Le Canada, un pays progressiste pour les femmes? NON

2017/02/20 | Par Monique Pauzé

L’auteure est députée du Bloc Québécois

Le Canada s’autoproclame progressiste, Justin Trudeau se dit féministe. Mais, dans les faits, ils ne le sont pas, comme le révèlent les politiques et différentes décisions des libéraux.

 

Des iniquités salariales persistantes

Saviez-vous que le Canada se situe parmi les pires pays, au 30e rang sur 34 au sein de l’OCDE, quand vient le temps d’examiner les écarts salariaux entre les femmes et les hommes ? Pas très prestigieux pour un pays occidental supposément égalitaire.

Un document du Conseil du travail du Canada rapport que : « le Comité des droits de l’Homme de l’Organisation des Nations Unies s’est même inquiété de l’inégalité persistante entre les hommes et les femmes au Canada et a suggéré que le Canada ‘‘devra redoubler d’efforts pour garantir que les hommes et les femmes reçoivent un salaire égal pour un travail de valeur égale…. avec un accent sur les minorités et les femmes autochtones” ».

À cet égard, le gouvernement fédéral possède, depuis maintenant 12 ans, une liste de solutions. En 2004, un rapport d’un Groupe de travail proposait un plan d’action, afin que le gouvernement fédéral concrétise son engagement relatif à l’égalité des sexes et à l’égalité de rémunération.

Si les libéraux avaient agi, dès la réception du Rapport du groupe de travail sur l’équité salariale qu’ils avaient eux-mêmes commandé, nous ne serions pas aujourd’hui coincés avec ce débat qui démontre une chose : les libéraux sont progressistes dans l’opposition; arrivés au pouvoir, ils se traînent les pieds et prônent le statu quo.

Quant aux conservateurs, qui n’ont rien fait depuis 2004, ils sont misogynes, peu importe qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition.  On se rappellera que M. Harper, alors qu’il était premier ministre, avait qualifié la Loi sur l’équité salariale de loi ridicule.

En 2016, un autre comité spécial a été formé. Le titre de son rapport est explicite : Il est temps d’agir.

Qu’a fait le gouvernement Trudeau qui s’autoproclame féministe ? Il a repoussé l’adoption de toute mesure jusqu’en 2018.

Soulignons qu’au Québec, la Loi sur l’équité salariale date de 1996 et s’applique à l’ensemble des milieux de travail. Qu’est-ce qui échappe à sa juridiction? Les travailleuses québécoises qui relèvent du Code canadien du travail. Force est de constater que ce principe d’équité, fondamental au Québec, ne l’est pas au fédéral.

 

Le modèle québécois prisé

Au début de l’année 2016, le ministre des Finances Bill Morneau a confié à un Conseil consultatif en matière de croissance économique le mandat de se pencher sur l’avenir de l’économie canadienne.

Dans son premier rapport, le Conseil affirmait que, selon les tendances actuelles, « la croissance annuelle du produit intérieur brut (PIB) du Canada pourrait ralentir de façon importante, pour atteindre possiblement la moitié du taux des 50 dernières années. Des mesures audacieuses et immédiates doivent être prises pour réinitialiser cette trajectoire de croissance ».

Le 7 février, le gouvernement déposait une série de recommandations pour faire suite au rapport, dont celle d’accroître la participation des femmes ayant de jeunes enfants au marché du travail. Le modèle cité était celui du Québec, où les mères de 25 à 54 ans participent activement au marché du travail.

Elles le font dans une proportion de 93 % du taux des hommes d’âge semblable. Dans le reste du Canada, le taux est considérablement plus faible, s’établissant à 86 %. Les experts en ont conclu que, si on augmente le niveau de participation des femmes dans l’ensemble du Canada pour atteindre celui du Québec, on pourrait ajouter 13 milliards de dollars au PIB, ou 0,7 % au PIB par habitant.

Pour amener un plus grand nombre de femmes ayant des enfants sur le marché du travail, le Conseil recommande de créer un programme universel de garde d’enfants subventionné. Il stipule aussi que « si un tel modèle était envisagé à l’échelle nationale, le régime québécois serait un sujet évident pour une étude de cas ».

Eh bien oui ! Les experts semblent conseiller aux Canadiennes et aux Canadiens d’adopter le concept des Centres de la petite enfance (CPE) mis sur pied par le gouvernement péquiste. Un concept tout à fait normal pour le Québec, mais qui semble révolutionnaire pour le reste Canada.

Une chose est sûre que ce soit par sa politique familiale, ses services de garde abordables et ses congés parentaux accessibles résolument orientés vers la conciliation travail-famille, le Québec offre un meilleur environnement aux familles du Québec que ce qui existe dans le reste du Canada. Un environnement, soit dit en passant, qu’il faut préserver, voire restaurer en partie, à cause des mesures d’austérité du gouvernement Couillard.

L’effet des politiques progressistes québécoises a eu un impact direct sur la participation des femmes au marché du travail. Malgré tout, il y a encore du chemin à faire puisque tout n’est pas de juridiction québécoise et qu’Ottawa peut toujours compliquer la donne en appliquant des politiques rétrogrades.

 

Faille dans l’assurance-emploi

Il y a présentement une lacune dans la Loi sur l’assurance-emploi. Un simple règlement empêche les femmes, qui perdent leur emploi pendant leur congé de maternité ou à la fin de leur congé, d’avoir accès aux prestations de l’assurance emploi. Imaginez le drame pour ces familles, qui accueillent leur nouvel enfant, et qui, soudainement, perdent un salaire. Imaginez les conséquences pour une mère monoparentale.

La solution est pourtant simple. Au début du mois juin dernier, j’ai alerté l’ex-ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail sur ce préjudice qui perdure. Je lui ai parlé et je lui ai écrit pour lui indiquer avec précision le règlement à modifier et comment le faire.  J’ai aussi questionné le gouvernement en Chambre sur cette question. On m’a répondu en parlant de « consultations » à venir.

En décembre dernier, j’ai tout de même rencontré personnellement le ministre Duclos à son bureau d’Ottawa, afin de lui prouver que la solution était toute simple. Nous sommes toujours en attente d’une réponse.

Je trouve très à propos et quasiment ironique que les Nations-Unies aient choisi cette année, comme thème de la Journée internationale de la femme, « Les femmes dans un monde du travail en évolution : une planète 50 — 50 d’ici à 2030 ». Malgré les apparences, le Canada a grandement besoin d’agir en ce sens.

Supposément progressiste et féministe, le Canada doit arriver au 21e siècle, modifier son régime d’assurance-emploi, ses politiques familiales et mettre en place l’équité salariale dans les domaines de sa juridiction et adapter ses politiques familiales, tout en respectant les compétences du Québec. Mais j’ai l’impression que ce n’est pas pour demain.

Force est d’admettre que les valeurs d’équité du Québec étant si mal défendues par les gouvernements fédéraux successifs, le meilleur chemin vers l’équité pleine et entière demeure la souveraineté du Québec.