Ottawa ne se gêne plus pour nuire à l’économie du Québec

2017/03/23 | Par Gabriel Ste-Marie

L’auteur est député du Bloc Québécois.

Le Québec a une économie prometteuse et diversifiée, avec une place de choix pour la haute technologie et l’économie du savoir. Dans le Grand Montréal, on compte plus de 2 500 start-ups technologiques. Plusieurs de nos entreprises oeuvrent dans les domaines de l’intelligence artificielle et de la biogénétique. Nous sommes détenteurs d’un immense potentiel en économie verte, en électrification des transports et en développement durable. Nous sommes le troisième joueur mondial en aéronautique. Tous des secteurs à haute valeur ajoutée.

Nous pouvons aussi compter sur toute l’économie associée à notre territoire : notre agriculture, nos forêts et notre sous-sol.

Dans l’ensemble, l’économie québécoise est nettement plus diversifiée et tournée vers l’avenir que l’économie canadienne, essentiellement basée sur le pétrole, l’automobile, les grandes banques et la monoculture à grande échelle.

Malheureusement, le coup de pouce de l’État que nos secteurs seraient en droit d'attendre n’est pas vraiment au rendez-vous. D’une part, le gouvernement du Québec n’a quasiment plus de marge de manœuvre financière. D’autre part, Ottawa a réduit et continue de réduire de façon draconienne ses transferts fiscaux aux provinces et au Québec.

À Ottawa, on est au service de l’économie et de la société canadienne, pas du Québec. Quand le Québec entre dans le moule, ça va. Quand on est différent, ça ne va plus. Comme l’économie du Québec est très différente de celle du Canada, ça ne va pas du tout !

Par exemple, les programmes d’aide et de soutien d’Ottawa à l’industrie automobile et aux pétrolières sont généreux et faits sur mesure, mais il n’y a pas d’équivalent pour le Québec.

L’argent qu’on verse à Ottawa n’est pas utilisé à notre profit.

Les programmes pour l’aéronautique sont trop peu généreux et ne répondent pas aux besoins que requiert la taille de l’industrie québécoise.

Il n’y a pas de programmes qui permettraient à nos start-ups de prendre de l’expansion plutôt que d’être vendues à des entreprises étrangères et enrichir la Silicon Valley. Quand une de ces PME réussit à développer un produit porteur, le capital privé de risque, qui assure son financement, exerce une forte pression pour qu’elle soit vendue et lui permettre ainsi de rentabiliser sa mise de fonds.

Comme société, nous aurions avantage à favoriser le développement de ces start-ups ou, à tout le moins, à assurer la présence de gros joueurs pour que nos innovations profitent davantage à l’économie du Québec.

L’État aurait tout avantage à y consacrer des incitatifs en injectant, par exemple, du capital patient, qui ne cherche pas le rendement maximal à court terme.

Comme il s’agit d’un enjeu propre au Québec, pas de danger qu’Ottawa s’y intéresse. Même chose avec notre secteur biogénétique.

Il en va de même pour les sièges sociaux. Ottawa détient le pouvoir de les protéger, via sa Loi sur Investissement Canada. Le maintien de la présence des sièges sociaux est d’abord un enjeu québécois, l’économie canadienne étant principalement constituée de filiales de sociétés américaines et étrangères. Ottawa ne s’y intéresse donc pas du tout.

C’est également vrai pour le secteur agroalimentaire. Au cours des dernières décennies, nous avons développé une véritable industrie des fromages fins dans les différentes régions du Québec. Qu’à cela ne tienne, Ottawa n’a pas hésité à la sacrifier dans l’Accord Canada-Europe. Sans compensations autres que symboliques.

Même situation pour nos producteurs laitiers et de volailles. Les producteurs de volailles au sud de la frontière font entrer illégalement du poulet sous le label de « poules de réforme », soit de de vieilles poules pondeuses, qui sont un sous-produit de la production d’œufs et d’œufs d’incubation.

Ils le font sans gêne. Il y a plus de poules de réforme qui traversent la frontière, qu’il y en a dans tous les États-Unis! Ils contournent nos systèmes de quotas. Ottawa se traine les pieds et laisse perdurer la situation.

En ce qui concerne l’industrie de la forêt et du bois, le gouvernement fédéral se moque de tout le travail effectué par le Québec en la matière. Au cours des dernières années, le Québec a revu en profondeur son régime forestier, de façon à ce qu’il soit parfaitement conforme aux règles de l’ALÉNA, pour qu’on puisse mettre fin à l’entente sur les tarifs et les quotas, qui font très mal à notre industrie.

Pour ne pas porter ombrage au modèle de la Colombie-Britannique et à son industrie, le gouvernement de Justin Trudeau n’ose même pas présenter le modèle québécois aux États-unis, contrecarrant ainsi tout le travail effectué par le Québec.

Alors que Québec a coupé jusqu’à la moelle les services à la population – la condition de nos aînés en CHSLD avec les couches, les patates en poudre et les bains rarissimes illustrant tristement la situation – les Libéraux poursuivent l’œuvre des Conservateurs en réduisant de façon durable les transferts en santé.

Après avoir négocié, province par province, un accord isolant le Québec – un rappel de la nuit des longs couteaux de Trudeau père –  Trudeau fils lance des peanuts au Québec. L’augmentation des transferts fiscaux de la nouvelle entente ne couvre même pas les coûts d’une seule journée de fonctionnement de notre système de santé. Suite à l’annonce de cette entente, la ministre de la Santé s’est même permis un « high-five » victorieux avec ses collègues à la Chambre des communes. C’est tout dire.

Pendant ce temps, Ottawa laisse la porte grande ouverte à l’utilisation illégale des paradis fiscaux. Un somptueux cadeau aux institutions financières et aux mieux nantis, avec la complicité de firmes comme KPMG.

Pas de poursuites criminelles ni de pénalités lorsqu’on les attrape. On préfère abuser de la formule de divulgation volontaire pour amnistier les voleurs.

À Ottawa, la réalité québécoise n’intéresse pas le gouvernement. On adopte une mesure spéciale en assurance-emploi pour les travailleurs du secteur pétrolier, mais rien pour combler le problème du trou noir, soit la période de temps où nos travailleurs en région ne reçoivent ni salaire, ni prestation. Méchante belle mesure pour l’occupation de notre territoire !

Finalement, le gouvernement Trudeau s’accommode du saccage laissé par Stephen Harper. Celui-ci était d’abord  au service de Calgary et de l’Ouest, le second est littéralement au service de Toronto. Dans tous les cas, le Québec est mis de côté.

Pour répondre à ses amis de la finance de Toronto, le Premier Ministre met sur pied une banque de privatisation des infrastructures. Après avoir aboli PPP Canada, voilà qu’il en crée un immensément plus gros. De plus, il veut centraliser à Toronto la gestion des valeurs mobilières, de façon à retirer au Québec le peu de poids qu’il lui reste dans le domaine financier.

Nous sommes donc devant le paradoxe suivant : Avec tous ses secteurs d’avenir, l’économie du Québec présente un potentiel grandiose. En même temps, notre économie ne bénéficie pas de l’aide gouvernementale dont elle a besoin pour rayonner pleinement.

L’État ne joue pas son rôle. Le gouvernement du Québec est asphyxié par Ottawa et ses imposantes coupes dans les transferts fiscaux depuis plus de 20 ans. Il n’a plus la marge de manœuvre nécessaire pour intervenir efficacement dans l’économie.

Pendant ce temps, Ottawa se sert des 50 milliards de dollars de nos impôts et de nos taxes pour développer une économie qui n’est pas la nôtre. Ce désintérêt pour le Québec est beaucoup trop profond pour qu’Ottawa change et se mette à bien servir nos intérêts.