Le Canada a-t-il couru après une guerre économique avec les États-Unis?

2017/10/30 | Par Michel Gourd

Depuis que Stephen Harper a ressorti la guerre de 1812 des boules à mites pour s’en servir comme élément de construction nationale, le Canada agit de manière belliqueuse envers son voisin du sud qui semble avoir décidé en 2017 de lui remettre la monnaie de sa pièce.

Ce n’est pas la première fois que les États-Unis semblent vouloir livrer une guerre commerciale au reste du monde. La différence cette fois, c’est que le Canada est maintenant considéré être un concurrent comme les autres, ce qu’il n’était pas auparavant. Que ce soit la guerre commerciale entre Boeing et Bombardier, le conflit du bois d'œuvre ou la renégociation de l'Accord de l’ALÉNA, le Canada reçoit de plein fouet la charge des États-Unis. La situation était cependant inverse, il y a quelques années. En fait, les actions des gouvernements canadiens ne sont peut-être pas étrangères au déclenchement de cette guerre économique qui se déploie actuellement avec le voisin du sud.

Pour stimuler la « fierté d'être citoyen du Canada », Stephen Harper avait décidé en 2013 de magnifier de manière très nationaliste la petite et insignifiante guerre de 1812 avec les États-Unis en y investissant 75 millions de dollars. En instrumentalisant un événement à peine effleuré dans les livres d’histoire et que les Américains avaient plus vu comme une occasion manquée qu’une guerre perdue, son gouvernement a échafaudé des récits simplistes qui faisaient de ses voisins du sud de méchants envahisseurs repoussés héroïquement par le glorieux État canadien à venir.

Dans la propagande entourant la mise en scène de la guerre 1812, le Canada se faisait alors un honneur d’être une colonie anglaise qui avait botté les fesses de l’envahisseur américain qui allait devenir une superpuissance mondiale un siècle et demi plus tard. Laura Secord, qui était jusque-là connue comme une entreprise fabriquant des chocolats fins, est devenue une héroïne de l’indépendance canadienne et s’est retrouvée sur des timbres pas très sucrés au gout.

Cette commémoration avait irrité les Américains. Ils ont vu à juste titre un geste qui n’était pas amical dans cette instrumentalisation d’une petite affaire. Les États-Unis appréciaient pourtant jusque-là les relations avec leur voisin du nord au point de lui concéder un pacte automobile largement favorable. Mais le premier ministre conservateur Stephen Harper s’est servi de la guerre de 1812 pour frapper, là où le dos perd son nom, le président des États-Unis de l’époque, soit le démocrate Barack Obama. Tout cela en distordant sérieusement l’histoire puisque la colonie n’a rien gagné du tout. C’est le traité de Gand, signé entre les États-Unis et la Grande-Bretagne le 24 décembre 1814, qui a mis fin à cette guerre.

À la suite de cette fronde, les deux pays ont joué à la chaise musicale au niveau de leur gouvernement respectif et le premier ministre canadien est devenu le très libéral Justin Trudeau. Dans la lignée des politiques de son père, il a continué à saper les liens de son pays avec les républicains des États-Unis.

Le premier ministre a montré de manière non équivoque son attachement aux démocrates américain, allant jusqu’à mettre en scène pour les médias un repas en tête à tête avec Barack Obama, ce qui a beaucoup irrité le candidat Donald Trump.

La victoire des républicains à cette élection a encore fait descendre d’un cran le niveau de la relation entre les deux pays. Or, malgré les avertissements de plusieurs analystes qui tentaient de calmer le jeu, la souris canadienne a continué ses frondes envers l’éléphant américain qui ne cachait plus son irritation. La première chose qu’a fait Justin Trudeau après l’élection de Donald Trump qui avait gagné en promettant de protéger ses concitoyens des islamistes, c’est d’annoncer qu’il ouvrait ses frontières et prendrait en un l’espace de quelque mois 25 000 réfugiés syriens.

Donald Trump n’était pourtant pas le seul américain à vouloir contrôler l'entrée d’immigrants extrémiste et à regarder sa frontière nord avec suspicion. Un autre candidat à l'investiture républicaine, Ben Carson, affirmait vouloir mettre l'armée et la Garde nationale américaines à cette frontière. Le gouverneur du Wisconsin, Scott Walker, avait aussi déclaré que la construction d'un mur à la frontière canado-américaine méritait réflexion. Un sondage de la firme Bloomberg montrait de plus que près de 40 % des Américains étaient en faveur de cette construction. Les élus de la Chambre des représentants des États-Unis avaient même adopté un projet de loi qui obligeait le Département de la sécurité intérieure des États-Unis à faire une analyse de la menace à cette frontière.

Le Canada qui était totalement dans son droit de faire ce geste a été applaudi par les humanistes du monde entier tout en donnant un autre œil au beurre noir à son puissant voisin américain. Les médias ont même publié un sondage, qui montrait que les Canadiens ne voudraient plus voir le nom de Trump sur ses actifs immobiliers au pays. Le Canada a cependant été alors perçu par plusieurs politiciens américains comme une menace à leur sécurité nationale.

Ajoutant l’insulte à l’injure, Justin Trudeau qui continuait sur sa lancée provocatrice a alors décidé de passer les Fêtes 2016-2017 sur une île privée avec l'Aga Khan, un prince musulman, grand ami de son père et de sa famille. Encore là, il était dans son droit d’aller voir qui il voulait, mais il devait savoir que son voisin du sud qui prend très sérieusement toute insulte qui est faite à son autorité n’allait pas apprécier. Le gouvernement canadien sait pourtant que plus de 75 % de ses exportations traverse vers le sud sa longue frontière de 8 891 km qui va de l'Alaska au Maine.

Qui peut alors être surpris que l’année 2017 ait été particulièrement misérable pour les relations entre les deux gouvernements? Le département du commerce américain faisait l’imposition préliminaire le 26 juin de droits antidumping et de droits compensatoires allant jusqu’à 30,88 % sur le bois d’œuvre canadien qui traversait sa frontière.

Il a aussi imposé il y a quelques semaines des droits compensatoires de 219 % aux avions de la CSeries de Bombardier et un droit antidumping de 79 % pour additionner un tarif de 300 % au prix de vente. Les négociations de l’ALÉNA ne vont pas beaucoup mieux et les Américains pourraient bien se retirer de l’Accord en début 2018.

Les négociateurs affirmaient de plus, au cours des derniers jours, que ce sont les demande venant de la Maison Blanche qui font dérailler les négociations. Dans cette affaire, le Canada est dans la situation d’un piéton qui s’engage dans un passage clouté, alors qu’une grosse voiture américaine fonce sur la route et ne semble pas vouloir s’arrêter. Il est dans son droit de ne pas céder le chemin et tout accident sera la faute de l’automobiliste qui devra payer les séquelles qu’il subira s’il est frappé. Le piéton risque cependant de payer chèrement sa décision d’exercer ce droit de passage.