Revoir le cours d’histoire

2017/03/22 | Par Étienne-Alexandre Beauregard

Dans les milieux indépendantistes, il n’est pas rare, très fréquent même, d’entendre que le cours d’histoire nationale donné en secondaire trois et quatre est à refaire. Sachez que le ministère de l’Éducation est en train de mettre sur pied un nouveau programme, qui met l’histoire du Québec sur deux ans au lieu d’une, ce qui permet de ne pas voir la même version abrégée du cours deux fois de suite.

Croyez-le ou non, mais ce nouveau programme n’est toujours pas apte à produire des citoyens ayant pleinement conscience des luttes du passé et qui sauront voter en conséquence. Je suis fort bien placé pour le savoir, puisque je suis moi-même ce nouveau cours depuis deux ans.

Le principal changement du nouveau programme consiste en la séparation de la matière enseignée sur deux ans, avec la première partie traitant de 1534 à 1840 et la seconde portant sur 1840 à aujourd’hui. Si cette division peut sembler équitable, détrompez-vous, elle ne l’est pas un instant.

La première partie, celle qui est vue en troisième secondaire, n’a pour grands évènements que la colonisation française (Cartier, Champlain, etc.), la Conquête et la Rébellion des patriotes.

À noter que ces dates marquantes n’occupent qu’une infime partie du programme, soit un peu moins de la moitié, car on a jugé bon de faire une très grande place aux communautés autochtones, qui occupent à elles seules autant du programme que les rébellions de 1837-38, aux méthodes d’agriculture et à tous un tas d’autres sujets d’arrière-plan qu’on a jugé bon d’amener à l’avant-plan.

Ceci fait en sorte que la deuxième partie se retrouve extrêmement chargée, car elle doit traiter du rapport Durham, de l’Acte d’Union, de l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique, des deux grandes guerres, de la Grande Noirceur, de la Révolution tranquille, de la Crise d’octobre et des deux référendums sur la souveraineté.

Malheureusement, le programme laisse bien peu de place à tout ce qui s’est passé à partir de 1960. En effet, nous sommes à la fin du mois de mars et on en est à la Seconde Guerre mondiale, soit la fin de la partie deux de l’année, qui en comprend quatre.

Oui, vous avez bien compris : après sept mois d’école sur dix, on n’a pas encore touché à la Révolution tranquille. Pourtant, je considère que tout ce qui s’est passé entre 1960 et aujourd’hui est très déterminant dans le choix du parti politique pour lequel les élèves devront voter à leur majorité.

Des évènements comme le rapport Durham et les crises de la conscription sont fort importantes pour comprendre l’histoire nationale moderne, mais pour bien des jeunes, il s’agit d’histoire ancienne. Pour eux, le Canada moderne est un pays où les Québécois ne sont ni mis de côté ni ignorés lorsque vient le temps de prendre des décisions.

Je crois fermement que les évènements marquants des cinquante dernières années au Québec, notamment la Crise d’octobre, le Nuit des longs couteaux et l’échec de l’Accord du lac Meech sont fondamentaux afin de saisir les positions de chaque parti sur l’échiquier politique québécois.

Qu’on le veuille où non, la question nationale monopolise les élections à chaque quatre ans, alors de ne pas en être convenablement informé empêchera tout nouvel électeur de faire un choix éclairé.

Bref, le programme d’histoire nationale actuel fait trop de place à des éléments accessoires dans sa première année et condense l’histoire de 1840 à aujourd’hui en dix mois, ce qui se fait aux dépens de l’histoire récente et donc de la capacité des futurs électeurs à réfléchir sur les débats du Québec moderne et sur le plus grand d’entre eux, soit l’indépendance nationale.

Photo : Radio-Canada