L’eau potable menacé par un projet de dépotoir nucléaire

2017/09/05 | Par Monique Pauzé*

Cet été, le Bloc Québécois a déposé un Mémoire à propos du projet de création d’un méga dépotoir nucléaire à Chalk River en Ontario, près des rives de la rivière des Outaouais. Qu’est-ce donc que ce projet, dont on a peu entendu parler ?

Le réacteur nucléaire de Chalk River est situé en bordure de la rivière des Outaouais. On projette de construire sur ce site une installation de gestion des déchets près de la surface (IGDPS). Cette méthode consiste à empiler les déchets en surface. Si ce projet est accepté, ce sera le plus gros site IGDPS au monde, du jamais vu ! On compte y accumuler un million de mètres cubes de déchets radioactifs sur un site, qui ressemblera à un dépotoir municipal. Une membrane imperméable recouvrira cette colline de déchets radioactifs.

Le contrat de stockage de déchets nucléaires a été octroyé, en 2015, à Laboratoires nucléaires canadiens (LNC) par le gouvernement Harper. LNC est un consortium international privé formé de cinq entreprises multinationales, dont SNC-Lavalin. Ce consortium n’assumera pas vraiment les risques et sa responsabilité sera limitée à la période de temps déterminée par son contrat. La surveillance du site est prévue jusqu’en 2100. Cependant, il faut savoir que la radioactivité, quant à elle, peut durer des millions d’années. Les générations futures auront à payer un prix élevé pour réparer les dégâts éventuels.

Seules les contraintes de temps et d’argent ont été retenues pour le choix d’un site IGDPS comme solution. La santé et la sécurité des citoyennes et des citoyens n’a jamais été prise en compte dans la construction de ce méga dépotoir.

À Ottawa, le gouvernement Trudeau n’a pas daigné remettre en question le choix du site ou la méthode d’enfouissement retenus par le gouvernement Harper. Au Québec, plusieurs municipalités ont déjà adopté des résolutions pour s’opposer au transport de déchets nucléaires vers le site de Chalk River. Des citoyennes et des citoyens, des médecins, des scientifiques, des nations autochtones d'ici, mais aussi de l’Ontario, se sont organisés pour contrer cette idée complètement irresponsable, qui pose de nombreux risques pour la santé et l’environnement.

La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale prévoit l’évaluation des risques de différents projets sur l’environnement. Dans ce dossier, c’est la Commission canadienne de sûreté nucléaire, qui est mandatée afin d’analyser les enjeux environnementaux et de sécurité publique. LNC a donc déposé son document sur l’évaluation environnementale.

Toutefois, ce document intitulé « L’Énoncé des incidences environnementales », a été rédigé uniquement en anglais. Dans un pays où l’anglais et le français jouissent d’une reconnaissance égale, il est inconcevable d’avoir été obligé d’exercer des pressions pour que les francophones puissent faire valoir leurs arguments dans le cadre d’un processus officiel de consultation. Comme ce projet touche de nombreuses personnes résidant au Québec, celles-ci doivent avoir les moyens de faire entendre leur voix.

Les enjeux, particulièrement pour l’eau potable, sont trop importants être laissés entre les mains d’un consortium privé. La rivière des Outaouais est un affluent important du fleuve Saint-Laurent et les deux cours d’eau approvisionnent en eau potable des millions de Québécoises et Québécois.

Suite aux pressions exercées pour informer la population francophone, la date butoir pour l’expression de différents points de vue a finalement été reportée au 16 août. Le Bloc Québécois a déposé son Mémoire à ce moment-là. Nous avons fait valoir la nécessité de se questionner sur le choix du site retenu pour ce dépotoir, car ce type d’installation de surface se retrouve ailleurs dans le monde, mais rarement en bordure d’un cours d’eau. Comment LNC justifie-t-il un tel choix ?

De plus, le site se trouve sur une ligne de faille sismique majeure, au-dessus d’un substrat rocheux poreux et fracturé. Selon Ressources naturelles Canada, un petit tremblement de terre survient à tous les cinq jours en moyenne dans cette zone. Pourquoi un terrain géologiquement plus stable n’a-t-il pas été choisi ?

Un autre facteur important est à prendre en considération. Il est prévu que le dépotoir de Chalk River entreposera des matières radioactives et d’autres matières dangereuses en provenance de partout au Canada, qui viendront s’ajouter aux déchets déjà amassés par LNC. Comment justifie-t-on de transporter ces déchets dangereux vers un site si peu sûr et de les regrouper si près de l'eau, en amont des sources d'eau potable de millions de citoyens québécois ?

Enfin, le fait de confier la gestion des déchets nucléaires à une firme privée semble illogique. Une entreprise privée cherche généralement à faire du profit. Il est donc plausible d’imaginer que le consortium n’hésiterait pas à favoriser les méthodes d’entreposage les moins coûteuses, quitte à choisir des solutions qui pourraient s’avérer douteuses pour le bien-être de la population et de l’environnement.

Faut-il en déduire que les profits des activités commerciales de ce site iront dans les poches d’entreprises privées, en partie étrangères, mais que les éventuelles pertes seront à la charge des contribuables des générations à venir ?

D’autres questions politiques se posent. Pourquoi le processus d'évaluation environnementale (ÉE) n'a-t-il pas été étudié à nouveau à l'occasion du changement de gouvernement et des promesses de Justin Trudeau ?

Pourquoi ne pas attendre la modernisation des ÉE, tel que promis par le Premier ministre, pour la mise en chantier de ce projet ? Soulignons que cette modernisation, nécessaire afin d’assurer un processus respectueux permettant d’obtenir l'acceptation sociale, n’est toujours par réalisée.

Un million de mètres cubes de déchets radioactifs seront exposés au vent, à la pluie et à la neige. À la suite d’orages, des substances radioactives pourraient s’écouler dans les étangs et les marais. L’érosion et les intempéries permettraient à ces substances de se disperser de façon incontrôlée sur le territoire.

L’Agence internationale exige « des mesures d’imperméabilisation et de récupération des eaux » pour la disposition des déchets radioactifs de faible intensité, et « un environnement géologique stable » pour la disposition des déchets radioactifs de niveau intermédiaire. Pourquoi le Canada n’applique-t-il pas de façon rigoureuse les normes de l’Agence internationale de l’énergie atomique, qu’il a lui-même contribué à élaborer ?

Pour toutes les raisons mentionnées dans notre Mémoire, le choix d’un autre endroit pour disposer des déchets radioactifs s’impose ! La bataille se poursuivra en 2018 sur le bien-fondé de ce projet et le Bloc Québécois sera de cette bataille aux côtés de ses alliés.

Députée du Bloc Québécois.