Centrafrique : L’industrie de la rébellion

2017/04/21 | Par Richard Lahaie

Centrafrique, l’industrie de la rébellion est le premier film du réalisateur camerounais Emery Noudjiep. L’idée de faire un film sur ce pays du centre de l’Afrique est venue de la médiatisation, en 2014, d’une guerre horrible qui a eu lieu à Bangui, la capitale de ce pays.

Le film s’ouvre sur une citation de Barthélémy Boganda, fondateur de la République Centrafrique (RC) : « L’heure de la révolution a sonné pour l’Afrique noire. Elle est juste, nécessaire et urgente. Nous devons la faire, sinon, d’autres la feront dans le sang contre nous ».

Cette guerre a été décrite comme étant une guerre religieuse. Mais était-ce le cas?, se questionne monsieur Noudjiep, en entrevue à l’aut'journal. « Les guerres en RC existent depuis la naissance de ce pays. Environ tous les dix ans, depuis 1965, il y a une guerre et, entre les guerres, il y a des rébellions ».

« Jusqu’à présent, il y a eu huit présidents et cinq d’entre eux sont arrivés au pouvoir à l’aide d’un coup d’État. Il y a constamment des groupes de rebelles qui se forment, ce qui fait que la RC n’a jamais été unie autour d’un idéal », de préciser monsieur Noudjiep.

Le réalisateur explique que « ces rébellions sont organisées autour d’une économie de la guerre. Il y a des personnes que l’on ne connaît pas qui financent des seigneurs locaux de la guerre. La RC est un pays riche en pétrole, en gisements d’or, en mines de diamants, etc. Ces richesses naturelles font saliver les multinationales étrangères. On peut donc supposer que ces compagnies aident financièrement les seigneurs de la guerre pour être dans leurs bonnes grâces ».

Selon le journaliste centrafricain Jooneed Khan, l’industrie de la guerre se propage comme un virus parce que c’est une nouvelle forme de colonialisme. C’est une industrie poussée par les anciens colonisateurs qui ne veulent pas lâcher prise. Ils cherchent à renforcer leur contrôle sur les pays des anciennes colonies. C’est le concept romain de « diviser pour régner ».

Le 5 décembre 2013, de violents combats sont déclenchés par des groupes d’autodéfense constitués de chrétiens sous le nom de anti-balaka. À cette époque, le pays est sous la tyrannie du gouvernement de François Bozizé et piloté par la Seleka, une coalition de milices armées composées majoritairement de musulmans. Deux lieux stratégiques, tel que l’Assemblée nationale, sont attaqués.

Les atrocités sont légion. On pouvait brûler une maison et ses habitants en bouchant les ouvertures. Des hommes sont égorgés après avoir été battus et des femmes sont violées. Le conflit prend des proportions d’une guerre religieuse. Il y a des profanations de cadavres poussant l’horreur en simulant des actes de cannibalisme devant les caméras de la télévision.

Le nord de la République Centrafrique est un territoire majoritairement musulman et le sud majoritairement chrétien. Des Soudanais et des Tchadiens ont participé à la rébellion, ce qui a complexifié le phénomène.

« Un des prétextes à cette rébellion est que les musulmans du nord du pays étaient négligés. Mais quand on fouille bien, on se rend compte que la réalité est tout autre. Les richesses naturelles en sont plutôt la raison », de préciser Emery Noudjiep.