Santé mentale, corruption et tricherie!

2017/05/02 | Par Gilles Simard

L’auteur est journaliste et Pair-aidant en santé mentale

Et voici qu’arrive une autre Semaine nationale de la santé mentale. Et avec elle une légère impression de déjà-vu… Mais bon !  Je veux bien, moi, faire la promotion de la santé mentale et des Sept astuces pour être bien sans sa tête… Personne n’est contre la vertu.

Mais dites-moi : comment diable, peut-on « être bien dans sa tête » et célébrer sereinement une telle semaine, dans un contexte sociétal aussi malodorant et gangrené que le nôtre ? Un cloaque politico-social de magouillage et de grenouillage général, où fleurissent en haut lieu la corruption, le favoritisme, l’incompétence et l’aveuglement volontaire ?

Prenant pour acquis que « la confiance dans les institutions » est un élément déterminant pour une bonne santé mentale collective et individuelle des Québécois-ses, comment cheminer sereinement et ne pas donner dans le cynisme et l’amertume après avoir pris connaissance de l’affaire Charest-Bibeau avec l’UPAC ?

Comment ne pas broyer du noir, après avoir entendu les déclarations fracassantes du policier Francoeur sur l’immunité supposée de deux libéraux élus ? Aussi, comment ne pas nourrir du ressentiment, après avoir eu droit à autant de commissions d’enquête sur les mœurs politiques au Québec et au Canada (Charbonneau, Gomery, etc.) ?

Et dans la foulée comment, dites-moi, ne pas crier à l’injustice en voyant cette même classe de privilégiés avoir droit à toute la panoplie des services voulus en cas de de dépression, burn out ou autre, alors que dans le reste du Québec, des centaines de milliers de personnes sont privées, elles, d’un service aussi reconnu que la psychothérapie (faute d’argent ou d’accès) ?...

Sachant aussi que ces mêmes personnes devront s’en remettre à une « demi-heure de psychiatre » (après des mois d’attente) et à la traditionnelle ordonnance de psychotropes - effets secondaires assurés et résultats non garantis ?...

Cela dit, et puisque c’est la Semaine nationale de la santé mentale, on doit absolument se réapproprier ces paroles du Dr Alain Lesage, éminent psychiatre de Montréal : « La psychothérapie a le potentiel de réduire la maladie mentale et le suicide. Et la tragédie, actuellement, c’est qu’on ne fait pas tout ce qu’on sait qui marche »…

Le plus ironique, soulignons-le, c’est que l’instauration d’un tel régime universel de psychothérapie au Québec, ne coûterait que de quatre à cinq cents M $ selon l’INESSS. Une véritable économie ! Une aubaine magistrale, à côté des milliards $ (7 à 8 G $) que l’État dépense bon an mal an pour le coût des médicaments. Un service, celui-là, qui une fois étatisé, comme prôné par de nombreux intervenants (QS, PQ, CSQ), nous permettrait d’aller chercher des économies d’un à trois G $. Imaginez !

Parlant de déterminants en matière de bonne santé mentale au Québec, il faut aussi rappeler qu’une personne sur dix vit en deçà du seuil de pauvreté, et que plus de 30, 000 personnes visibles et invisibles grossissent le lot des itinérants-es. En outre, des centaines de milliers de personnes sont mal logées et paient trop cher, et le logement social ne compte que pour 11 % du parc de logements locatifs. Une risée, en comparaison d’autres pays, tels les Pays-Bas (75 %) et l’Autriche (59 %) - (Frapru).  

Mais qu’attend-on en haut lieu, pour s’attaquer aux causes sociales de la maladie mentale et augmenter le volet prévention ? Qu’attend-on pour vraiment Faire ensemble autrement, comme il est si bien écrit dans le dernier Plan d’Action en Santé Mentale ? Et encore, comment ne pas souligner que le maigre 70 M $ qui accompagnait le PASM-2015, fait bien piètre figure à côté de la nouvelle stratégie de la première ministre Wynne, en Ontario ? Une action audacieuse et ciblée, où on a engagé pas moins de 7 G $ pour un programme public d’assurance-médicaments visant les jeunes. Et pas moins de 50 M $ pour une expérience pilote de revenu minimum garanti.

Voilà ce que j’appelle de l’action ! Rien à voir avec les délires et les dénégations narcissiques du ministre Barrette et l’état lamentable du système de santé dont il est le principal responsable. Rien à voir avec la politique honteuse de l’austérité libérale et les multiples ravages que cette doctrine aura provoqués.

Mais, bon ! Tout ne va pas quand même pas si mal en matière de santé mentale au Québec. Outre quelques belles initiatives en recherche ici et là, il faut souligner le magnifique et incessant travail sur le terrain et en institution des milliers de travailleurs-euses de la santé mentale.

Pareillement, il faut célébrer l’inventivité, le courage et la résilience des milliers de groupes communautaires en santé mentale. Des femmes et des hommes de cœur qui s’échinent dans des conditions de plus en plus en plus déplorables, et ce grâce aux « bons soins » des élus libéraux. À cause hélas d’un gouvernement qui s’entête à ne pas tenir compte des demandes de rehaussement de budget des groupes (225 M $ par année).

Enfin, aux sept astuces pour être bien dans sa tête, moi j’en rajouterais une huitième : envoyons paître les libéraux !

Et finissons-en avec le syndrome de Stockholm !