Industrie du camionnage : Les poids lourds de l’économie

2017/10/24 | Par Richard Lahaie

Suite au dernier remaniement ministériel, le Syndicat des Teamsters a demandé de rencontrer le nouveau ministre des Transports pour discuter des enjeux qui minent l'industrie du camionnage, notamment les heures de conduite, l'aménagement de l'infrastructure routière, l'éventuelle interdiction pour les camions de circuler sur l'île de Montréal pendant les périodes de pointe, etc.

Près de 4000 camionneurs sillonnent chaque jour les routes du Québec. Lorsque l’on est pris dans un embouteillage, on regarde ces mastodontes sans soupçonner l’importance de cette industrie. L’aut’journal a réalisé une entrevue avec Stéphane Lacroix, directeur des communications et des affaires publiques du Syndicat des Teamsters.

« L’industrie du camionnage est l’épine dorsale de l’économie du Québec et représente 3,1 milliards de dollars en produit intérieur brut », de préciser M. Lacroix. « Tout ce que vous retrouvez dans les magasins a été transporté, à un moment donné, par un camionneur. S’il n’y a pas de mouvement de marchandises, il n’y aura pas de ventes de marchandises. »

Dans un rapport du Conference Board du Canada publié en 2016, on apprend qu’il pourrait manquer, d’ici 2020, jusqu’à 25 000 camionneurs pour répondre aux besoins du marché. Cela s’explique par les conditions de travail peu attrayantes et des exigences tellement exagérées de la part des donneurs de travail que les nouveaux routiers n’arrivent pas à concilier travail et vie personnelle.

« Les conditions de travail des camionneurs sont en baisse depuis la dérèglementation de l’industrie du camionnage en 1987. Les buts visés étaient d’éliminer les obstacles au commerce et d’harmoniser l’encadrement de l’industrie du camionnage entre le Canada et les États-Unis. Aujourd’hui, un camionneur gagne entre 40 000 et 60 000 dollars par année et peut travailler jusqu’à 13 heures par jour, pour une moyenne de 60 heures par semaine », de rappeler Stéphane Lacroix.

Une enquête de la firme Léger et Léger, réalisée en 2000 auprès de 662 camionneurs québécois, permet de constater que, parmi les camionneurs-propriétaires, seulement 12,6 % étaient payés à l’heure. Le plus souvent, les camionneurs-propriétaires sont payés « au mille » ou « au kilomètre ». Donc, dans les embouteillages, si le camion avance lentement, son chauffeur est peu rémunéré pour les heures travaillées.

« C’est un métier exigeant qui demande de la part des travailleurs et travailleuses de longues semaines de travail, de longues heures de travail quotidiennement, entraîne un éloignement familial, des salaires peu attrayants, et beaucoup de pression », de souligner M. Lacroix.

« La relève est difficile à accrocher et à garder. La génération qui arrive sur le marché du travail n’est pas très intéressée à travailler pour 40 000 à 45 000 dollars par année et être absent de la maison 60 à 70 heures par semaine. Ils veulent passer du temps avec ceux qu’ils aiment. »

 

Négociations de l’ALENA

L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a des conséquences importantes pour l’industrie du camionnage, car il oriente les flux commerciaux entre les trois pays signataires (Canada, États-Unis et Mexique).

« Dans la négociation de l’ALENA, il y a l’enjeu de l’harmonisation des heures travaillées entre le Canada et les États-Unis. Chez nos voisins du sud, un camionneur ne peut être plus de onze heures par jour derrière son volant, tandis qu’au Canada, c’est treize heures. Il y a aussi l’amélioration des conditions de travail et les salaires des camionneurs mexicains. Les Teamsters du Canada collaborent avec leurs confrères de la Fraternité internationale des Teamsters aux États-Unis en ce sens-là ».

 

Circulation à Montréal

« Le maire Coderre annonçait dernièrement qu’il travaillait à un règlement municipal sur l’interdiction de certaines plages horaires aux camionneurs, sur l’île de Montréal. Ça vient ajouter une couche de pression supplémentaire sur le dos des travailleurs de l’industrie. C’est déjà très dur, présentement, d’effectuer des livraisons sur l’île de Montréal », de raconter M. Lacroix.

« Ce nouveau règlement aurait pour conséquence d’augmenter le nombre de camions dans les rues de Montréal, car beaucoup plus de véhicules seraient requis pour livrer la même quantité de marchandises à l’intérieur d’une plage horaire restreinte », de prédire Stéphane Lacroix. « De plus, dans ce que l’on appelle familièrement la livraison ‘‘juste-à-temps’’, il serait fort étonnant que les entreprises manufacturières puissent livrer leurs marchandises à temps aux commerces de détail, une fois que cette nouvelle politique sera en place ».

Le syndicat des Teamsters représente les intérêts de près de 125 000 travailleurs au Canada, dont 5500 au Québec. La Fraternité internationale des Teamsters compte 1,4 million de membres en Amérique du Nord.

 

Photo : journalmetro.com