Chrystia Freeland : quand « pas de nouvelles » est une nouvelle en soi

2017/03/17 | Par Robin Philpot

Depuis les révélations du début de mars sur le passé de collaborateur nazi du grand-père de Chrystia Freeland, ministre des Affaires étrangères, son silence et celui de Justin Trudeau sont assourdissants.

Malgré ce silence officiel, le téléphone est sans doute occupé, car il se déploie, au sein de la classe politico-médiatique canadienne, une opération d’envergure visant à protéger coûte que coûte cette recrue vedette de Justin Trudeau et protégée de Bob Rae.

L’opération marche à merveille. Les grands médias canadiens répondent à l’unisson, « PRÉSENT! » En gros, CBC et Radio-Canada, La Presse, le Devoir, The Canadian Jewish News et autres maintiennent un silence quasi total, tandis que certains médias (Maclean’s, Toronto Star) montent au créneau pour défendre Madame Freeland et ses mensonges.

Leur ligne d’attaque : les méchants Russes (Russia’s Coming Attack on Canada crie le titre d’une pièce de Scott Gilmore dans Maclean's). Une bonne exception confirme cette règle et elle provient de là où on l’attendait le moins, Le Journal de Montréal, dans un article de Loïc Tassé intitulé les Délires de Chrystia Freeland.

Rappelons ici que ce n’est pas pour les crimes de guerre du grand-père Michael Chomiak que Mme Freeland nous doit des explications – un descendant ne porte pas la responsabilité des actions de ses aïeux – mais pour les mensonges, le camouflage des faits vérifiés, mais surtout sa façon d’éviter de répondre en imputant le tout à une campagne de désinformation russe.

Comme nous l’avons indiqué la semaine dernière, les informations viennent non pas de la Russie ou de Poutine, mais des archives de l’Alberta, de son propre oncle, l’universitaire John-Paul Himka,  et des musées de l’Holocauste un peu partout.

En gros, son grand-père était rédacteur en chef d’un journal établi par les Nazis à Cracovie et qui a publié de 1940 à 1945 de la propagande nazie et antisémite, adulant Hitler et Goebbels.

Il était tellement apprécié des Nazis qu’ils l’ont amené à Vienne avec eux. (Notons que le 21 août 1942, ce journal a célébré la grande victoire allemande à Dieppe où 3367 soldats canadiens, dont un grand nombre de Québécois, ont été tués.)

 

 

Cheffe de la diplomatie ou de la propagande?

Derrière le jeu de cache-cache de Mme Freeland et le ralliement de la classe politico-médiatique, on retrouve une politique guerrière et fondamentalement antisémite du gouvernement Libéral de Justin Trudeau. On y retrouve aussi une honteuse mais révélatrice alliance de publications pro-Israël et des antisémites.

Chrystia Freeland est une ultranationaliste ukrainienne, elle est fière d’être antirusse et elle ne manque pas une occasion d’attaquer la Russie et de vilipender son président Vladimir Poutine. On se demande si Trudeau l’a nommée comme cheffe de la diplomatie d’un pays qui se veut important ou cheffe de la propagande.

En 2014, dans un article intitulé Putin’s Brittle Iron Curtain – rappelant ainsi la guerre froide – elle compare Poutine à Pinochet tout en le rapprochant aussi de l’État islamique.

Elle se décrit aussi comme une « démocrate ukrainienne », comme les « démocrates » qui ont pris le pouvoir à Kiev au moyen de ce qui ne peut être décrit autrement que comme un coup d’État au cours duquel l’extrême droite de l’ouest de l’Ukraine (région d’origine du grand-père de Mme Freeland), avec le soutien des États-Unis et de l’Union Européenne, a pris le pouvoir après les manifestations de la place Maïdan.

Des doutes sur la nature de ce régime? Ce sont eux qui transforment en héros nationaux des collaborateurs nazis de la Seconde guerre mondiale, dont Stepan Bandera, qui a dirigé des paramilitaires lors de rafles, de tueries et de torture de milliers de Juifs à Lviv dans l’Ouest de l’Ukraine. Aussi, les symboles du SS et des Nazis sont maintenant partout à Kiev.

Par ailleurs, c’est pour soutenir ce gouvernement de l’Ukraine que le Canada a déployé des troupes en Ukraine, mission qui a été reconduite le 7 mars dernier, et qu’il déploie un autre 450 soldats en Lettonie.

 

Victimes de l’holocauste oubliées par le gouvernement Trudeau

Revenons à Michael Chomiak, ce grand-père de Chrystia Freeland dont ni elle ni Justin Trudeau ne veulent parler. John Helmer, qui le premier a révélé son passé de collaborateur nazi, s’est fait traiter de propagandiste pro-russe ou pro-Poutine d’abord par le bureau de Mme Freeland, mais aussi par le Globe & Mail et Maclean's.

Lorsque Helmer a demandé un droit de réplique à ces médias, on lui a adressé un refus catégorique. Helmer démontre ainsi à quel point l’establishment politique et médiatique canadien se rallie autour de Freeland.

Fait assez cocasse, il note aussi que l’auteur de la pièce d’anthologie de Maclean’s (Russia’s Coming Attack on Canada) est aussi le mari d'une autre ministre influente du gouvernement Trudeau, Catherine McKenna. Pour être « tricoté serré », c’est dur à battre.

Sur son blogue, John Helmer note en revanche les cas de Juifs canadiens qui s’élèvent contre ce silence sur les pires cas d’antisémitisme du 20e siècle. Par ce même silence, on banalise ces crimes. Ce sont des gens qui ont perdu des membres de leur famille, sinon toute leur famille, aux mains de ceux que le grand-père de Mme Freeland encensait et encourageait.

Sheldon Kirshner de Toronto, par exemple, demande simplement pourquoi Mme Freeland ne dit pas la vérité sur son grand-père. « Il ne s’agit pas ici d’une question russe, mais d’un homme qui a été un acteur de premier plan dans la machine de la mort nazie pendant l’Holocauste. » Il aurait pu ajouter, comme l’a fait un autre journaliste, si Marine Le Pen pouvait éloigner son père antisémite encore vivant, Mme Freeland pourrait dénoncer les actions de son grand-père, mort depuis 32 ans.

Soulignons aussi l’article de Henry Srebnik, un homme né en Pologne qui a grandi à Montréal. Il écrit: « Toute ma famille en Europe a été tuée par les Nazis et leurs collaborateurs; aussi, je n’apprécie pas qu’on me dise que cette histoire ne concerne que ‘Vladimir Poutine qui essaie de faire mal paraître Chrystia Freeland’ » (All of my family in Europe was killed by the Nazis and their collaborators, and I don’t appreciate being told that this story is simply about “Vladimir Putin trying to make Chrystia Freeland look bad).

Ces textes paraissent dans des médias relativement marginaux. Les grands médias juifs ou israéliens, souvent les premiers à invoquer l’antisémitisme, restent silencieux s’ils ne viennent pas carrément à la rescousse de Freeland comme dans le Jerusalem Post en se joignant à la campagne antirusse.

 

Les tweets de Justin Trudeau.

Au lendemain du point de presse de la ministre des Affaires étrangères au cours duquel elle accusait la Russie de vouloir déstabiliser le Canada par une campagne de déstabilisation, Justin Trudeau a émis un Tweet dans lequel il a déclaré sa solidarité avec des victimes d’actes d’antisémitisme. Cela sonne faux. S’il est sérieux sur l’antisémitisme, la première chose serait d’exiger que sa ministre Chrystia Freeland désavoue clairement les actions de son grand-père. Sinon, qu’elle démissionne!