Immigration et marché du travail : des messages contradictoires

2017/02/07 | Par Richard Lahaie

Adopté en avril dernier, la nouvelle Loi sur l’immigration au Québec (Loi 77) a pour objectif de modifier la sélection de ressortissants étrangers souhaitant séjourner au Québec à titre temporaire ou pour s’y établir de façon permanente.

Pour être sélectionné comme immigrant travailleur, le candidat doit avoir acquis une scolarité et des compétences professionnelles qui faciliteront son insertion en emploi et avoir, entre autres, une connaissance de la langue française.

En entrevue, Pascale Chanoux, coordonnatrice des volets employabilité et régionalisation de l’immigration de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) explique que « les messages envoyés pour la promotion du Québec, la sélection et l’accueil des immigrants souffrent d’une contradiction. On sélectionne les immigrants pour leur connaissance du français et dans de nombreux emplois, la langue anglaise est une exigence importante ».

Pascale Chanoux ajoute que « les candidats sélectionnés s’attendent à exercer leur profession dans un délai raisonnable après leur arrivée au Québec ».

Ainsi, lorsqu’il y a une non reconnaissance des diplômes, cela amène une désillusion chez les néo-québécois. Ils sont surpris et choqués de cette situation. Ceux-ci se rabattent sur des emplois dans des domaines d’emploi ne correspondant pas à leurs études et occupent des emplois au salaire minimum. On a souvent entendu l’histoire d’un immigrant ingénieur ou d’un médecin qui travaille comme livreur, chauffeur de taxi ou concierge.

Christine Nyirahatege, conseillère en emploi et chef d’équipe au Promis explique que « 70% de la clientèle de Promis, qui cherche un emploi, est diplômée universitaire de niveau baccalauréat et plus ». Le Promis est un organisme qui travaille à l’intégration des personnes immigrantes et réfugiées à la société québécoise.

 

Diplômés sans emploi ou avec un faible revenu 

Les immigrants représentent près de la moitié des travailleurs à faible revenu ayant un diplôme universitaire. 46% des travailleurs à faible revenu ayant un diplôme universitaire sont immigrants, alors que ces derniers constituent 20% des titulaires d’un diplôme universitaire au Québec.

On peut dire que les immigrants sont surreprésentés parmi les travailleurs pauvres détenant un diplôme. 

Selon l’enquête sur la population active de 2014 de Statistique Canada, le taux de chômage des immigrants est supérieur à celui des Québécois dans toutes les catégories d'âge. Chez les 15 à 24 ans, la proportion est de 19,6% contre 12,7%. Chez les 25 à 54 ans, la proportion est de 10,8%.

Toujours dans l’enquête de Statistique Canada, la population immigrante de plus de 55 ans est plus active sur le marché du travail que la population dite « native ». Cela s’explique de plusieurs façons.

Selon Statistique Canada, l'explication est « l'entrée plus tardive sur le marché du travail québécois, menant à une période de cotisation moins longue à des régimes de retraite privés ou publics. Il y a aussi les revenus moindres durant la vie active et un rapport culturel différent à propos de la retraite de celui des personnes natives ».

Habituellement, un emploi est considéré comme un moyen d’échapper à la misère. Or, même en occupant un emploi, « certaines personnes demeurent dans une situation précaire et font partie de la population à faible revenu », de spécifier madame Nyirahatege.

Le concept des travailleurs à faible revenu va à l’encontre de la croyance selon laquelle la pauvreté est le résultat de ne pas travailler.

 

Immigrants temporaires ou permanents

Pascale Chanoux s'inquiète du fait « qu'il y a autant d'immigrants temporaires que d'immigrants permanents qui entrent au Québec chaque année depuis 2011».

On retrouve beaucoup de main-d'œuvre immigrante temporaire dans le domaine agricole. Après la saison des récoltes, ces travailleurs sont retournés dans leur pays comme si c'était de la main-d'œuvre jetable.