Tissé serré contre la pauvreté

2017/05/15 | Par Richard Lahaie

Le 10 mai dernier, 400 manifestants ont déambulé dans les rues de Montréal dans le cadre de la 44e semaine de la dignité des personnes assistées sociales du Québec. La manifestation avait pour objectif de demander au gouvernement de renoncer à l’approche obligatoire et à toutes les sanctions financières prévues par la récente réforme de l’aide sociale.

S’adressant aux manifestants, Yann Tremblay-Marcotte du Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ) a déclaré que « les personnes assistées sociales s’impliquent beaucoup dans la société pour aider un proche, un parent, un enfant ou pour appuyer et donner du temps aux organismes communautaires. Pourtant, chaque jour, on entend des préjugés sur ces personnes, alors qu’elles sont actives bénévolement. Ces perceptions doivent changer ».

« Nous manifestons contre le projet de loi 70, car le gouvernement veut mettre des conditions pour recevoir de l’aide sociale. Si la personne ne participe pas de façon suffisante, le gouvernement va lui couper jusqu’au tiers de son chèque. Ce qui veut dire 400 dollars par mois », de s’indigner monsieur Tremblay-Marcotte.

Rappelons que la loi 70 a été adoptée en novembre dernier. Celle-ci rendra obligatoire, pour ceux qui font une première demande d’aide sociale, la participation au programme Objectif emploi pour les personnes considérées sans contraintes à l’emploi. Le ministre Blais a souvent brandi la menace de pénalités pouvant aller jusqu’à 224 dollars aux personnes ne répondant pas de façon jugée satisfaisante aux exigences du programme.

Émilie E. Joly, du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRARU), ajoute que « c’est inconcevable de vivre avec 8000 dollars pour subvenir à ses besoins de base. La seule manière pour y arriver, c’est avec les calculs magiques de François Blais. Ce ne devrait jamais être un débat à savoir si on paye le loyer ou l’épicerie. Des milliers de personnes sur l’aide sociale sont pris devant ce dilemme chaque mois. La personne assistée sociale ne peut payer un loyer, faire son épicerie pour le mois et acheter une carte mensuelle pour le transport en commun ».

« L’augmentation du revenu des personnes assistées sociales doit être une priorité. Cela permettrait aux gens de sortir la tête de l’eau. Entre les deux derniers recensements, soit 2006 et 2011, la prestation de base a augmenté de 31 dollars. Le logement pour une personne seule a augmenté de 69 dollars sur la même période. Donc, la prestation ne suit pas le coût normal de la vie », de poursuivre madame Joly.

Sarah Pham Thi Desmarteau, représentante des 582 signataires du domaine de la santé qui ont écrit une lettre dénonçant le programme Objectif emploi, explique que « en tant qu’intervenant de la santé, nous constatons que la pauvreté augmente. Les professionnels de la santé demandent au gouvernement de revoir les critères du programme Objectif emplois, particulièrement ceux des personnes qui pourraient être exemptées ou non. Les critères ne sont pas vraiment détaillés dans la loi ».

« Depuis la réforme de 2015, il y a un problème de confiance entre les groupes communautaires et le gouvernement. On promet que l’on ne va échapper personne avec la réforme. Les Centres locaux d’emploi vont avoir toute la souplesse nécessaire pour aider les personnes et que le but de la loi n’est pas de couper, mais d’aider les personnes », de déclarer en entrevue, Serge Petitclerc, porte-parole du Collectif sans pauvreté.

« Par contre, on nous laisse aussi entendre qu’il va y avoir très peu de personnes qui seront pénalisées financièrement. Mais on n’avance jamais de chiffres. On nous demande de faire une confiance aveugle envers le gouvernement, sans sortir d’études d’impact, sans réinvestissement massif dans l’emploi, le communautaire et le système d’éducation », de poursuivre Serge Petitclerc.

Les manifestants ont eu droit, avant la marche, à un tour de chants engagés par les « Mémés déchaînées ». Cette chorale de femmes âgées a donné de l’entrain aux manifestants avec des chansons à saveur politique sur des airs connus.

La manifestation a été organisée par la Coalition Objectif Dignité qui réunit une vingtaine de regroupements nationaux et régionaux s’opposant aux réformes à l’aide sociale. Plus de 300 groupes appuient la Coalition et ses demandes.