Les jeunes et l’anglais

2017/03/13 | Par Étienne-Alexandre Beauregard

On ne cesse de le répéter, le rapport qu’entretient la jeune génération avec l’anglais est catégoriquement différent de celui de ses aînés. Beaucoup plus à l’aise que leurs aînés avec l’anglais, ils vont parfois jusqu’à délaisser le français en sa faveur, ce qui en chagrine plus d’un au Québec, moi le premier. Pourquoi en est-il ainsi ?

En premier lieu, il est certain que les parents ont joué un énorme rôle dans cette situation, eux qui ont martelé aux enfants dès leur plus jeune âge que l’anglais, c’est la langue universelle, qu’il faut absolument la maîtriser pour trouver un bon emploi.

Bien que l’anglais soit en effet nécessaire dans le monde où nous vivons, je suis d’avis que ces parents, qui croyaient bien faire en poussant leurs enfants vers la langue de Shakespeare, l’ont fait au détriment du français, pourtant la langue commune et historique du Québec, en le discréditant aux yeux de leur progéniture en répétant que de parler uniquement français ne mènerait nulle part.

Ces incitations, sans doute faites en toute bonne foi et en faveur du bilinguisme individuel, ont à mon avis conduit ces enfants au bord du précipice de l’unlinguisme anglais, car à force de survaloriser une langue au détriment d’une autre, il y en a une qui sort perdante.

Alors qu’on aurait dû les présenter comme des égales, on a fait croire à la jeunesse qu’une était supérieure à l’autre, qu’une leur décrocherait le monde alors que l’autre les condamnerait à la misère.

Au-delà de toutes incitations parentales, le fait que l’anglais soit devenu la langue incontestée du divertissement l’a beaucoup aidée à supplanter la langue commune dans les esprits de certains.

Lorsque les interactions d’un jeune avec une langue, en l’occurrence l’anglais, se font par les films, les jeux vidéo et la musique, il est normal qu’il en vienne à l’associer au bon temps et au divertissement.

Or, si le français n’est plus associé au positif, il est certain qu’il voudra s’en distancer pour se rapprocher de la langue qui lui procure du bon temps. Il suffit de regarder les cours d’anglais de beaucoup d’écoles secondaires : on y regarde des films, on y fait des projets parfois très stimulants, alors qu’en français, on fait de la grammaire et des dictées. Si le français continue d’être associé à l’ennui, ne soyons pas surpris que les jeunes veuillent de moins en moins le parler.

Après tout le tort qui a été fait au statut du français par des parents trop bien-pensants et la place trop peu attrayante qu’on lui donne dans la société, les résultats sont réels. Quand j’entends quelqu’un, un francophone de naissance je tiens à le préciser, dire qu’il ira au cégep en anglais pour « enfin en finir avec le maudit français », je ne peux m’empêcher de penser qu’on a collectivement échoué en quelque part.

Il faut absolument cesser de rabaisser le français, la langue qui incarne notre fierté, notre histoire et notre culture, au profit de l’anglais, que l’on place sur un piédestal inatteignable comme la langue suprême. Si l’équilibre entre les deux langues n’arrive pas à être atteint, ce seront nos petits-enfants qui nous diront de « speak white » dans 50 ans.