Zoom sur l’insalubrité des logements à Montréal

2017/03/09 | Par Richard Lahaie

Le 17 janvier dernier, le Comité logement d'Ahuntsic-Cartierville a présenté son rapport sur l’insalubrité des logements à Montréal. Ce rapport, intitulé Zoom sur l’insalubrité, met en lumière la situation déplorable des logements de la zone de revitalisation urbaine intégrée (RUI) Laurentien-Grenet.

Selon le rapport, un logement est considéré comme étant insalubre lorsqu'il comporte des risques qui peuvent affecter la santé des occupants. Ces risques sont les moisissures, le manque d'entretien du bâtiment, la présence de rongeurs ou d'insectes indésirables, comme les coquerelles et les punaises de lit.

«Un RUI est un secteur ciblé comme étant dévitalisé et défavorisé», d’expliquer en entrevue Charles-Hugo Desroches, intervenant au Comité logement d'Ahuntsic-Cartierville (CLAC).

Patrice Sansregret, du Regroupement des comités logements et associations de locataires du Québec (RCLALQ), précise «qu'il y a plusieurs RUI à Montréal. Ils sont situés à Cartierville, dans le sud-ouest, dans Hochelaga-Maisonneuve, dans Parc-Extension, à Saint-Léonard, dans Ville-Marie et à Saint-Laurent».

M. Sansregret ajoute que «les derniers chiffres émis par la Santé publique parlent du tiers des logements de Montréal, qui ont des problèmes de moisissures, de vermines, de chauffage, etc. Ces logements se retrouvent dans les quartiers pauvres et multiethniques».

Les propriétaires de taudis abusent de la méconnaissance des immigrants en matière de droit du logement. Souvent, les locataires ont peur d'exercer leurs droits pour ne pas perdre leur appartement et finir à la rue.

«Il y a des propriétaires qui font la business du taudis. S'ils se rendaient compte que c'était plus payant d'entasser des cochons dans leurs logements, ils tasseraient les locataires pour faire la place aux cochons!», s'indigne Patrice Sansregret.

Il y a des pratiques douteuses de la part de certains propriétaires. Dans le but de se débarrasser d'un locataire, certains propriétaires ferment le chauffage. D'autres demandent le paiement du loyer en argent comptant sans donner de reçu, puis ouvrent un dossier à la Régie du logement prétextant que le locataire n'a pas payé son loyer. Dans ces immeubles, ce sont souvent des gens d'une extrême vulnérabilité et facilement intimidables.

«Les locataires hésitent énormément à porter plainte contre le propriétaire, de crainte d'entrer dans une dynamique conflictuelle avec celui-ci. Il arrive qu'en cours de route des locataires abandonnent leur requête à cause des délais trop long avant que la situation se règle», d'ajouter Charles-Hugo Desroches.

Dans le rapport, on peut lire que certaines personnes «voudraient partir de leur logement, mais elles sont liées par leur bail au propriétaire. Des recours existent afin de faire résilier un bail, mais ceux-ci apparaissent rebutants pour les locataires, compte tenu des délais très longs avant d'obtenir une audience».

«Les propriétaires savent comment étirer le temps pour éviter de faire les rénovations. Lorsqu'ils arrivent à la limite, certains enregistrent une compagnie à numéro et se revendent l'immeuble. Le dossier est fermé car, pour la ville, le nouveau propriétaire est présumé ne pas être au courant de la situation. Ainsi, les locataires sont obligés de tout recommencer à zéro», d'expliquer M. Desroches.

«Les propriétaires font tout pour faire une piastre et tout pour ne pas en dépenser. Ils ont collecté des loyers pendant des années et, au final, la ville leur donne des subventions pour rénover leurs immeubles. Donc, on subventionne les taudis», de déclarer M. Sansregret.

Pour Patrice Sansregret, le règlement municipal sur la salubrité est bon. Il décrit bien les problèmes et les sanctions. Il définit ce que doit être un logement. Mais le problème est son application. Par exemple, dans le cas des coquerelles, si la plainte est faite pour l'appartement 1, la Ville va visiter l'appartement 1 et pas les autres. Donc, le problème n'est pas réglé, car les coquerelles des autres appartements vont revenir dans celui qui a été traité.

Le CLAC recommande dans son rapport de:

  • Prioriser les requêtes liées à l’insalubrité par rapport aux requêtes ne comportant pas de risques pour la santé;
  • Rendre facilement disponible l’information concernant les propriétaires fautifs;
  • Prolonger le projet pour développer un lien de confiance avec les locataires pour favoriser le passage à l’action par ceux-ci;
  • S’inspirer de plusieurs grandes villes nord-américaines qui ont de meilleures pratiques en matière d’insalubrité que Montréal selon le vérificateur général de la ville de Montréal.