Les quelque « occasions ratées » de nous libérer

2017/03/20 | Par Claude G. Charron

En ce jour du 9 mars 2017, J’entreprends de publier un premier texte d’une série de cinq, lesquels auront tous comme super-titre : Les quelque occasions « ratées » de nous libérer.

C’est à dessein que  le mot « quelque » est au singulier. Il signifie  « le certain nombre » (d’occasions ratées)  plutôt  que « plusieurs ». C’est que reste toujours subjective  l’interprétation que l’on se fait des évènements  souvent pourtant les plus signifiants de  l’histoire d’un peuple. Dans les cinq « occasions  ratées » dont j’ai choisi de mettre en évidence, et qui ont chacune eu leur année cruciale -  1776, 1779, 1837, 1968 et 1995 -,  j’en tirerai chaque fois ma propre interprétation quant à savoir si l’occasion pouvait réellement être aussi ratée qu’on pourrait le croire.

Le premier texte concerne l’invasion américaine de la Province of Quebec qui a débuté à l’automne 1775 pour se terminer au début de l’été 1776. La publication de chacun des quatre autres textes pourrait être sporadique car, en partie, elle  dépendra des commentaires que chacun d’entre eux suscitera suite à leur publication.

Commençons donc par un événement majeur ayant été trop sous-traité  par nos historiens : la brusque diffusion des Lumières en sol laurentien en 1776 et 1777.   ​

 

Le contexte de l’après-French and Indians War   

Guerres de Sept Ans, guerre d’indépendance des États-Unis, Révolution française, nous verrons comment les deux premiers événements à très grande résonnance internationale ont affecté la vie de ceux et celles qui nous ont précédés en terre laurentienne. Et ce sera dans les deux textes suivants que je tenterai de cerner comment la Révolution française a également ensuite eu des  impacts ici-même.  

Pour tenter de comprendre comment la population s’est comportée lors de l’invasion américaine de 1776 et de 1777, il faut d’abord connaître le contexte de l’époque. Pour ce faire, il faut en venir à la principale conséquence qu’a provoquée la guerre de Sept Ans, celle de voir partir pour la France une grande partie des élites les plus influentes.    

 

Un peuple dégarni de ses élites

Y sont tous pour la plupart retournés, tous les grands administrateurs de cet immense territoire qu’avait constitué  la Nouvelle France.  Les ont également suivis,  un grand nombre de marchands, de coureurs des bois et de soldats ayant très tôt compris que ne leur servira dorénavant à rien leur forte expertise dans l’exploration des pays d’en haut, pas plus que leur admirable aisance à communiquer avec les Autochtones et les Métis.

Suite à ce grand exode de personnes relativement instruites, il ne  resta,  en fait de personnes le moindrement lettrées, que les prêtres, ainsi qu’une importante cohorte de médecins, de notaires et d’avocats, tous ces professionnels dont la tâche se révèle toujours de forte nécessité en toute société organisée.    

À ces professionnels, Il faut ajouter quelques seigneurs, qui en 1774 par  l’Acte de Québec, ont vu leurs privilèges reconduits par Londres, privilèges perdus lors de la Proclamation royale de 1763.  

Mais compte tenu du fait que, pour les travaux agricoles de cette époque, savoir lire n’était aucunement nécessaire, la population de la Province of Québec, était en moyenne devenue fortement illettrée par cet exode massif de cerveaux. 

Dans l’Angleterre de Georges III, on avait grand espoir d’assimiler rapidement ces nouveaux sujets d’autant plus que la révocation du serment du test par l’Acte de Québec deux ans plus tôt,  l’évêque de Québec, ainsi que  les Sulpiciens à Montréal, étaient fin-prêts à collaborer avec les nouveaux maîtres.  Mais voilà qu’est venue chambouler cet objectif  la révolte de treize de ses plus anciennes colonies en Amérique.

 

Le grand chamboulement

Cette révolte est en grande partie liée à la décision de Londres ait de taxer les habitants de la Nouvelle Angleterre pour qu’ils  contribuent à défrayer les coûts de la guerre de Sept Ans.  

Ils s’y objectèrent, d’abord parce qu’on ne les avait point consultés avant d’en décider de la sorte, mais aussi parce qu’ils se sentirent floués du fait que, la guerre terminée, ne leur fut point devenus accessibles ce que Londres définissait dorénavant comme « Indians territories ».  Or, c’était justement pour déloger la France  de cet immense territoire au delà des Appalaches que les marchands bostoniens et newyorkais étaient entrés dans un conflit au départ trop européen à leur goût, conflit qu’ils ont toujours d’ailleurs préféré appeler: « The French and indians War ».

« No taxation without representation »  faisait déjà les titres des journaux d’opinions qui ont très tôt suivi  la création dans les treize colonies de chambres d’assemblée pouvant au moins décider des problèmes locaux, les plus régaliens étant laissés au bon plaisir de la Couronne.

Il faut bien admettre ici que la démocratie avait pris une longueur d’avance en Nouvelle-Angleterre, par rapport à une Nouvelle-France. Tout autant qu’à une France engluée dans une monarchie très absolue, surtout avec l’arrivée du Roi-Soleil.  

C’est justement à cause de ce pouvoir omnipotent que le Siècle des Lumières s’est amorcé dans un royaume dont la bourgeoisie montante acceptait mal  les énormes privilèges accordés aux grands seigneurs ainsi qu’aux membres du haut-clergé. Ces gens étaient exaspérés. Mais ce qui est paradoxal sous  le règne de Louis XV, c’est que ce fusse dans les salons de grandes dames au sang bleu que les Lumières ont brillé le plus fortement. Voltaire, Rousseau, Diderot, les encyclopédistes, tous sont alors les coqueluches de ces dames.  Afin de rehausser leur prestige, elles se les arrachèrent.  

Le roi prend très tôt conscience du danger que fait courir  la multiplication de ces lieux de débats. Et de contestation.  Il  supporte surtout mal  la publication d’essais, de romans de pièces de théâtre sortis de la tête de ces intellos avant la lettre.  Sous peine de voir leurs œuvres censurées, ou de se retrouver embastillés, plusieurs d’entre eux préfèrent mille fois s’exiler en quelque pays plus réceptifs à leur message hautement subversif.  .

L ’Angleterre devint vite un lieu d’exil idéal.  Elle l’était déjà pour un nombre élevé de penseurs huguenots après la révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV en 1685.        

Le Siècle des Lumières a donc pris naissance en France, mais il  a vite traversé la Manche. Et a atterri dans une ville de Londres  déjà gagnée aux idées libérales des John Locke et de Thomas Hobbes et dont la grande bourgeoisie londonienne  avait remporté d’appréciables gains sur l’aristocratie suite à la Grande Révolution de 1689. Or, il arriva que ce furent dans les salons du  Londres en 1773 que des intellectuels de la trempe de Benjamin des Franklin et de Thomas Paine vont jusqu’à promouvoir le principe républicain pour la Nouvelle-Angleterre.  

 

Un Quebec Act qui bouscule l’agenda

L’esprit des Lumières a définitivement traversé  l’Atlantique quand, le 5 septembre 1774,  s’ouvre  à Philadelphie le « Premier Congrès  général de l’Amérique septentrionale ». Et  curieusement,  c’est tout de suite  la question du Québec qui domine les débats.

Il arriva que durant l’été, certains congressistes ont su à travers les branches que le roi Georges III avait sanctionné le Quebec Act  rétablissant dans la nouvelle colonie un régime seigneurial que  la Proclamation royale avait pourtant aboli onze ans plus tôt.  

La colère fut énorme quand une vaste majorité des congressistes ont alors appris le « forfait ».  Passe encore, cette abolition du serment du Test,  se sont-ils dit entre eux, mais le retour du régime seigneurial?  what a shame!  Ce  qui fit que the  Quebec question monta tout au haut de l’ordre du jour de la première cession De ce Premier congrès.   

Fut donc rédigée la « Lette adressée aux habitants de la  Province de Québec, ci-devant le Canada » les invitant à s’unir aux colonies désireuses de secouer le joug de la Grande-Bretagne.

Le 26 octobre, cette première Lettre fut, après traduction,   approuvée par le Congrès. Elle fut imprimée par Fleury Mesplet et tirée à deux mille exemplaires.   

Thomas Walker, un marchand montréalais ayant décidé de représenter sa ville au Congrès, a alors  pris sur lui de transporter  le gros des imprimés  à bon port.  De Montréal, le négociant commercial François Cazeau prit le relais pour en assurer la  distribution dans les plus grosses paroisses de la province.

 

Des discours enflammés sur les porches de nos églises

La lettre du Congrès se rendit donc à destination et sera souvent lue les dimanches matins sur les parvis des Église au sortir de la messe.  Des lectures écoutées avec enthousiasme. 

Une telle réception était en soi une révolution.  Jamais pendant le régime français, on aurait osé contester les autorités après la messe dominicale. Il y avait coutume de voir un crieur faire une adresse d’intérêt public. Il y eut souvent quelques parlottes avec des coureurs des bois tout frais revenus des pays d’en haut. Suite à leurs incessants contacts avec les autochtones et les Métis, leurs discours pouvaient trancher sur les prêches des curés attendus quelques minutes plus tôt. Mais jamais avait-on entendu parler de révolte contre toute tête couronnée. Peu importe qu’elle fut  française ou anglaise.

Pour une raison que j’expliquerai en conclusion, on a très peu enseigné dans nos écoles que  la province fut envahie pendant près d’un an par des milices américaines lors de la guerre d’indépendance des États-Unis.

 Pendant quelque huit mois durant l’automne1775, ainsi  que l’hiver et le printemps 1776, le gouverneur Carlton fut confiné dans une ville de Québec assiégée. Plus que les déboires des troupes du général Arnold ayant eu de la difficulté à guerroyer en plein hiver dans la vallée de la Chaudière, c’est surtout l’arrivée d’une flotte britannique devant Québec au printemps de 1777 qui mit fin à l’occupation.     

 

Une population réceptive aux Lumières

Ce qu’il faut surtout bien saisir ici, c’est qu’à peine dix ans avant que naisse en 1786 Louis-Joseph Papineau,  la population canadienne se montrait déjà réceptive aux idées que véhiculèrent les trois lettres, idées hautement républicaines que, soixante ans plus tard, le chef du parti  Patriote  fera  siennes.  

Parlant de Papineau, il faut dire que son père, était loin d’être un fervent partisan des rebelles.  En plein hiver 1776, c’est avec un dénommé Lamothe que Joseph Papineau, alors âgé de 27 ans,  avait fait un dangereux périple entre Montréal et Québec afin, de porter d’importants renseignements au gouverneur Carlton cloitré dans son fief.    

Quand on apprend que  les Canadiens furent nombreux à applaudir les envahisseurs, on comprend que Joseph et son compagnon eurent souvent à se réfugier dans des presbytères amis afin de réussir leur périlleuse mission. Il ne suffit de lire que quelques extraits de ce qu’on a appelé la Lettre de Baby pour saisir comment le peuple fut majoritairement enthousiaste à l’invitation américaine de se libérer du jouc britannique.   

C’est à  la demande d’un Carlton enfin libéré que François Baby fit une recherche approfondie afin de savoir  comment les lettres provenant du Congrès de Philadelphie furent reçues dans les paroisses environnant Québec. On peut lire dans son très officiel rapport que  les capitaines de milice de la région de Québec avaient été les plus ardents propagateurs des trois fameuses lettres.    

Confirme les dires de  Baby  Simon Sanguinet, une autre très royaliste personne devant l’Éternel, Dans son Témoin oculaire de la Guerre des Bostonnais en Canada,  cet auteur révèle que « dans l’ensemble du territoire, les Américains  étaient assurés de la disposition d’une grande partie des habitants».

À ces deux témoignages s’ajoute la lettre du  supérieur des Sulpiciens à l’évêque du Québec. Datée du  7 septembre 1775, donc presque deux mois avant que les troupes de Montgomery entrent victorieusement à Montréal. Cette lettre d’Étienne de Montgolfier à Jean-Olivier Briand  décrit comment la situation a dégénéré dans la vallée du Richelieu. « Les habitants, écrit-il à son évêque,  viennent de faire de nouvelles démarches de révolte et de trahison, en arrêtant des convois, tirant sur les troupes du roi, et autres excès publics.»

 

Une vive mentalité républicaine et laïque

Ce qu’il faut bien comprendre ici, c’est que, treize ans avant la prise de la Bastille de 1789, la population canadienne était déjà gagnée aux thèses républicaines. En page 39 de sa biographie intitulée Fleury Mesplet 1734-1794 (Éditions Patenaude 1985), Jean-Paul de la Grave va plus loin. L’auteur avance que  de nombreux curés ayant utilisé leur prêche  pour soutenir la cause du roi d’Angleterre, furent blâmées par leurs paroissiens  d’avoir ainsi sapé leur autorité spirituelle.

C’était comme si, durant ce trop bref « Printemps »  de 1775-1776, le peuple d’ici avait déjà de grands penchants républicains.  Et surtout laïques. Ah, quand les langues se délient! Il faut se rappeler que, dans la mère-patrie, la laïcité ne deviendra chose faite qu’en 1905.  

 

La réaction royaliste

Devant un  tel enthousiasme du peuple, certains notables fidèles à la Couronne réagirent publiquement, leurs chefs de file étant  Étienne de Montgolfier, Hertel de Rouville et… Simon Sanguinet. Au mois de mars, ce dernier fit circuler en sous main une lettre dans laquelle il adjurera ses compatriotes de rester fidèle au roi et « de briser la tyrannie américaine ».

Deux mois auparavant, le général Wooster avait succédé à  Montgomery.  La veille du jour de l’an, celui-ci avait succombé  aux  blessures qu’il s’était infligées lors de sa vaine tentative de conquérir Québec. Wooster avait fait désarmer Rouville, Sanguinet et quelques autres. Il les avait en outre menacés de bannissement.  

 

La réaction cléricale

Quant à Montgolfier, Wooster était courroucé de voir  que le supérieur des Sulpiciens en vienne à refuser l’absolution aux habitants gagnés par les idées républicaines. N’eusse été la demande de clémence de l’épouse de James Price, un riche marchand anglais, le représentant de l’évêque de Québec à Montréal aurait été condamné à l’exil.

En fin de compte, Montgolfier ne fut qu’un digne agent des directives de son évêque. C’est dans sa lettre du 25 octobre 1775 au curé de Saint-Thomas de Montmagny que l’on peut connaître l’état d’esprit « en ces  temps difficiles» d’un Jean-Olivier Briand.  Dès le début de sa missive, l’évêque se dit flatté qu’on  le traite d’Anglais. Il invite son correspondant à penser de la sorte.   

Mais il vint même à menacer son correspondant si celui-ci germait  à  l’idée de tourner le dos à ses directives. « Sont  schismatiques et hors de l’Église, lui écrit-il, tous ceux qui sont «imbus de l’hérésie des Bostonnais presbytériens. (,,)  Ils seraient en conséquemment indignes de recevoir les sacrements que vous ne pourrez leur administrer  sans péché mortellement…».  

 

La réponse du Congrès aux semonces de Briand

Il faut d’abord savoir ici que bien des curés ne se sentirent point en état de péché parce que n’ayant pas suivi les directives de leur évêque. Il y avait même bien des presbytères dont Joseph Papineau a préféré ne pas cogner à la porte durant son périlleux voyage Montréal-Québec.

ll reste que les menaces de leur supérieur ont pu faire réfléchir plusieurs curés. Ceux de  Berthier et de Saint-Cuthbert avaient perdu leur cure sur le seul motif  que Montgolfier les avait surpris à cautionner leurs paroissiens dans leur refus de se joindre à la milice anti-américaine.

À Philadelphie, on ne pouvait que réagir aux discours des Briand et  Montgolfier, les deux éminents personnages ayant chacun poussé l’audace jusqu’à souhaiter que la  milice anti-américaine use de la force contre les «  hors de l’Église ».  

Une première réponse vint de la seconde Lettre du Congrès  signée par nulle autre que Georges Washington.  Elle  arriva  à Montréal début novembre en même temps que  l’entrée des milices de Montgomery  dans la ville.  « La différence de religion ou de langue, y écrivait Washington, ne crée aucune discrimination aux yeux des colonies. »   

La  troisième Lettre va plus loin encore. Signée par Livingston et Wilson, deux juristes de renom, la missive sera, comme les deux autres, lues dès février par les crieurs habituels sur les parvis de chacune des églises. Invitation était faite à chacune de ces  assemblées de fortune pour que les habitants élisent « des députés pour former une assemblée provinciale », laquelle nommerait des délégués devant représenter le Québec au Congrès continental.

Le 12 février 1776,  les membres du Congrès acceptent  d’entendre un certain Prudent Lajeunesse venu les avertir que les prêtres et les seigneurs avaient entrepris une contre-offensive psychologique où ils interprétaient les trois Lettres à leur toute cléricale façon. Quatorze jours plus tard, l’assemblée accéda à  la recommandation de Lajeunesse en créant la Commission Franklin.

 

Arrivée et brusque départ de Franklin 

On avait  décidé que l’inventeur du paratonnerre allait présider une commission devant se rendre sur place afin d’amoindrir, la contre-offensive des curés et des seigneurs. En plus de l’éminente personnalité de Benlamin Franklin, deux autres commissaires de renom devaient l’accompagner au Québec. Samuel Chase était un excellant juriste tandis que Charles Carroll de Carrollton avait, à ce moment très opportun,  la spécificité d’être un ardent catholique, ce qui ne l’empêcha point, dès 1772,  de revendiquer l’indépendance du Maryland.   

Ce ne fut qu’à la fin mars 1777 que les trois commissaires mirent le cap sur Montréal. Le voyage fut pénible. Le 15 avril, Franklin écrit à un ami que l’état des lacs non débarrassés des glaces entrave fortement la navigation.  « Je commence à craindre d’avoir entrepris une tâche qui, à mon âge, se révélera au dessus de mes forces.»   

Ce ne fut que le 29 avril que Franklin et ses compagnons arrivèrent à Montréal, C’est avec fanfare qu’ils furent accueillis. Mais Franklin y resta à peine quinze jours car le 11 mai,  la maladie l’obligea à plier bagages. Le 30 mai, Chase et Carroll en firent autant. 

C’est que la partie était perdue. Le 15 juin, le général Arnold donna l’ordre à sa troupe de quitter Montréal. Le 17, les soldats  britanniques y firent leur entrée. Sans  grand fanfare, faut-il le dire.

 Nos valeureux ancêtres entrèrent alors dans une période de « normalisation » comme ce fut le cas des Tchèques après la fin de leur révolution de velours en 1989. Le Québec en a depuis malheureusement connue plusieurs. 

 

Le mandement du très triomphaliste Briand

Le 12 mai, donc avant même donc que les milices américaines abandonnent Montréal, l’évêque de Québec lança un mandement où il incitait les « insoumis »  à se prosterner « avec un  cœur contrit et humilié aux pieds  des prêtres »  et à leur confesser leurs « désordres ».

À propos des Américains, l’évêque écrit que ceux-ci ont bien gros misé  sur le fait que les habitants étaient « peu instruits et sans aucune connaissance de la politique, jugés sots et ignorants ».  Parmi les plus vieux d’entre nous, ça ne vous rappelle-t-il pas les propos d’un certain Lesage en 1966 ?   

 

De quoi donc avons-nous honte ?

Les « insoumis » et les « peu instruits », il y en aura d’autres dans notre histoire persillées autant de petites victoires  que d’honorables  défaites. Nos ancêtres ont été très souvent courageux à promouvoir la liberté, mais nos livres d’histoire  n’en  parlent peu.

Tant notre  situation géographique que notre singulière histoire firent que nous avons été aux premières loges des événements qui, dans l’ère moderne, ont secoué le monde. En 1776-1777, nos ancêtres  ont vécu une première secousse avec  la guerre d’indépendance américaine. Deux ans plus tard, ils en ont vécu une seconde quand la France se rangea du côté des rebelles. Tout cela vous sera explicité avec mon second texte intitulé  Franklin parti,  Mesplet  reste et prend le relais.

La Révolution française s’ajoutera à la complexité de la vie des gens de l’époque. Et le peuple québécois aura à pâtir pour une troisième fois. Situation encore plus atroce avec l’histoire du parti des Patriotes faisant l’objet de mon troisième texte.

Quant au quatrième, j’étudierai l’époque que, par une dérision certaine, certaines gens appellent la « Grande noirceur ». Elle roule entre 1941 et 1960.  Nous apprendrons que ce sont des communautés religieuses venant de la France catholique qui ont pris une grande part de l’instruction des enfants et des ados de l’époque.

Si nous avons tant honte des exploits de tous ces gens « non instruits » qui ont tenté de nous amener à la démocratie,  c’est que bien de ces p’tits frères et de ces bonnes sœur n’avaient en odeur de sainteté, ni Voltaire, ni Rousseau. Et  encore moins Robespierre. Mais ne leur en voulons surtout pas  puisque ce sont en partie eux qui nous ont menés vers une nécessaire Révolution tranquille.

À la question à savoir s’il faut retirer le crucifix au dessus de la tête du président de  notre Assemblée nationale, je répondrais  que,  d’en rester ainsi au statu quo, cela devient de plus en plus un grand mépris pour tous ces insoumis qui, aussitôt que 1776,  ont préféré rester debout devant quelque dévots les exhortant à s’agenouiller devant une  puissance étrangère opprimante. Feues ces valeureuses gens font pourtant aussi partie de notre patrimoine.  On préfère les ignorer.