Les éléments pour le développement d’une économie biosourcée

2017/05/03 | Par IREC

Extraits de la plus récente Note d’intervention de l’IRÉC. Téléchargez la note complète à l’adresse suivante : http://www.irec.net/upload/File/note_intervention_54_avril2017.pdf

La transition énergétique et écologique de l’économie passe par la réduction de la production et de l’utilisation des énergies fossiles. Les plus optimistes pensent même possible l’élimination quasi totale du recours à ces sources d’énergie d’ici quelques décennies. Cela ne veut pas dire que les molécules issues du pétrole et de ses dérivés disparaitront de l’usage, mais qu’elles cesseront d’être utilisées à des fins énergétiques. Cela signifie très certainement, cependant, qu’à une économie du pétrole doit succéder une économie dont la base énergétique sera celle des énergies renouvelables. Dans ce contexte, la question du choix des sources énergétiques renouvelables de remplacement doit être envisagée dans une problématique large, car le choix de ces sources, les diverses combinaisons possibles de leur exploitation, renvoie à des conceptions de la structure économique à mettre en place. La substitution des énergies n’a pas d’avantages significatifs, sur le plan du climat, si elle ne fait que déplacer la consommation et la production vers d’autres parties du globe, plus permissives ou moins dotées en ressources renouvelables.

Le recours aux énergies renouvelables renvoie nécessairement à des choix économiques qui mettent en cause la mise en valeur des ressources du territoire et la place que ces choix tiennent dans l’organisation de l’économie. Dès lors, penser la transition énergétique, c’est penser un nouveau modèle d’organisation de la production d’énergie qui redéfinit le rapport au territoire et aux ressources qu’il contient. Dans ce cadre, il faut imaginer qu’à la diversité des territoires et de leur potentiel doit correspondre une configuration particulière des usages et des modes d’exploitation. Les combinaisons de l’éolien, de la géothermie, du solaire et de la biomasse peuvent ainsi être réalisées. Pertinentes sur les plans environnemental et économique, elles sont appelées à varier selon les contextes et les régions.

Dans le cas du Québec, en raison de la place qu’occupe la forêt et l’agriculture sur le territoire, le recours à la biomasse comme de centre de gravité à un système de production énergétique pourrait jouer un rôle stratégique. Pour la mise en œuvre d’une politique de transition vers un nouveau paradigme de développement économique, plus soutenable, la biomasse apparaît comme l’une des ressources renouvelables ouvrant la voie à de nouvelles manières de faire, de même qu’à la production de multiples produits industriels à plus faible émission carbone. Par biomasse, nous entendons toutes les matières qui stockent l’énergie du soleil sous forme d’énergie chimique, telles que les matières agricoles, forestières, industrielles, halieutiques ou municipales. Pour valoriser ce potentiel en lieu et place des énergies fossiles, il faut prendre appui sur la ressource la plus abondante sur laquelle construire les combinaisons énergétiques et organiser les chaînes logistiques qui les sous-tendent en fonction non seulement de la disponibilité de la ressource, mais également de l’accès aux marchés matures ou émergents.

Dans une telle vision, la transition écologique de l’économie se déploie nécessairement dans un modèle de décentralisation et de régionalisation. Prenant appui aux paliers local et régional sur les infrastructures déjà présentes sur le territoire et sur les dynamiques industrielles et technologiques, la transition requiert une stratégie de reconversion des équipements, de même qu’une révision des chaînes d’approvisionnement (en matières premières) et de distribution (en produits transformés). La principale structure de transformation de la biomasse du Québec depuis plus d’un siècle a été l’industrie papetière et ses compléments. C’est à partir d’une stratégie de transformation/remplacement de cette structure que peut être envisagé un plan de transition énergétique où la biomasse jouerait un rôle central.

Il ne saurait être question d’en faire ici une présentation détaillée. On peut néanmoins dessiner les contours du cadre stratégique dans lequel il peut s’inscrire. Pour le faire, il faut avoir recours à un outil conceptuel novateur qui permet de concevoir l’exploitation de la biomasse non pas seulement aux fins énergétiques, mais surtout en tant que structure d’une chaîne de valeur complète, allant de l’exploitation jusqu’à la filière de la chimie verte productrice et consommatrice de molécules de substitution. Une économie politique de la transition écologique passe par une vision intégrée des relations entre les territoires en tant que pourvoyeurs de ressources renouvelables et les régions en tant que systèmes socioéconomiques imbriqués dans une économie globale. Quelques clarifications conceptuelles s’imposent d’abord.

Une économie biosourcée est une réelle opportunité pour le Québec. Elle pourra fournir une approche intégrée de remplacement des énergies fossiles et de diminution de la dépendance liée à leur importation. De cette manière, elle recentrera les investissements dans les régions québécoises autant que dans les grappes industrielles où une politique d’innovation et de commercialisation sera bénéfique à la vitalité des territoires.

Pour enclencher la transition vers ce nouveau paradigme, il faut cesser de considérer les projets en fonction des seuls critères technologiques ou de marché. Il faut délaisser les approches sectorielles et aborder de front plusieurs enjeux dans des réponses intégrées et complémentaires pour prendre en considération :

• Le potentiel des ressources en biomasse du territoire ;
• La capacité industrielle de chaque région ;
• La mise en œuvre d’une chaîne logistique adaptée aux contextes industriels, agricoles et forestiers locaux ;
• La définition des marchés matures, en croissance et la capacité de substitution des produits biosourcés;
• Développer des modèles de financement adaptés à des filières gourmandes en immobilisations ;
• Développer des plans locaux de transition permettant aux régions de réussir la transition vers une filière biosourcée.

Concevoir la transition écologique de l’économie en faisant le choix de la faire reposer sur une démarche de construction des logiques circulaires et biosourcées suppose de concevoir des politiques qui cessent d’opposer les logiques territoriales aux logiques sectorielles. C’est une façon de voir qui délaisse les visions traditionnelles de centre et de périphérie au profit d’une conception plus organique des liens entre les différentes collectivités qui donnent sa forme à l’occupation du territoire et définissent les dynamiques qui caractérisent les liens qui les unissent.