Entrevue avec Francine Bouliane, la nouvelle présidente du Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal

2017/11/09 | Par Pierre Dubuc

« Je sentais qu’il fallait redonner de l’espoir aux cols blancs. Je voulais leur offrir une alternative syndicale. J’ai pris de mon temps et j’ai lancé ma campagne à partir de ma page Facebook personnelle. Je prenais un engagement par jour et je l’expliquais », de nous raconter Francine Bouliane, qui vient d’être élue à la présidence du Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal (SCFP-FTQ).

Avec un simple dépliant noir et blanc expliquant son programme, elle est allée, accompagnée de Gilles Maheu, le trésorier sortant, rencontrer aux quatre coins de la ville de Montréal ceux et celles qui, parmi les 10 000 membre du Syndicat, voulaient bien la recevoir.

« On ne faisait pas de grands discours. On partait des questions des gens. Nos expertises, à Gilles et moi, se complétaient », nous explique celle qui a été aide-bibliothécaire pendant 17 ans à Ville Saint-Laurent, avant d’accéder, en 2005, à un des six postes de la vice-présidence du Syndicat et, depuis 2012, à celui de secrétaire-générale, lorsqu’elle nous reçoit dans ses bureaux de l’avenue du Parc.

« Nous n’étions que trois candidats, Jonathan Arseneault, Gilles et moi, avec quelques 5-6 bénévoles. Nous avons fait une campagne modeste pour se rapprocher de nos membres. J’en ai mangé des bêtises sur ma page Facebook. Mais nous avons gagné avec une solide majorité », souligne la candidate de l’Alternative syndicale.

Francine Bouliane a su bien canaliser le mécontentement des membres, résultant de l’adoption, le 23 juin 2016, d’une convention collective brise-coeur, après plusieurs mois de négociations, où le Syndicat a dû faire des concessions, et l’imposition par Québec de la loi 15 sur les régimes de retraite.

Mais ce qui a mis le feu aux poudres, c’est le dépôt par l’administration municipale, immédiatement après la signature de l’entente, d’un cahier de procédures avec de nouvelles règles d’application au sujet de l’horaire flexible, contraires à l’esprit de la convention collective et varlopant des droits acquis.

Francine nous explique l’application de l’horaire flexible. « On travaille 35 heures par semaine. On avait la possibilité d’accumuler une banque de sept heures, en commençant plus tôt le matin ou en finissant plus tard le soir. Ou encore en ne prenant qu’une demi-heure plutôt qu’une heure pour dîner. Ces heures accumulées pouvaient ensuite être utilisées avec l’autorisation de l’employeur. Ça fonctionnait par groupe de travail. On présentait un horaire collectif, de façon à ce que le service ne soit pas affecté. Ça roulait comme cela depuis 28 ans. Ça permettait, par exemple, de prendre une demi-journée ou une journée de congé pour aller consulter un orthophoniste avec son enfant », une mesure de conciliation travail-famille, fort appréciée par les membres d’un syndicat composé à 60 % de femmes.  « Aujourd’hui, enchaîne-t-elle, tu arrives à 9h30, on te coupe une heure de travail. Tu as besoin d’une journée de congé, tu es obligé de piger dans ta banque de congés-maladie. »

Des actions concrètes auraient pu être prises plus rapidement. Des griefs ont été déposés, une séance de médiation a eu lieu et des rencontres avec des représentants de l’employeur se sont également déroulées depuis la signature de la convention collective. Mais davantage aurait pu être fait au chapitre de la visibilité et du lobbying.

Pourtant, le Syndicat avait des précédents sur lesquels s’appuyer. Elle cite la campagne menée en 2012 pour l’obtention de l’équité salariale. « On a fait du lobbying en plein été. Il y avait de l’action. On était visible auprès des membres. Cela a donné des résultats. On est allé chercher 100 millions $ !»

L’équité salariale est un dossier qui revient aujourd’hui à l’ordre du jour. En fait, un suivi doit avoir lieu à tous les cinq ans, mais la Ville a repoussé l’échéance en contestant certaines interprétations. Francine en a fait un item de sa plateforme électorale.

Mais la principale préoccupation de la nouvelle présidente est le renouvellement de la convention collective, dans le nouveau cadre prévu par la Loi 24, qui limite la période des négociations, fixe leur durée minimale à cinq ans et donne au ministère de Affaires municipales le pouvoir de décréter, en dernier recours, les conditions de travail.

« La loi 24 nous impose un échéancier très serré. Une période très courte est prévue pour la négociation. Puis, l’employeur peut demander la médiation. Notre convention se termine le 31 décembre 2018. La loi nous contraint à déposer nos demandes à cette date. D’ici là, pour préparer nos revendications, il faut tenir des consultations auprès de nos instances, effectuer un sondage auprès de nos membres, en analyser les résultats, formuler nos demandes. Il n’y a pas de temps à perdre. »

La nouvelle présidente se dit prête à relever ce défi. « J’ai pris de l’expérience avec des négociations, dans les villes reconstituées et les paramunicipales », raconte celle qui est allée se chercher un certificat universitaire en droit pour compléter son expérience terrain.

Pour préparer ces prochaines négociations, elle veut assainir le climat des relations de travail, qui s’est grandement détérioré au cours des dernières années, et reconstruire les liens avec l’administration municipale.

Redonner espoir aux membres, rétablir la confiance entre les dirigeants syndicaux et les membres, revenir aux préoccupations quotidiennes, comme la conciliation travail-famille, c’est dans l’air du temps dans le mouvement syndical. Il faut se rapprocher des gens.

Mais cela n’exclut pas le recours à des moyens d’action plus lourds. « Je peux sortir aussi avec des pancartes. Mais il y a des étapes à franchir dans une négociation avant d’en arriver là », de conclure Francine Bouliane. Et une de ces étapes était de communiquer, dès le lendemain des élections, à Valérie Plante de pour la féliciter de sa victoire et se dire heureuse de pouvoir travailler avec elle.

 

Photo : http://www.sfmm429.qc.ca