Prévenir et contrer les violences sexuelles

2017/08/28 | Par Silvie Lemelin et Sylvie Fradette

Silvie Lemelin, v.-p. de la FEC-CSQ, responsable du dossier de la condition des femmes
Sylvie Fradette, coordonnatrice du Comité de la condition des femmes de la FEC-CSQ

Nous tenons à féliciter la ministre David pour sa Stratégie d’intervention pour prévenir et contrer les violences à caractère sexuel en enseignement supérieur rendue publique le 21 août dernier.

Cette stratégie, qui se traduira par le dépôt d’un projet de loi très prochainement, répond presque parfaitement aux propositions que le Comité de la condition des femmes de la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep (FEC-CSQ) avait formulées dans son mémoire.

 

Une stratégie contraignante

La démarche proposée se veut contraignante pour les établissements : les directions de cégep devront s’activer, sous peine de voir leur financement réduit. La ministre s’est engagée à verser 23 M$ pour mettre en œuvre différentes mesures « fortement suggérées ». La FEC est d’ailleurs impatiente de connaître la répartition de ces sommes dans les cégeps et espère qu’elles seront suffisantes, d’autant que les compressions ont durement affecté les budgets des cégeps en temps d’austérité.

 

Une stratégie rigoureuse

En plus de convenir d’un effort à faire pour définir les concepts propres aux violences sexuelles et ainsi se donner un vocabulaire commun, Mme David insiste sur la sensibilisation et la formation préalable des personnes, incluant les membres de la direction, susceptibles d’intervenir auprès des victimes. Les directions, comme plusieurs membres du personnel enseignant, professionnel ou de soutien, ont rarement ce type d’expertise. La stratégie compte y pallier. Bravo ! De même, la ministre accepte de soutenir des recherches au niveau collégial afin de documenter la question, à l’instar de ce qui a été fait à l’université. Voilà qui témoigne d’une rigueur intellectuelle certaine. 

 

Des mesures essentielles

La stratégie promet un appui au développement d’outils de sensibilisation et de prévention, et reconnaît la nécessité de s’adresser prioritairement aux étudiantes et étudiants qui entrent au cégep, tant pour encadrer les initiations que pour informer chaque élève des ressources à contacter en cas de besoin. Création d’un guichet unique ; adoption d’une politique spécifiquement dédiée aux violences sexuelles et d’un code de conduite régissant les relations intimes entre élèves et personnel en situation d’autorité ; renforcement de la sécurité des lieux en concertation avec les municipalités, toutes d’excellentes mesures que le CCF avait espérées ! En ce qui a trait au traitement et au dévoilement des plaintes, la stratégie reconnaît que les victimes ne souhaitent pas toujours formuler une plainte officielle et propose d’heureuses alternatives à cet égard.

 

D’autres mesures à adapter ou à bonifier

Nous espérons toutefois que la ministre tiendra compte de la situation des petits cégeps qui ne peuvent pas toujours offrir aux victimes les mêmes accommodements académiques que les grandes universités : certains programmes ne comptent qu’un seul groupe d’élèves et les victimes ne devraient pas être obligées d’abandonner leur cours pour éviter de croiser leur agresseur.

Nous espérons aussi que le comité-conseil dont la ministre suggère la création pour arbitrer la délicate question de la confidentialité des plaintes fera une place aux syndicats qui ont une expérience terrain pertinente en semblables matières. Les syndicats et leurs comités de la condition des femmes ont souvent été à l’avant-garde en matière de lutte aux violences sexuelles et doivent, avec les associations étudiantes, être parties prenantes de la nécessaire concertation nationale et locale.

En outre, le désir de mieux protéger nos jeunes ne devrait pas occulter le fait que des membres du personnel peuvent également subir des violences sexuelles sur leur lieu de travail.

 

Limite de la stratégie

Dans cette stratégie par ailleurs rigoureuse, une incohérence demeure, imputable au ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx : le cours d’éducation sexuelle réclamé au primaire et au secondaire par une majorité de partenaires du milieu n’est pas encore implanté partout au Québec. Le changement de culture souhaité doit avoir été préparé en amont, comme le reconnaît d’ailleurs la stratégie. S’il a pu imposer dès cette année le nouveau cours d’éducation financière, M. Proulx doit rendre obligatoire, dès la prochaine rentrée scolaire, un programme d’éducation sexuelle non sexiste et non hétérosexiste.

Malgré cette limite, nous vous levons notre chapeau, Madame la ministre !