Le soyer d’Amérique et la filière des nouveaux matériaux

2017/04/27 | Par IREC

Extraits de la plus récente note d’intervention de l’IRÉC. Vous pouvez télécharger cette note, ainsi que celles publiées précédemment, au lien suivant : http://www.irec.net/index.jsp?p=76

Les perspectives qu’offre la transition écologique pour mettre de l’avant de nouveaux modèles économiques sont nombreuses et importantes. Un peu partout au Québec, des initiatives porteuses dans le domaine des ressources agricoles et naturelles émergent, misant tantôt sur des formules institutionnelles structurantes, tantôt sur des procédés et des produits innovateurs, tantôt sur les deux. Ces initiatives sont susceptibles d’assumer d’importantes fonctions économiques dans la grande transition qui s’amorce.

Trop souvent cependant, des obstacles se dressent entre le potentiel et le réalisable. Les beaux discours sur l’innovation ne suffisent pas toujours à vaincre l’inertie des appareils et le confort intellectuel du statu quo. Cela se manifeste en particulier lorsque vient le temps de faire passer les projets à des échelles industrielles. Deux de ces obstacles sont particulièrement redoutables : le premier renvoie aux façons de voir et aux pratiques des institutions économiques, en particulier financières, appelées à soutenir le déploiement d’une filière à l’échelle locale et régionale. Le second met en jeu la capacité et les moyens de concertation requis pour une coordination efficace des acteurs et ressources nécessaires pour agir sur toute la chaîne de valeur. Il s’agit là de deux défis cruciaux pour le succès d’une politique de l’innovation applicable dans des secteurs aux tout premiers stades d’émergence. Pour concrétiser la transition écologique et énergétique, il faudra collectivement faire preuve d’ingéniosité et de détermination pour mettre en commun des idées, des expériences pratiques et des instruments qui, la plupart du temps, évoluent séparément.

La filière des nouveaux matériaux offre un important potentiel en même temps qu’une illustration éloquente de ce qu’il y a à faire pour réaliser ce potentiel, pour le traduire en projets viables. Cette filière émergente a trouvé dans la culture de l’asclépiade, aussi connue sous le nom de soyer d’Amérique, une base de développement  destinée à s’étendre à plusieurs régions du Québec. Les acteurs économiques qui ont jeté les bases de cette filière émergente ont mis de l’avant un modèle de développement qui pourrait s’avérer structurant pour les collectivités rurales, les producteurs de métier, mais aussi pour la relance de pans entiers de la structure manufacturière du Québec. Ce modèle est aujourd’hui à une croisée des chemins.

L’objectif de cette note d’intervention est de mieux faire connaître cette culture émergente, son potentiel pour le développement de l’agriculture dans les régions éloignées, ainsi que les éléments du modèle économique qui l’a accompagné jusqu’ici. Une meilleure connaissance de cette filière émergente est une condition essentielle pour optimiser la coordination de ses segments économiques, mais aussi pour mettre en évidence les  mesures d’accompagnement et de soutien nécessaires à l’amélioration de son modèle d’affaires et de ses conditions d’insertion dans les marchés.

La nature particulière et fort différenciée des besoins de financement des divers acteurs de filière rend compliqué le financement de leur développement. Les innovations dont ils sont porteurs et les défis qui se dressent devant eux mettent à l’épreuve les modèles usuels des bailleurs de fonds. Il en va de même pour ce qui concerne l’organisation et le financement des besoins de coordination et de concertation entre les divers acteurs de la filière. Les bouleversements des structures de soutien au développement local et régional rendent particulièrement difficile une action intégrée.

Or cette action intégrée est absolument essentielle au traitement des problèmes et des enjeux qui débordent les cadres des missions spécifiques de chacune des organisations agissant dans les divers maillons de la chaîne. C’est pourquoi le rapport de l’IRÉC identifiant la filière du soyer comme axe de développement pour le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie[1] propose la création d’un incubateur d’entreprises voué à l’établissement de nouveaux producteurs et doté d’un fonds de soutien au développement d’infrastructures de conditionnement pouvant répondre aux besoins. Le rôle de cet incubateur ne concernerait pas seulement la filière du soyer, mais il va de soi qu’en raison des besoins pressants qui marquent son émergence, cette dernière devrait recevoir ses premières attentions.

L’objectif de ces propositions est de contribuer à la création d’une nouvelle génération d’instruments pour soutenir le redéploiement de l’agriculture dans les régions du Québec, en particulier dans celles où son destin est le plus fragilisé. Il faut renforcer la  capacité des  collectivités locales  de structurer  des filières régionales de produits qui, comme l’asclépiade, présentent un potentiel avéré. Les défis de l’agriculture et des régions rurales exigent des solutions nouvelles parce que c’est par la maîtrise de l’innovation que se redéfinira leur contribution à l’économie du Québec.

 

Photo : Radio-Canada/Jean-Michel Leprince

[1]L’agriculture et la foresterie dans l’Est-du-Québec Matériaux pour préparer l’avenir; IREC, avril 2017