L’homme qui a sauvé la Davie

2017/05/16 | Par Pierre Dubuc

Selon les allégations d’un affidavit obtenu par des médias anglophones, le vice-amiral Mark Norman de la Marine royale canadienne aurait, selon la GRC, enfreint le Code criminel en divulguant les délibérations secrètes du cabinet fédéral à la direction du chantier naval de la Davie à Lévis.

Il aurait révélé que le gouvernement Trudeau avait suspendu le contrat de 667 millions $ pour la conversion d’un navire porte-conteneurs en navire de ravitaillement pour la marine – octroyé à la Davie par le gouvernement Harper la veille du déclenchement de la dernière élection fédérale – après avoir reçu une lettre de plainte de la Irving Shipbuilding. Le chantier naval Seaspan de Vancouver, propriété d’une entreprise américaine, a aussi fait des représentations auprès du gouvernement Trudeau pour réclamer un appel d’offres. Les deux chantiers navals affirmaient pouvoir réaliser le contrat pour la moitié du prix et dans un délai plus court.

Le numéro 2 des Forces armées canadiennes aurait également conseillé la Davie sur la meilleure façon d’utiliser les médias pour faire pression sur les Libéraux afin qu’ils cessent de bloquer le contrat.

Rappelons que les chantiers de Irving et Seaspan avaient été choisis, en 2011, par l'ancien gouvernement conservateur pour se partager les 36 milliards de dollars attribués par le gouvernement Harper pour la construction de navires destinés à la Marine royale canadienne et la Garde côtière. Le contrat du porte-conteneurs à la Davie était en quelque sorte un prix de consolation.

Alors que la presse francophone se montre discrète sur l’affaire Mark Norman, le Globe and Mail lui consacre des pages frontispices et mène une campagne pour discréditer la Davie. Dans un long dossier, paru de son édition du 29 avril, le Globe affirme que la Davie fait effectuer une partie du contrat en Finlande, qu’elle a emprunté des millions à des « prêteurs de dernier recours » à des taux pouvant atteindre 25% et qu’elle est la propriété d’un réseau complexe d’entreprises du Canada et du Royaume-Uni, dont on peut suivre la trace dans des paradis fiscaux comme Monaco et les Îles vierges britanniques.

Cependant, le Globe évite de mentionner que le jour même de l’élection, le gouvernement Harper a octroyé à Seaspan une subvention de 40 millions de dollars pour moderniser ses installations et, surtout, que le contrat accordé à la Davie pour le réaménagement d’un navire commercial à des fins militaires l’avait été pour combler le retard par la Seaspan dans la livraison de navires ravitailleurs!

Le vice-amiral Mark Norman a été suspendu de ses fonctions et pourrait écoper d’une peine de 5 ans de prison. Selon l’affidavit, il n’aurait obtenu aucun avantage financier en échange de son action. Chose certaine, les 1 400 employés de la Davie, en y incluant les sous-traitants, lui doivent une fière chandelle.

Photo : ledevoir.com