Stopper l’exode des sièges sociaux

2017/03/15 | Par Martine Ouellet

On a de quoi être fier du Québec entrepreneurial : 568 sièges sociaux dont les 50 plus grandes entreprises génèrent quelque 575 000 emplois au Québec. Ce que l’on appelle les fleurons du Québec sont pourtant menacés.

Selon une étude d'Yvan Allaire et François Dauphin de l’Institut sur la gouvernance, le Québec a perdu 305 sièges sociaux depuis l'an 2000. De plus en plus d'entreprises sont vulnérables à des offres d'achat hostiles. Il y a 16 entreprises au Québec qui n'ont pas de protection contre une offre hostile, comparativement à 11 en 2004.

Mais, selon les chercheurs, ce sont les transactions amicales qui présentent un plus grand risque dans le contexte actuel. On assiste de plus en plus à des transactions où les deux entreprises se sont entendues avant de faire une annonce publique, comme on l'a vu dans les dossiers de Rona (vendue à Lowe's), d'Alcan (vendue à Rio Tinto) et de la Bourse de Montréal (vendue à la Bourse de Toronto).

Tant que nous ne serons pas un pays, nous devons au minimum exiger d’avoir notre mot à dire dans ces transactions. Pourtant, dans un plan de 116 pages présenté en grande pompe, en février dernier, par le gouvernement libéral du Québec on ne retrouve que…de la poudre aux yeux !

Donc 116 pages et aucune, absolument aucune, mesure qui pourrait empêcher l’exode de nos sièges sociaux. Pire, Philippe Couillard a même profité de l’occasion pour baisser les revenus de l’État, en donnant des nouveaux cadeaux fiscaux à une micro-élite ultra-fortunée.

 

Rona : une transaction qui aurait pu être empêchée

Dans le cas récent de la vente de Rona, le député du Bloc Québécois, Xavier Barsalou-Duval, a questionné le ministre fédéral du Développement économique, M. Bains, à plusieurs reprises concernant la vente de RONA, en lien avec la Loi sur Investissement Canada.

Car, oui, il existe bel et bien un outil qui permet de s’opposer à l’exode des sièges sociaux des entreprises québécoises. Il s’agit de l’examen d’investissement en vertu de la partie IV de la Loi sur Investissement Canada.

Cet exercice permet au ministre de s’assurer que la transaction est « à l’avantage net du Canada ». Pour ce faire, il doit tenir compte de divers facteurs comme les effets sur le niveau et la nature de l’activité économique, notamment sur les emplois, l’effet sur la concurrence, sur le développement et la recherche. Ce fut le cas en 2010 lorsque le gouvernement de Stephen Harper a interdit la prise de contrôle de Potash Corp. en Saskatchewan.

Malgré toutes les questions du député Barsalou-Duval, aucune réponse de la part du ministre. Il y a même eu une demande d’accès à l’information. Résultat : aucun document soutenant quelques études que ce soit. On comprend donc que le ministre a signé l’autorisation de l’exode du siège social de RONA sans études d’impacts économiques, quasiment les yeux fermés. Le ministre et le gouvernement Trudeau sont insensibles aux emplois et aux PME fournisseurs du Québec.

 

Pourquoi Philippe Couillard refuse d’exiger d’Ottawa le vrai pouvoir ?

Récemment, j’ai déposé une motion pour que le Québec ait son mot à dire sur les sièges sociaux. Comme le Québec n’est pas indépendant et que le vrai pouvoir de décision est actuellement à Ottawa, j’ai demandé que l’Assemblée nationale exige du gouvernement canadien l’autorisation du gouvernement du Québec pour toute transaction mettant en cause une entreprise québécoise et que, pour ce faire, l’Assemblée nationale s’inspire de la manière de procéder en matière de traités internationaux. Ma motion a été rejetée par les Libéraux.

Pourtant, il est inconcevable que le gouvernement canadien puisse autoriser l’exode de sièges sociaux du Québec sans que le gouvernement du Québec n’ait son mot à dire !

Il n’y a aucun empêchement, constitutionnel ou autre, à ce que le Québec exige d’entériner conjointement les transactions mettant en cause les entreprises québécoises.

Pourquoi avoir pris trois ans à mettre sur pied un supposé programme pour les sièges sociaux qui n’a aucun réel pouvoir de décision, alors qu’on pourrait tout simplement autoriser conjointement chaque vente d’entreprises québécoises en vertu de la Loi sur Investissement Canada, à l’image de ce qui se fait depuis presque toujours en matière de traités internationaux, soit la ratification par le Québec lorsque cela touche un de ses champs de compétences.

Le refus du gouvernement de Philippe Couillard de discuter de la question est éloquent. Est-ce que son aveuglement fédéraliste l’empêche de protéger les emplois et les entreprises du Québec ?

Être un pays nous permettra de mettre en place nos propres mesures de maintien et de protection de nos fleurons entrepreneuriaux. Ils sont vitaux pour notre économie.

Au lieu d’être en mode d’attente passive, on agirait de manière concrète et efficace. Mais d’ici là, le gouvernement du Québec doit au minimum exiger d’avoir un pouvoir conjoint de décision dans ces transactions. Il en va des emplois des Québécois et de notre stabilité économique.