L’Office national de l’énergie a perdu toute crédibilité

2017/04/20 | Par Monique Pauzé

L’auteure est députée du Bloc Québécois.

Le Bloc Québécois déplore depuis longtemps le fait que l’Office national de l’Énergie (ONÉ), l’organisme fédéral chargé d’évaluer la viabilité des projets d’oléoducs ou de gazoducs partout au Canada, ne soit ni crédible ni impartial.

La réputation de l’ONÉ, composé à forte majorité de membres issus de l’industrie pétrolière et gazière, est entachée par de nombreux scandales, dont l’affaire Charest, et l’organisme n’a jamais refusé un projet de pipeline depuis sa création.

Le rapport d’un Comité d’experts d’évaluation environnementale, mandaté par la ministre fédérale de l'Environnement Catherine McKenna, a constaté, tout comme le Bloc Québécois, l’absence d’indépendance et de neutralité de l’Office national de l’énergie en raison de ses relations étroites avec les industries qu’il réglemente.

Tous doivent se rendre à l’évidence, l’ONÉ travaille pour les pétrolières et non pas pour l’environnement. C’est ce qui m’a amenée à intervenir à la Chambre des communes, le 8 avril dernier.

« Les libéraux vont-ils finir par entendre raison et retirer l’évaluation environnementale du mandat de l’ONÉ? De toute façon, dans le cas d’un projet comme Énergie Est, c’est au Québec de décider. Pourquoi s’entêter à ne pas reconnaître les compétences et l’expertise du BAPE québécois? », ai-je demandé.

Pour comprendre le sens de mon intervention, un petit retour en arrière s’impose.

Au mois d’août 2016, le gouvernement canadien mettait sur pied un Comité d’experts de quatre personnes, qui a passé plusieurs mois à consulter le public et les groupes autochtones avant de présenter des recommandations sur les approches possibles pour améliorer les processus d’évaluation environnementale actuels.

À l’époque, le gouvernement Trudeau s’était engagé à prendre en considération les recommandations de ce rapport et les modifications pouvant être apportées à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (LCEE) et à sa réglementation.

Rappelons que la LCEE a été adoptée sous le gouvernement de Brian Mulroney. Elle a été abrogée en 2012 par le projet de loi omnibus C-38 de Stephen Harper, qui en a éliminé les principes fondamentaux, comme l’examen complet des répercussions environnementales et socioéconomiques de différents projets.

Le groupe d’experts a déposé son rapport, intitulé Bâtir un terrain d'entente : Une nouvelle vision pour l’évaluation des impacts au Canada, au début du mois d’avril et on ne peut que se réjouir de certaines de ses recommandations, qui pourraient rétablir la crédibilité des évaluations environnementales si, bien évidemment, elles étaient suivies par le gouvernement fédéral.

Une de ses plus importantes recommandations est, selon moi, celle prônant l’abolition de la pratique, que je qualifierais d’indéfendable, de confier les évaluations des projets énergétiques à des organismes comme l’Office national de l’énergie.

Le groupe d’experts a jugé qu’il fallait restaurer la confiance du public dans les processus d’évaluation. Or, l’ONÉ fait aussi la promotion de projets qu’elle doit réglementer! La crainte d’un parti pris ou d’un conflit d’intérêts mine depuis longtemps la confiance dans le processus d’évaluation de l’Office.

Au Québec, la crédibilité de l’ONÉ est déjà compromise par plusieurs événements, dont l’affaire Jean Charest. L’ex-Premier ministre, alors lobbyiste pour les pétrolières, avait rencontré les membres de l’ONÉ chargés d’évaluer le projet Énergie Est. Les membres de l’organisme présents à cette rencontre ont dû, par la suite, se récuser.

L’automne dernier, le gouvernement a convenu que les nouveaux membres du comité de l’ONÉ ne doivent pas prêter flanc à des soupçons de conflits d’intérêts, mais doivent également être compétents dans les deux langues officielles.

Fin novembre, l’ONÉ désigne David Hamilton comme président par intérim pour le projet Énergie Est. Or, comme le rapporte le quotidien Le Devoir, il a présidé le comité qui a recommandé au gouvernement fédéral d’approuver le controversé pipeline Trans Mountain de Kinder Morgan.

Plus récemment, soit le 29 mars 2017, l’ONÉ a fusionné les consultations sur le projet d’Énergie Est avec celles du projet du « réseau principal Est », au lieu de mener deux audiences distinctes. Ces deux projets ne sont pas situés dans la même région et ne comportent pas les mêmes risques environnementaux, puisque l’un transportera du gaz naturel, tandis que l’autre transportera du pétrole des sables bitumineux.

Et on nous demande d’avoir confiance!  Non jamais.

Nous maintenons, au Bloc Québécois, que l’évaluation du projet d’oléoduc Énergie Est doit être retirée dès maintenant des mains de l’ONÉ.

Bien que le rapport du comité d’experts remis à la ministre mette, dans son évaluation, l’accent sur l'impact d'un projet sur les changements climatiques, bien qu’il reconnaisse que les peuples autochtones doivent être engagés dans la prise de décision à toutes les étapes de l’évaluation environnementale, selon leurs propres lois et coutumes et, bien que la transparence fasse partie des recommandations du Comité, nous ne saurions attendre les suivis que la ministre de l’Environnement, Mme McKenna, donnera aux recommandations du rapport… si elle en donne.

Quand une ministre de l’Environnement se lève en Chambre pour applaudir le projet Keystone XL, qu’elle fait partie d’un gouvernement qui, en moins de seize mois, a donné son aval au projet de gazoduc Pacific Northwest – qui deviendra l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre au Canada – et le feu vert à TransMountain de la compagnie Kinder Morgan et au remplacement de la canalisation 3 du pipeline d’Enbridge, nous ne pouvons pas nous attendre à des suivis importants.

Ce qui importe pour le Québec, c’est que l’ONÉ travaille pour les pétrolières, et non pas pour l’environnement.  Au Québec, nous avons le Bureau d’audiences publiques en environnement, le BAPE. Nous avons l’expertise, nous avons les connaissances et nous avons les compétences pour juger des projets en environnement.

Au Québec, la population s’oppose à un oléoduc, qui menace l’eau potable de près de quatre millions de personnes, qui menace nos terres et qui nous éloigne des engagements internationaux pris à Paris.