Les territoires face aux changements climatiques

2017/11/01 | Par IREC

Extraits de la Note d’intervention no 61, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.irec.net/index.jsp?p=76

Les zones urbaines et rurales des diverses régions du Québec avec leur diversité de contextes sociaux, écologiques ou économiques sont appelées à jouer un rôle majeur dans la transition écologique de l’économie. Auparavant lieux privilégiés pour le développement régional, la concertation et la mobilisation, les centres locaux de développement (CLD) et les Conférences régionales des élus (CRÉ) ne servent désormais plus de relais et d’accompagnement aux projets locaux. Il est donc nécessaire, pour le Québec, de repenser les cadres de l’action territoriale et de se donner les moyens d’accentuer une réelle démarche efficace et respectueuse de la diversité des contextes territoriaux.

D’autres pays dans le monde ont lancé des initiatives allant dans ce sens. C’est, par exemple, le cas de la France, qui a mis de l’avant le concept de « territoire à énergie positive ». Un concept clair qui permet de cadrer la transition écologique du territoire et de son économie. Ces programmes s’inscrivent dans un ensemble de stratégies et politiques de cohésion territoriale qui veulent répondre aux principaux enjeux d’occupation du territoire en mobilisant les acteurs du milieu.

Au Québec, le plan d’action sur les changements climatiques (PACC) 2013-2017[1] consacre un budget[2] de 3 272,2 M$ pour contrôler et réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et renforcer la résilience et l’adaptation de la société québécoise aux impacts des changements climatiques. Ce plan d’action, notamment, alloue une partie de son budget à l’accompagnement et à la mobilisation des collectivités. Dans le même temps, le Québec s’est doté d’une stratégie d’occupation du territoire[3] mise sur pied pour aborder le développement territorial sur les principes suivants : « l’engagement des élus, la concertation, la complémentarité territoriale, l’action gouvernementale modulée, la cohérence et l’efficience des planifications et interventions sur les territoires et le respect des spécificités des nations autochtones. La complémentarité de ces deux dynamiques peut devenir le préalable à de véritables stratégies territoriales de transition ».

Dans cette note, nous allons tenter de voir en quoi l’exemple français pourrait inspirer une réponse québécoise capable d’allier transition écologique et occupation du territoire. Nous prendrons appui sur le concept de « territoires à énergie positive (TEPOS) », issu d’une initiative locale, et dorénavant partie intégrante de la stratégie de transition énergétique en France. Nous verrons comment cette démarche peut être bonifiée par le recours aux principes d’écologie industrielle et territoriale. Cela nous amène à faire une proposition intégrée et originale applicable au contexte québécois de lutte aux changements climatiques et de transition énergétique tout en étant capables de répondre à une démarche de transition, d’occupation du territoire et de développement économique local.

Le développement d’un plan d’action permettant la transition écologique de l’économie tout en appliquant des principes d’occupation du territoire[4] déjà définis pourrait donner aux régions, MRC et municipalités la capacité d’amorcer un mouvement de transition à la grandeur de leur territoire. Ce sera une occasion de profiter de la richesse socioécologique et de faciliter leur revitalisation. Sa mise en œuvre pourrait se faire à différentes échelles d’application, d’une échelle locale, municipale ou régionale avec une recherche d’intégration et de cohérence. Pour ce faire, il serait opportun de créer des conseils régionaux et locaux de la transition qui regrouperaient les compétences précédemment confiées aux CLD et aux CRÉ et profiter de la présence des Conseils régionaux de l’environnement (CRE) pour la mobilisation de la société civile.

Ils veilleraient à la mise en œuvre de plans d’action composés de quatre volets :


Occupation et cohésion territoriale

En s’inspirant de la démarche française, ce volet a pour ambition de donner une réponse aux enjeux d’occupation du territoire, d’être capable de viser des objectifs de réduction d’émissions de GES, d’adaptation des territoires aux changements climatiques, de mobiliser les acteurs de la collectivité et de développer des circuits économiques locaux. Il doit avoir pour finalité l’intégration de ces objectifs pour la relance d’un tissu économique dynamique et innovant, la responsabilisation et l’implication de la population et des acteurs urbains dans les différentes étapes de la transition et la mise en œuvre de politiques d’aménagement ainsi que de services publics durables. Il doit reprendre les différentes politiques ou stratégies que le plan de transition territorial affectera. Cette cohérence doit ainsi couvrir les axes d’aménagement des zones résidentielles, agricoles, forestières, commerciales et industrielles. Elle doit également incorporer les outils de planification et les modes de gestion en matière de transport et de mobilité, de gestion des matières résiduelles, de gestion de l’eau, d’infrastructures vertes, de santé publique, de réglementation du bâti, d’efficacité énergétique.


Énergie et écosystèmes

Ce volet a pour objectif de mettre en application l’ambition de « qualifier les flux de ressources et l’optimisation de leur utilisation » sur le territoire ciblé. Il implique un inventaire des différents flux énergétiques et de matière, actuels et potentiels, pouvant permettre des actions de coopération locales et innovantes. Cela concerne la gestion de l’énergie, de l’eau, des matières résiduelles et des services écosystémiques. Cela permet de transformer les effluents d’activités municipales, agricoles, forestières, commerciales ou industrielles en ressources pour d’autres partenaires du territoire. Ce volet doit viser la réduction des charges environnementales de la collectivité tout en créant de nouveaux flux économiques locaux.


Mobilisation

Le volet mobilisation a pour ambition d’intégrer tous les partenaires de la collectivité dans la démarche de transition. Elle vise aussi bien l’administration municipale ou régionale que la société civile et la population. Les différentes entreprises, associations, organismes sans but lucratif, institutions, tout comme les pouvoirs publics pourront participer à l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan de transition territorial. Ce volet se doit d’être conçu et mis en œuvre dans une démarche transparente et publique, d’identifier les priorités générales en prévoyant les contributions spécifiques des acteurs et des citoyens, d’identifier les ressources à mobiliser pour planifier, de permettre aux différents acteurs de la collectivité de réaliser des démarches de planification et de mise en œuvre de leurs propres contributions.

 

Économie et innovation

Le volet économique doit avoir pour ambition la relance d’un tissu économique dynamique et innovant. Toutes les opportunités liées à la requalification des flux de matière et d’énergie du territoire permettront de créer de nouvelles occasions d’affaire et de coopération locale. L’objectif doit être la recircularisation de l’économie pour permettre une meilleure résilience de celle-ci et de meilleures retombées pour le territoire visé. Ce volet doit permettre des investissements sur de nouvelles méthodes, de nouvelles formes de gestion, de nouvelles technologies permettant de créer un contexte de développement des activités du territoire. Cela doit entrainer la mobilisation des institutions existantes vers l’émergence d’un changement de culture à long terme de mobiliser les ressources (intellectuelles, techniques, financières) pour appuyer le développement et la mise en œuvre de ces innovations. Elle doit s’accompagner de politiques sectorielles à l’échelle du territoire visé.