L’aut’journal a 33 ans… et toutes ses dents !

2017/05/01 | Par Pierre Dubuc

Il y a 33 ans aujourd’hui, soit le 1er mai 1984, paraissait le premier numéro de l’aut’journal. À l’époque, trois grands groupes se partageaient la propriété de la grande majorité des médias au Québec, soit Québecor de la famille Péladeau, Gesca propriété de Power Corporation de la famille Desmarais, et Unimédia de Conrad Black.

Par la suite, le phénomène de la concentration s’est accentuée avec l’achat par Power Corporation des journaux de Black, soit le Soleil de Québec, le Droit d’Ottawa et le Quotidien de Chicoutimi. La cession des journaux, autres que La Presse, de l’empire Desmarais au Groupe Capitales Médias de Martin Cauchon, dans des conditions nébuleuses, ne change pas le portrait général.


Deux phénomènes contradictoires

Au cours des récentes années, deux phénomènes contradictoires ont modifié le paysage médiatique. D’une part, la convergence entre les médias écrits et les médias électroniques est venue accentuer la concentration des médias traditionnels alors que, d’autre part, le développement d’Internet et des réseaux sociaux a ouvert la porte à une plus grande démocratisation de l’information.

Cependant, aujourd’hui, alors que Facebook est devenue la source première d’information pour la majorité des lecteurs, nous apprenons que Facebook utilise un algorithme secret, dont on sait maintenant qu'il nous conforte dans nos opinions et nous prive d’opinions contraires.

Dans ce contexte, on aurait pu s’attendre à une revalorisation du rôle des médias traditionnels, mais la chute draconienne de leurs revenus publicitaires, au profit de GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), les obligent à réduire de façon importante leur salle de presse.

Leur modèle d’affaires périclite comme l’avait prédit, dès 1964, Marshall McLuhan lorsqu’il affirmait : « Les petites annonces (et les cotations en bourse) sont le fondement de la presse. Si l’on découvre une autre source facile d’accès pour ces diverses informations quotidiennes, la presse fera faillite ».


La modèle d’affaires de l’aut’journal

C’est dans cet environnement médiatique que l’aut’journal est né et s’est développé, sans subvention gouvernementale et sans avoir recours à la publicité commerciale. Son modèle d’affaires est simple.   

Il compte d’abord sur le militantisme de ses chroniqueurEs (Jean-Claude Germain, Michel Rioux, Louise Mailloux, Jacques B. Gélinas, Charles Castonguay, Ginette Leroux, Simon Rainville), dont aucun n’est rémunéré pour ses articles, et son bédéiste Simon Banville et son caricaturiste Boris.

Il n’a eu, pendant plusieurs années, qu’un employé permanent rémunéré, soit Louis Bourgea, qui s’occupe de la permanence et de l’intendance.

Plus récemment, nous avons pu embaucher, de manière intermittente, un ou une reporter pour le « beat » syndical, une longue tradition abandonnée aujourd’hui par tous les grands médias, bien que près de 40 % de la main-d’œuvre soit syndiquée et que les organisations syndicales représentent des acteurs incontournables dans notre société. Richard Lahaie occupe présentement ce poste.

À défaut de revenus de publicités commerciales et de subventions gouvernementales, l’aut’journal compte essentiellement sur le soutien financier de son lectorat et d’organisations syndicales pour boucler un budget d’environ 200 000 $ par année.


Au fil de ses 33 ans d’existence, l’aut’journal a…

Avec des moyens limités, l’aut’journal a néanmoins réussi à assurer une excellente couverture de la vie syndicale et de l’actualité politique. Il a accueilli dans ses pages des textes des personnalités les plus en vue des mouvements indépendantiste, syndical, féministe, pacifiste, communautaire et environnemental du Québec.

Avec Charles Castonguay, il a été et est toujours à l’avant-garde du combat pour la défense et la promotion du français.

De plus, au cours des ans, il a été à l’origine de plusieurs initiatives qui ont marqué la vie politique québécoise. Mentionnons seulement les suivantes :

  • La campagne pour la réforme du mode de scrutin avec la publication de Le scrutin proportionnel de Paul Cliche;
  • L’initiateur du RAP, l’ancêtre de l’UFP et de Québec solidaire;
  • Le débat sur le revenu de citoyenneté avec la publication de Pour un Revenu de citoyenneté de Michel Chartrand et Michel Bernard;
  • L’initiateur du SPQ Libre.

Aujourd’hui, alors que le Parti Québécois reporte aux calendres grecques la question de l’indépendance du Québec, l’aut’journal la maintient à l’avant-scène de l’actualité en ouvrant ses pages à la chef du Bloc, Martine Ouellet et aux députés bloquistes Gabriel Ste-Marie et Monique Pauzé.

Au fil des ans, l’aut’journal aussi publié plusieurs livres et carnets, dont on peut consulter la liste en cliquant ici.


Internet et le journal papier

Bien que nous ayons pris avec enthousiasme, il y a déjà plusieurs années, le virage technologique avec notre site Internet, mis à jour quotidiennement, nous croyons avoir fait le bon choix en maintenant le journal papier, qui regagne aujourd’hui en popularité.

Présentement, le tirage de l’aut’journal papier est de 20 000 exemplaires, dont 5 000 sont envoyés par la poste à nos abonnés individuels et de groupe.

Les contributions de nos abonnés et des AmiEs de l’aut’journal nous permettent d’en distribuer 15 000 exemplaires gratuitement, au moyen de présentoirs, dans les bibliothèques et les maisons de la culture, les cafés et les restaurants, les groupes communautaires et syndicaux, dans toutes les régions du Québec.

Cependant, s’il est possible de lancer un site Internet respectable avec des moyens financiers limités, il faut comptabiliser, pour un journal sur support papier, les coûts de  l’imprimerie et de la distribution, les frais postaux, l’entreposage, la gestion des abonnements, etc.

 

La liberté de presse a un prix !

Il peut paraître incongru de demander à nos lectrices et lecteurs Internet d’apporter leur soutien pour financer une publication, dont la majorité des frais découle de la publication d’un journal papier.

Mais, comme l’affirmait Marie-France Bazzo, dans une entrevue au journal Le Devoir, après avoir mis fin à la parution de son magazine sous forme tablette BazzoMag : « Notre publication vivait d’une subvention du Fonds Québecor, mais nous n’avons pas été en mesure de trouver d’autres sources de revenus. Vraiment, ma première et principale conclusion, c’est que si tu veux un magazine indépendant, malgré tout, vas-y papier. C’est fou hein, mais vas-y papier ».

À l’aut’journal, nous avons plein de projets (élargir la distribution, maintenir en poste notre chroniqueur syndical, embaucher un ou une chroniqueurE pour couvrir les régions). C’est pour cela que nous vous invitons à nous soutenir financièrement. En vous abonnant à la version papier, en faisant un don ou en devenant membre des AmiEs de l’aut’journal. Pour ce faire, cliquez ici.

Vive la presse libre et indépendante !

Pierre Dubuc
Directeur-fondateur et rédacteur en chef