Cree Narrative: Expressing the Personal Meaning of Events, National Museum of Man, Mercury Series, Canadian Ethnology Service, Paper no. 30, Ottawa 1975, p. 2, cité par Toby Morantz, An Ethnohistoric Study of Eastern James Bay Cree Social Organization 1700-1850, National Museums of Canada, Ottawa 1983, p. 12-14.  Dans son autre livre, The White Man’s…, Morantz note que les postes de traite permirent le contact entre les bandes de chasseurs et favorisèrent l’apparition d’un groupe national spécifique.

Note 6:  Texte original: ⌈… T⌉he said Commissioners have proceeded to negotiate a treaty with Ojibeway Cree and other Indians, inhabiting the district hereafter defined and described, and the same has been agreed upon and concluded by the respective bands at the dates mentioned hereunder, the said Indians do hereby cede, release, surrender and yield up to the Government of the Dominion of Canada, for His Majesty the King and His successors forever, all their rights, titles and privileges whatsoever, to the lands included within the following limits, that is to say: -That portion or tract of land lying and being in the Province of Ontario bounded on the south by the Height of land and the northern  boundaries of the territory ceded by the Robinson-Superior Treaty of 1850, and the Robinson-Huron Treaty of 1850, and bounded on the East and North by the boundaries of the said Province of Ontario as defined by law, and on the West by a part of the eastern boundary of the territory ceded by the North West Angle Treaty No.3; the laid land containing an area of ninety thousand square miles, more or less.   And also the said Indian rights, titles and privileges whatsoever to all other lands wherever situated in Ontario, Quebec, Manitoba, the District of Keewatin, or in any other portion of the Dominion of Canada.

(La totalité du traité est accessible en ligne.) 

Note 7:  Voir John S. Long, Treaty No. 9: Making the Agreement to Share the Land in Far Northern Ontario in 1905, McGill-Queen’s University Press, Montréal et Kingston, 2010.

Note 8: Voir John S. Long, Treaty No. 9 …, p. 400-401

Note 9: Voir John S. Long, Treaty No. 9 …, p. 92-95

Note 10:  Le jugement Malouf a été publié intégralement dès 1973:  La Baie James indienne, texte intégral du jugement du juge Albert MaloufPrésentation de André Gagnon, Éditions du Jour, Montréal, 1973.  Un intéressant article publié sous l’égide la Fondation Jean-Charles Bonenfant explore son impact.

Note 11: La Convention de la Baie-James et du Nord québécois  concerne aussi les Inuits, aspect qui n’est pas abordé ici.  Sur cette question, voir Réjean Girard et autres, Histoire du Nord-du-Québec, Presses de l’Université Laval, Québec, 2012.

Note 12: Le résumé qui précède concernant la Paix des Braves de 2002 repose sur l’exposé qu’en fait Philip Awashish dans son article «From Board to Nation Governance: The Evolution of (…) Eeyou Governance in Eeyou Istchee», p. 176 et suivantes.  Cet article couvre les pages 165 à 183 de l’ouvrage collectif Canada: The State of the Federation 2003, Reconfiguring Aboriginal-State Relations, McGill-Queen’s University Press, Montréal-Kingston, 2003.

 Note 13: Cette liste est fournie par Morantz, The White Man’s… p. 219.  Les informations sur les leaders cris de la première heure proviennent surtout de divers documents officiels ou communautaires accessibles en ligne.

Note 14: Pour fixer les idées, voici une carte du territoire revendiqué en Ontario par les Cris du Québec, selon le journal cri québécois The Nation:

 

 

Un autre journal donne des informations un peu plus détaillées.

Photo du haut : André Perron