Le 1 % le plus riche au Québec

2017/05/26 | Par Richard Lahaie

C’est lors des manifestations citoyennes du mouvement Occupy Wall Street en 2011, que la population a pris conscience des dérives financières de l’économie capitaliste. Avec son célèbre slogan « nous sommes les 99% », la préoccupation des écarts de revenus entre les riches et le reste de la société est devenu une inquiétude généralisée.

Nicolas Zorn, spécialiste des inégalités économiques, a publié aux Presses de l’Université de Montréal le livre intitulé, Le 1% le plus riche : l’exception québécoise.

Mais qui fait partie du 1% et quel revenu est nécessaire pour faire partie de ce club sélect?

Selon l’auteur, le 1% ne serait pas facile à définir avec les différentes méthodes de calcul sur le revenu annuel. Il explique que « l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a défini le groupe des plus riches comme ayant un revenu net, après impôts, supérieur à 150% du revenu médian ».

« Par définition, la moitié des gens gagnent moins que le revenu médian, l’autre moitié gagne plus. En 2013, le revenu médian net des ménages québécois était de 49 900$, ce qui veut dire que, selon la classification de l’OCDE, les ménages québécois ayant un revenu supérieur à 74 850$ faisaient partie des mieux nantis », de poursuivre l’auteur. Ce calcul peut être vrai pour le Congo, mais ne l’est pas pour le Québec.

En 2011, le revenu des Québécois était en moyenne de 40 600$ par année. Le calculateur de richesse Global Rich List, disponible en ligne, explique que ce revenu type de la classe moyenne au Québec serait suffisant pour faire partie du 1% dans le monde. Ce revenu est certes moins important que les quelque 67 millions d’individus dans le monde qui gagnent davantage, mais il est tout de même supérieur à celui du 6,7 milliards d’individus qui gagnent moins. Le piège est de faire des comparaisons entre les pays industrialisés et ceux du tiers-monde.

Les méthodes de calcul basées sur le revenu annuel sont trompeuses, car trop de personnes en sortiraient tous les ans. Par exemple, un entrepreneur de la classe moyenne qui vend son commerce lorsqu’il prend sa retraite ne sera classé parmi les riches que pendant cette année-là. Autrement dit, les statistiques annuelles ne traduiraient pas bien la réalité des vrais riches.

« Pour être considéré comme riche, faut-il un revenu élevé ou un patrimoine important? L’accroissement des inégalités de revenus au bénéfice des plus nantis a un effet d’entraînement sur les inégalités de patrimoine. Les plus riches épargnent davantage que le reste de la population. Cette épargne est investie et génère une rente, ce qui accroît les revenus des plus fortunés, qui épargnent ensuite une partie de ce revenu supplémentaire, et ainsi de suite », de préciser Nicolas Zorn.

« Dans une nouvelle étude sur les inégalités, cinq économistes du Fonds monétaire international affirment que plus les riches sont riches, plus la croissance économique est faible. En fait, c’est plutôt l’enrichissement des moins nantis et de la classe moyenne qui stimule la croissance économique, affirment-ils. »

 

Le modèle québécois

« Face à la financiarisation de l’économie, écrit Nicolas Zorn, ce sont les institutions, l’encadrement du travail et l’impôt des plus riches, entre autres, qui ont permis au Québec de ralentir la montée des inégalités économiques. Le modèle québécois serait conçu notamment pour atténuer les écarts de revenus. Le modèle institutionnel particulier au Québec pourrait bien permettre d’expliquer comment le phénomène relativement généralisé de concentration des revenus vers le sommet a pu être plutôt modéré, en comparaison de l’évolution vécue chez ses voisins américains et canadiens. Le Québec a plutôt développé un modèle social distinct, avec sa propre conception de la justice sociale ».

« Il est bien possible que le taux de syndicalisation plus élevé au Québec ait ralenti la hausse des revenus du premier centile, comparativement à ses vis-à-vis nord-américains, par exemple en réussissant à maintenir les éléments plus égalitaristes et redistributifs du modèle québécois », de poursuivre l’auteur.

« Le Québec fait partie d’un pays qui offre une certaine protection aux personnes exclues du marché du travail. Ces prestations auraient permis de contenir davantage l’accroissement des inégalités de revenus entre les travailleurs et les sans-emploi qu’aux États-Unis ».

« Malgré tout, de 1985 à 2008, le revenu marchand du premier centile est passé de 183 000$ à 326 000$, soit un gain de 78%. En comparaison, le revenu marchand des 99% est passé de 23 600$ à 28 100$, un gain de seulement 19% ».

« Le Québec a néanmoins l’avantage de se distinguer de ses voisins d’Amérique du Nord par un niveau d’inégalités économiques moins élevé, un taux de pauvreté plus faible et des riches qui ne flirtent pas autant avec des excès plus difficiles à justifier », de conclure l’auteur.