Netflix et les cultures canadienne et québécoise

2017/10/30 | Par Monique Pauzé

L’auteure est députée du Bloc Québécois.

En marge de la consultation de la ministre du Patrimoine sur la politique culturelle canadienne, un sondage Angus Reid réalisé il y a un peu plus d’un an, soit en juin 2016, indiquait qu’une majorité de Canadiens (56 %) ne voulait pas que les médias en ligne soient soumis aux mêmes règles du CRTC que les médias traditionnels, alors que 44 % étaient en désaccord.

Si on ventile les chiffres par régions, on voit que 58 % des Québécoises et Québécois sont d’accord avec l’idée de soumettre les médias en ligne aux mêmes règles que les autres médias. Voilà une autre illustration des deux solitudes.

Lorsqu’on lit que les citoyens du Canada utilisent Internet plus que dans tout autre pays dans le monde et que la moitié des jeunes adultes (18 à 34 ans) sont abonnés à Netflix, nous souscrivons au fait que ces multinationales doivent être soumises aux mêmes règles de taxation que tous les citoyens qui paient leur TPS.

En effet, en vertu de quel principe les géants américains du streaming sont-ils exemptés de payer la taxe sur les produits et services alors que tous les contribuables la paient? Cette exemption est un privilège qui crée une concurrence déloyale, dont nos diffuseurs et créateurs culturels payent le prix.

Dans le cas qui nous préoccupe, il ne s’agit pas de simplement de « taxer pour taxer » et d’ajouter au fardeau fiscal des contribuables. L’enjeu est beaucoup plus important et mérite qu’on s’y attarde, sans quoi nous ne parlerons plus bientôt de culture, mais d’acculturation.

La culture, c’est l’âme d’un peuple. Malheureusement plusieurs ignorent les effets dévastateurs et pervers de voir les Netflix de ce monde nous faire consommer des produits culturels étrangers, sans jamais avoir à réinvestir pour favoriser l’épanouissement de notre culture. Ces géants, qui ne jouent pas selon les mêmes règles, pénalisent nos créateurs, nos diffuseurs et contribuent peu à peu à la destruction de notre identité culturelle.

En 2016, au Québec, les productions cinématographiques et télévisuelles représentaient à elles seules 32 400 emplois directs et dérivés, une baisse de 4,1 % par rapport aux données précédentes. De même, si cette industrie contribuait 1,9 milliard de dollars au PIB du Québec, il s’agit d’une baisse de 3,8 % par rapport à l’année précédente.

Prenons simplement l’exemple du Groupe TVA. Avec ses quelque 1 500 employés, c’est plus de 600 millions $ qui sont investis chaque année dans l’économie québécoise et canadienne. Dans une lettre ouverte parue dans le Devoir, Pierre-Karl Péladeau faisait état que « le Groupe est une source de revenus soutenus pour les artistes, les artisans et les producteurs indépendants, il stimule les investissements dans le secteur, accroît la compétitivité sur les marchés internationaux et favorise directement et indirectement la croissance des exportations. Cet écosystème est menacé alors que nous voulons continuer à investir dans notre culture : 93 % de la programmation de TVA est en contenu original. »

La menace est bien réelle, comme en témoignent ces récentes données rapportées par le Globe and Mail dans son édition du 21 octobre 2017. Selon le quotidien, une enquête de Convergence Research Group révèle que 38 % des francophones au Québec sont abonnés à un média du streaming, dont 28 % à Netflix contre seulement 10 % au Club Illico de Québecor, 6 % à Tou.tv Extra de Radio-Canada et 2 % à CraveTV de Bell Media.

En tant que peuple nous devons nous questionner : Est-ce que nous voulons voir notre industrie culturelle en perte de vitesse ? Voulons-nous assister à la folklorisation de nos séries télévisées, de notre musique ? Ou voulons-nous simplement imposer la TPS aux Netflix de ce monde ?