Quand étudier, c'est aussi travailler

2017/11/14 | Par Richard Lahaie

Des étudiants stagiaires ont manifesté le 10 novembre dernier devant les bureaux du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale à Montréal. En cette journée internationale des stagiaires, les étudiants revendiquent le statut de travailleuses et de travailleurs lors des heures de travail accomplies dans le cadre des stages et être payé pour ces heures.

« Dans le cadre de la future réforme des normes du travail, un article spécifie que les stages peuvent ne pas être rémunérés. Nous demandons l’abrogation de cet article dans la Loi sur les normes du travail, pour que les stages soient obligatoirement payés aux étudiants », d’indiquer Sandrine Belley, étudiante et stagiaire en travail social.

Les employeurs des stagiaires bénéficient de la force de travail des étudiants sans débourser un sou. Notons au passage que l’étudiant doit payer des frais de scolarité pour son stage, puisque celui-ci est un cours comme les autres.

« Je suis stagiaire en travail social dans un organisme communautaire. Cela pose la problématique du sous-financement des organismes communautaires. Ces organismes ont beaucoup de stagiaires, car c’est la seule façon pour eux, faute d’argent, d’avoir des employés, de souligner Sandrine Belley. Nous demandons que le gouvernement finance adéquatement ces organismes. Ça serait également une façon de réinvestir dans nos programmes sociaux, dans l’éducation, etc. ».

« Dans tous les milieux de stages non rémunérés, on trouve une forte concentration de femmes tel que les domaines de l’enseignement, des soins infirmiers, du travail social, etc. Les conditions de travail se dégradent dans le milieu communautaire, ce qui restreint l’embauche de travailleuses et de travailleurs à temps plein avec des conditions décentes », de poursuivre Alice Lefèvre, étudiante et stagiaire en travail social.

Il y a une iniquité dans les stages entre les départements. Un stagiaire en médecine reçoit une rémunération, tandis que la stagiaire infirmière sera bénévole dans le même milieu de stage.

« J’ai un ami qui étudie en génie mécanique à l’ETS. Il a fait un stage à la Pratt & Whitney. En trois mois de stage, il a gagné le montant total de mon endettement pour mon baccalauréat, c’est-à-dire 10 000 dollars, de s’indigner Alice Lefèvre. De plus, ce n’est pas vrai que les entreprises privées payent leurs stagiaires, car ce sont des crédits d’impôt. Ce sont toutes sortes d’entourloupes fiscales qui, au final, est de l’argent de l’État ».

« Dans le domaine public tel que de l’enseignement, les stages qui sont rémunérés sont des stages qui ne sont pas occupés par un employé ou des postes vacants. Le travail que l’on fait avec les enfants n’est pas reconnu. Nous voudrions que ce travail soit reconnu et que les normes minimales de travail soient appliquées », de relater Alexandre Clément, exécutant à l’ADEESE et stagiaire en enseignement au secondaire.

« Le travail des stagiaires, c’est du travail. C’est du travail reproductif pour garder les gens en santé ou éduquer les enfants, contrairement au travail masculin qui est du travail productif. Le travail reproductif, tout comme les travaux ménagers effectué par des femmes, n’est pas reconnu, n’est pas valorisé et n’est pas bien rémunéré », d’analyser Mme Lefèvre.

« Le travail réalisé par les étudiants en situation de stage est soumis à des logiques compétitives et des exigences similaires à celles que l’on retrouve dans les emplois salariés », d’ajouter Nicolas Bourdon, militant à l’Université de Montréal.

« Il y a une division genrée dans les stages. La lutte et la grève des stages sera une grève féministe, que ce soit dans les domaines de l’éducation, de la santé et des services sociaux », de faire remarquer Alice Lefèvre.

« En cette journée de froid sibérien, 20 000 étudiants et étudiantes sont en grève. On trouve parmi les stagiaires des parents étudiants et des adultes effectuant un retour aux études. Ces personnes n’accomplissent leurs études et leurs stages qu’au prix d’immenses sacrifices. Nos voix sont plus fortes lorsque jointes à celles des autres et notre action plus puissante lorsqu’elle est collective. Nous croyons qu’il faut lancer une offensive commune et organiser une grève générale des stages », de conclure Nicolas Bourdon.