Campagne de financement de l’aut’journal

2017/02/15 | Par Pierre Dubuc

Au cours des derniers mois, de nombreuses voix se sont élevées tant du côté des représentants des médias (Le Devoir, TC Transcontinental et le Groupe Capitales Médias… mais aussi La Presse  !) que des syndicats (FNC, CSN, etc.) pour demander que les gouvernements fédéral et provincial viennent en aide aux médias.

 

Une situation catastrophique

Un rapport récemment publié pour le Forum des politiques publiques du Canada,  intitulé « Le miroir éclaté. Nouvelles, démocratie et confiance dans l’ère numérique », apporte de l’eau au moulin à ces revendications en dressant un portrait extrêmement sombre de l’état de la presse écrite au Canada.

Le rapport constate que le déclin des journaux est inexorable. Au début des années 50, il se vendait plus de journaux chaque jour qu’il y avait de foyers au Canada. Mais, en 1995, au moment où l’accès à Internet est devenu commercialement disponible, le taux de pénétration dans les foyers a chuté en dessous de 50 pour cent. Aujourd’hui, moins d’un foyer sur cinq achète un journal.

 

Un modèle économique en perdition

Internet a remplacé les journaux, mais – donnée encore plus révélatrice – Facebook est devenue, pour la majorité de la population, la principale source d’information, loin devant les journaux, la télévision, la radio… et les sites des grands médias.

Les recettes publicitaires sont à l’avenant.  Google et Facebook empochent deux dollars sur trois dépensés dans la publicité numérique au Canada.

Le modèle d’affaires des journaux, basé sur la vente de publicités, est plombé, non seulement par Google et Facebook, mais aussi par la perte des « petites annonces » au profit de sites comme eBay, Craigslist, Kijiji.

Entre 2000 et 2008, les « petites annonces » ont rapporté aux quotidiens canadiens plus de 800 millions $ par an, avec un record historique de 875 millions $ en 2005, année de lancement de Kijiji au Canada. Dix ans plus tard, en 2015, ce chiffre a chuté à 119 millions $, et va inévitablement atteindre zéro.

Dès 1964, Marshall McLuhan l’avait prédit : « Les petites annonces (et les cotations en bourse) sont le fondement de la presse. Si l’on découvre une autre source facile d’accès pour ces diverses informations quotidiennes, la presse fera faillite ».

 

Un changement structurel profond

Selon le rapport, le « modèle économique » fondé sur une combinaison vieille de plusieurs siècles qui alliait un certain type de contenu éditorial à un certain type de communication commerciale est irrémédiablement cassé.

Le déclin des médias d’information traditionnels n’est pas simplement le résultat de leurs piètres performances face à de nouveaux concurrents. L’avènement des réseaux d’accès informatisé dans la communication sociale relève d’un phénomène tout autre et constitue un changement structurel profond.

Mais la profusion d’échanges sur la Toile ne peut pas remplacer les 12 000 postes de journalistes perdus au Canada au cours des dernières décennies dans les médias traditionnels.

Donald Trump avait beau déclarer en 2014 que la possession d’un compte Twitter « c’est comme si on possède le New York Times, sans les pertes », il n’y a pas de comparaison possible entre la qualité de l’information provenant du compte Twitter du président et celle du prestigieux journal new-yorkais.

 

La subtile censure de Facebook

En principe, Internet permet de joindre un public plus large, mais Facebook, qui est aujourd’hui la principale source d’information pour une majorité de la population,  utilise un algorithme secret, dont on sait maintenant qu’il nous conforte dans nos  opinions et nous prive d’opinions contraires.

Quand Facebook a ajusté son algorithme en juin dernier pour augmenter son avance sur les médias traditionnels, Adam Mosseri, vice-président du fil d’actualités de la  compagnie, a déclaré : « Notre activité consiste à connecter les personnes et les idées, et à fournir aux gens les histoires qui correspondent à leurs attentes. Nous faisons cela non seulement parce que nous pensons que c’est la bonne solution, mais aussi parce que c’est bon pour notre chiffre d’affaires. Lorsque les gens voient un contenu qui les intéresse, ils sont plus susceptibles de passer du temps sur le fil de nouvelles   et d’apprécier leur expérience. »

Pour rejoindre un nouveau public et le sensibiliser à des idées nouvelles, le journal  papier demeure donc un véhicule indispensable.

 

Vive les journaux papier !

Le rapport reconnaît l’importance des journaux papier pour une information fiable et se fait le relais de ceux qui réclament de l’aide pour les médias traditionnels avec   différentes recommandations au gouvernement pour renforcer la durabilité économique des médias d’information et promouvoir le journalisme.

L’aut’journal est dans une classe à part. Il ne reçoit aucune aide gouvernementale directe et ses pages n’accueillent pas de publicité commerciale.

Depuis bientôt 33 ans, il ne compte que sur le soutien de son lectorat pour boucler un budget qui lui permet de gérer un site Internet avec des mises à jour quotidiennes et d’imprimer et distribuer, chaque mois, 20 000 exemplaires de son édition papier.

Les grands médias font appel aux pouvoirs publics. L’aut’journal fait appel à votre soutien, chères lectrices et chers lecteurs.

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Pierre Dubuc
Directeur-fondateur et rédacteur en chef