La politique de canadianisation du Parti libéral

2017/06/06 | Par Étienne-Alexandre Beauregard

La semaine dernière, le gouvernement de Philippe Couillard a déposé sa nouvelle politique constitutionnelle canadienne intitulée Québécois, notre façon d’être canadiens.  Le nom seul du document en dit long sur le but réel du gouvernement en matière de relations canadiennes. En effet, ce manifeste est empreint d’un fédéralisme inconditionnel, presque dogmatique, et vise plus l’affirmation du Canada au Québec que l’inverse.

L’ouvrage d’environ 200 pages s’ouvre avec une courte rétrospective des revendications historiques du Québec au sein du Canada qui relève du plus pur jovialisme fédéraliste. On y prétend notamment que le bilinguisme de Pierre-Elliott Trudeau a répandu le français partout au Canada, alors que le bilinguisme canadien a toujours été un bilinguisme à sens unique : les Québécois doivent parler l’anglais, mais les Canadiens n’ont pas à parler le français.

Jean-Marc Fournier, ministre à l’origine du fascicule, tente même de défendre l’indéfendable en affirmant que le rapatriement constitutionnel de 1982 était parfaitement acceptable, puisque légal constitutionnellement. Par contre, il dénonce l’étroitesse d’esprit des Québécois qui se sont offusqués d’une telle action unilatérale et se chagrine de la « perte de confiance » entre le Québec et le Canada qui a suivi. Jamais, en 200 pages de texte, on ne dénonce l’outrage de 1982 directement. Malgré tout, Fournier spécifie que l’Assemblée nationale a maintes fois condamné le geste de Pierre Trudeau, ce qui est plutôt ironique considérant qu’il a voté contre la motion du Parti Québécois présentée il y a quelques mois pour renouveler le désaccord du Québec avec le geste d’exclusion qu’il a subi il y a de cela 35 ans.

La seconde partie de la nouvelle politique canadienne du Parti libéral traite de la vision de ce dernier de l’avenir du Québec au sein du Canada et de ses revendications. On revient avec les cinq conditions minimales de l’Accord du lac Meech, soit la société distincte, le droit de veto constitutionnel, plus de pouvoirs sur l’immigration, la nomination de trois juges à la Cour suprême ainsi qu’une limitation du pouvoir fédéral de négocier. Au premier abord, on pourrait croire que Jean-Marc Fournier compte négocier avec le Canada pour enchâsser ces cinq principes dans la Constitution canadienne, mais il en est autrement.

Le document choisit plutôt d’expliquer le progrès dans ces cinq domaines ayant eu lieu depuis 1990 en arrivant presque à la conclusion que ces voeux sont devenues caduques puisqu’ils ont tous été exaucés depuis. On dit textuellement que « si des négociations constitutionnelles devaient un jour être tenues », on appuierait les cinq conditions, mais le PLQ n’a aucune intention d’ouvrir la Constitution, ce qui met clairement en lumière le manque d’ambition du gouvernement pour le Québec. Bref, on y retrouve l’esprit classique du fédéraliste satisfait de la place du Québec dans le Canada et croyant que tous devraient être reconnaissants du bon gouvernement fédéral qui accorde au Québec une fraction de ce qu’il revendique.

L’objectif prédominant de ce programme n’est pas la reconnaissance du Québec comme société distincte ou l’allocation de plus de pouvoirs au gouvernement québécois, mais bien l’implantation d’un fédéralisme radical chez les Québécois. Faisant fi des deux solitudes, Jean-Marc Fournier prétend que le fait d’être Québécois et le fait d’être Canadien sont devenus indissociables, comme si l’un devenait impossible sans l’autre. Les Québécois sont maintenant relégués au rang de simple francophonie canadienne plutôt que comme nation à part entière, ce qui va de pair avec la récente décision du fédéral de considérer la Saint-Jean-Baptiste comme la fête nationale des Québécois et de la francophonie canadienne.

À travers le document, on tente sans relâche de passer le message qu’il est inconcevable d’envisager le Québec sans cette « citoyenneté canadienne qui fait l’envie du monde entier » et que l’attachement des Québécois au Canada est autre que celui du fédéralisme rentable et nullement sentimental défendu par Robert Bourassa. En somme, la reconnaissance du Québec par le Canada n’est qu’instrumentale à la reconnaissance du Canada par le Québec, véritable ambition du Parti libéral.

Québécois, notre façon d’être canadiens est un titre qui résume très bien la pensée libérale sur la question nationale. Selon Philippe Couillard et Jean-Marc Fournier, il faut être canadien d’abord et la nation québécoise ne fait pas exception. Avec cette nouvelle politique dite « d’affirmation nationale », le gouvernement essaie d’imposer de force un nationalisme canadien dans le nationalisme québécois bien distinct de celui-ci. Être québécois, ce n’est pas notre façon d’être Canadiens et cela ne le sera jamais. Être Québécois, c’est avant tout demeurer nous-mêmes sans se fondre dans un tout canadien qui ne nous représente pas et le PLQ ferait bien de s’en souvenir.