Étudiants étrangers : Quand l’Institut du Québec flagelle le Québec

2017/03/03 | Par Frédéric Lacroix

Le 26 février, TVA reprenait « en exclusivité », une « note de recherche » publiée par « l’Institut du Québec » et titrait (en gros) : « Le Québec peine à retenir ses étudiants étrangers ». Dans cette « nouvelle », on apprenait que « le Québec est la pire province du pays pour garder ses étudiants internationaux ». TVA citait une certaine Mia Homsy, directrice de l’Institut du Québec : « Au lieu d’être les premiers comme on était avant, on est les derniers ».

Tous les clichés misérabilistes et autoflagellants usuels sur le Québec sont réunis dans ce court « reportage ». Le ton est tellement outrancier, le reportage est tellement manifestement une tentative grossière de culpabiliser le Québécois moyen qu’il m’a donné envie de creuser plus loin pour comprendre qui était derrière cette manipulation.

J’ai téléchargé la « note de recherche » dont est tiré le reportage de TVA. Elle est intitulée « Attirer et retenir plus d’étudiants internationaux : Six propositions pour renverser la tendance au Québec » et tient en une quarantaine de pages très aérées à double interligne avec beaucoup d’espaces blancs.

Cette « note de recherche » a été produite (en anglais, puis traduite?) par Kareem El-Assal, un associé de recherche au « National Immigration Centre », une sous-branche du Conference Board of Canada.

Le « National Immigration Centre » organise annuellement une conférence intitulée le « Canadian Immigration Summit » et a récemment produit une étude militant en faveur d’une hausse considérable  du niveau de l’immigration au Canada afin d’atteindre 100 millions d’habitants en 2100.

Cette « étude » a été largement reprise dans les médias et semble influencer le gouvernement Trudeau qui a maintes fois annoncé son intention d’augmenter massivement l’immigration.

Sur le site ouèbe de l’Institut du Québec (IdQ), on apprend que celui-ci est né d’un partenariat entre le Conference Board of Canada et HEC Montréal et qu’il est présidé par M. Raymond Bachand, candidat déchu à la chefferie du Parti Libéral du Québec.

L’Institut se veut « une force de recherche et de réflexion indépendante dédiée à la réalité québécoise. L’Institut est dirigé par Mme Mia Homsy, ex-chef de cabinet de M. Bachand. Bref, l’IdQ est contrôlé par les réseaux affiliés au Parti Libéral du Québec. La nomination de M. Bachand à la tête de cet institut semble être un prix de consolation pour son échec cuisant à la chefferie du PLQ.

Curieusement, l’IdQ ne possède ni conseil d’administration ni chercheurs.  Cela est curieux alors qu’il se targue d’être « indépendant ».

Il est à noter que la création de l’IdQ est venue à point nommé alors que le premier « Think Tank » soit l’Institut économique de Montréal (IEDM) mis sur pied par les réseaux libéraux subit une chute dans sa crédibilité et son influence.

La « note de recherche » produit par l’IdQ est d’un niveau scientifique équivalent à celui d’un document produit par l’aile jeunesse du Parti Libéral du Québec.  Voici un florilège de morceaux choisis groupés par thèmes.

 

Sous le thème « Québec pire de toutes les provinces ».

Page 3 : « Même si la croissance du nombre d’étudiants internationaux a été continue depuis 1999-2000, c’est au Québec qu’elle a été la plus faible de toutes les provinces canadiennes. ». Quelle a été cette croissance depuis 1999-2000? 181% seulement.

Page 10 : En parlant d’un taux de croissance d’étudiants étrangers de 181% en 15 ans : « Comment expliquer ce recul du Québec par rapport aux autres provinces canadiennes? »

 

Sous le thème « On bourre le texte de phrases creuses pour bien paraître ».

Page 3 : « Dans un contexte de concurrence mondiale accrue pour attirer les meilleurs talents, le statu quo se traduirait inévitablement par un déclassement du Québec comme destination d’accueil. » Une augmentation de 181% en même pas 20 ans (« le statu quo ») confine au « déclassement ». Comment dire? J’ai vraiment peur.

Page 5 : « Il est très important, du point de vue éducatif, social, culturel, démographique et économique, d’attirer et de retenir davantage d’étudiants internationaux au Québec. Car même lorsqu’ils repartent après leurs études, ils contribuent à enrichir le milieu d’apprentissage et la société dans son ensemble. » Hein?

 

Sous le thème « On cache le fait que tout ça soit une affaire d’argent ».

Page 6 : « l’enrichissement du milieu d’apprentissage québécois est le principal motif justifiant le recrutement d’un plus grand nombre d’étudiants internationaux ». Re-hein?

Le véritable motif qui justifie le recrutement de quantités toujours croissantes d’étudiants internationaux n’est pas « l’enrichissement du milieu d’apprentissage » (c’est quoi au juste?) mais les juteux frais de scolarité (que paient ces étudiants et que les universités peuvent en partie conserver.

Par exemple, à McGill, un étudiant international inscrit à la Faculté des arts paie 18 258,61$ par année tandis qu’un étudiant international inscrit à la Faculté de génie paie 37 054,55$ par année. Ces montants sont bien supérieurs au coût réel des études. Le pot aux roses est d’ailleurs dévoilé à la page 8 : « Il est financièrement intéressant pour les universités d’attirer des étudiants internationaux dans ces six disciplines (administration, droit, sciences pures, mathématiques, génie et informatique) puisqu’elles n’ont pas à reverser au gouvernement les frais supplémentaires facturés aux étudiants étrangers. »

 

Sous le thème « Ce serait donc mieux si les universités francophones enseignaient en anglais ».

Page 12 : « Cette dépendance à l’égard des étudiants francophones constitue un obstacle bien réel au recrutement d’un plus grand nombre d’étudiants internationaux à court terme. La difficulté est encore plus grande pour les établissements où l’enseignement n’est dispensé qu’en français… »

 

Sous le thème « cette note de recherche est en fait un publi-reportage payé par l’université McGill ».

Page 12 : « Dans un mémoire remis au gouvernement du Québec en août 2016, l’Université McGill soutenait d’ailleurs qu’une meilleure coordination s’imposait dans la promotion du Québec comme destination d’études postsecondaires. »

Page 13 : « Les représentants de l’Université McGill sont également d’avis qu’une plus grande liberté dans l’établissement des frais de scolarité facturés  aux étudiants internationaux inciterait davantage les universités à accroître leurs efforts de recrutement et d’intégration. »

Page 14 : « Selon eux, la forte réglementation en place décourage les universités de dépenser plus pour recruter des étudiants étrangers, point de vue également exprimé par l’Université McGill dans son mémoire présenté au gouvernement en août 2016 ».

Page 25 : « Certains sont d’avis que le Québec devrait déréglementer les frais de scolarité des étudiants internationaux dans toutes les disciplines et à tous les cycles, ce qui pourrait accroître leur recrutement.» Il faut à mon avis traduire « certains » par « McGill ».

Le but que vise la « note de recherche » est double : faire déréglementer totalement les frais de scolarité exigés aux étudiants internationaux afin que les universités puissent faire des profits qu’elles ne reverseront pas au gouvernement du Québec et faire en sorte que ces étudiants internationaux soient ensuite reçus comme immigrants au Québec dans une sorte de « deux pour un » : vous venez étudier au Québec et payez de juteux frais et en échange, on vous donne la citoyenneté canadienne.  Cela profitera en premier aux universités anglophones qui accueillent à elles seules 40% des étudiants internationaux présents au Québec. A McGill, 25% des étudiants sont des étudiants internationaux. Il est clair que si elle le pouvait, McGill se privatiserait complètement.

La concentration massive des étudiants internationaux dans les universités anglophones au Québec est d’ailleurs un frein à leur intégration au Québec, comme il est clairement dit à la page 15: « Il est fréquent que le niveau de français de ces étudiants, trop faible, les empêche de se qualifier pour les programmes d’immigration du Québec. »  Ce seul fait (jamais mentionné ni par l’IdQ ni dans le reportage de TVA) explique largement pourquoi le Québec « peine à retenir ses étudiants étrangers ».

Quant à l’Institut du Québec, il semble n’avoir de Québécois que le nom et semble se conduire comme une simple filiale locale du Conference Board of Canada, du moins dans ce dossier. Le communiqué annonçant sa création affirmait que « l’Institut du Québec bénéficiera de la crédibilité et de la notoriété du Conference Board du Canada et de HEC Montréal dans le débat public ».

Voilà qui ne peut être plus clair : l’IdQ est en fait un conduit pour relayer les publications du Conference Board en les repeignant aux couleurs locales grâce à la complicité de HEC Montréal. M. Raymond Bachand, qui défendait une certaine vision Québécoise du Québec lors de la course à la chefferie du PLQ, s’est mué en gérant de succursale d’une entreprise de Toronto.

Les universités Québécoises de langue française, telles les HEC, qui ont été fondées pour être au service d’un peuple, semblent se voir maintenant comme des entreprises internationales et semblent avoir largement rompu leurs attaches avec la collectivité qui les a fait naitre.

Une dérive qui mène à la multiplication des programmes en anglais dans certaines universités « françaises » et à des stratégies pour augmenter le nombre d’étudiants internationaux « payants ». Cela est déjà assez navrant, mais doivent-elles pousser le bouchon jusqu’à couvrir de leur crédibilité des « études » totalement bidon et de plus insultantes et culpabilisantes pour les citoyens qui paient les plantureux salaires de leurs dirigeants?