Le prix Pierre-Vadeboncoeur remis à Josée Boileau et Yvan Lamonde

2017/11/17 | Par L’aut’journal

C’est à la journaliste Josée Boileau, pour son recueil Avec le recul, et à l’historien Yvan Lamonde, pour son essai Un coin dans la mémoire, que le jury du prix Pierre-Vadeboncoeur a choisi de remettre ce prix pour l’édition 2017. Le secrétaire général de la CSN, Jean Lortie, présentera le prix aux deux lauréats au Salon du livre de Montréal le dimanche 19 novembre à la salle 5 de la mezzanine, à 14 h 30.

Le prix Pierre-Vadeboncoeur, créé par la CSN en 2011, est doté d’une bourse de 5000 $, que se partageront les lauréats. Bernard Émond, Lise Payette, Roger et Jean-François Payette, Alain Deneault, Aurélie Lanctot et Normand Baillargeon ont reçu ce prix depuis sa création. Présidé par Claudette Carbonneau, présidente de la CSN de 2002 à 2011, le jury était composé cette année de Catherine Ladouceur, professeure de littérature au Cégep de Sherbrooke et du professeur Normand Baillargeon.

Pierre Vadeboncoeur est considéré à juste titre comme l’un des plus grands essayistes québécois. Il a joué un rôle de premier plan dans la construction de la CSN moderne. Il fut, avec quelques autres militants, l’un des architectes d’un type de syndicalisme unique en Amérique du Nord. Sa contribution majeure a amené la CSN, après son décès en 2010, à créer un prix à son nom, un prix qui veut souligner la contribution majeure d’un essai publié au Québec au cours de l’année écoulée.


Une quarantaine de propositions

Soulignant que ce prix avait maintenant atteint son rythme de croisière, une quarantaine d’œuvres publiées chez une douzaine d’éditeurs ayant été soumises au jury, la présidente Claudette Carbonneau a loué la qualité de la production au Québec d’essais et d’écrits qui font avancer la réflexion collective dans le sens d’une plus grande justice sociale et d’une meilleure connaissance, tant sociologique qu’historique, de la société québécoise.

De ce grand nombre d’œuvres soumises, trois d’entre elles se sont distinguées aux yeux du jury.


Le désert et l’oasis

Il y a d’abord Jean-Claude Ravet, rédacteur en chef de la revue Relations, à qui le jury a tenu à accorder une mention spéciale pour son recueil Le désert et l’oasis, publié chez Nota bene. Ravet est un pamphlétaire d’une grande qualité, a indiqué madame Carbonneau, un militant qui trouve dans sa foi chrétienne les motifs d’une lutte incessante à livrer à l’injustice, à la pauvreté et contre le désordre établi. L’ouvrage de Ravet, qui réunit des textes publiés durant plusieurs années et qui abordent une très riche variété de sujets, donne à entendre une voix et un ton qu’on entend trop peu, mais qui frappent par leur généreuse humanité et par certains des référents, notamment religieux, qu’ils proposent pour penser l’actualité. Ces textes sont en outre rédigés dans une langue riche et envoûtante, qui ajoute à l’intérêt qu’on prend à leur lecture. 

Il y a du Bernanos dans ces accents, a-t-elle ajouté. On y retrouve aussi des pages que n’auraient pas renié le Vadeboncoeur pamphlétaire. Qu’on pense à son brûlot Les grands imbéciles. On y retrouve aussi une pensée qui, comme chez Vadeboncoeur, fait place à la transcendance, ce que ne manque pas de relever Yvon Rivard citant l’écrivain dans sa préface.


Avec le recul
Un coin dans la mémoire

Les membres du jury n’ont pu se résoudre à écarter, pour le premier prix, l’une ou l’autre des deux publications encore en lice. Il s’agit du recueil Avec le recul, de la journaliste Josée Boileau publié chez Somme Toute, et de l’essai Un coin dans la mémoire, de l’historien Yvan Lamonde, publié chez Leméac.

Selon la présidente du jury, les deux œuvres se distinguent dans leur champ d’intervention respectif, mais sont liés par une affection inébranlable à l’endroit de ce Québec dont il et elle ont, chacun dans sa démarche, tenté d’en comprendre les pulsions secrètes.

Si on dit que rien n’est plus dépassé que le journal de la veille, force est de constater que le regard de Josée Boileau porte loin, estime-t-elle. En effet, mis en perspective dans des présentations qui les ramènent au temps présent, ces quelque soixante éditoriaux publiés sur une période de près de 15 ans sont toujours d’une brûlante actualité et témoignent, comme elle le dit elle-même, « avec le recul, où en est donc ce Québec que j’aime tant ? » « Je dois avouer que la plume acérée, vivante et d’une clarté sans pareille de Josée Boileau nous manquent en ces temps où son regard nous serait très utile pour nous aider à cerner les enjeux auxquels nous sommes confrontés comme société », a souligné madame Carbonneau.

Yvan Lamonde est un intellectuel qui, depuis 45 ans, essaie de détricoter les nœuds qui hantent la mémoire collective québécoise. Madame Carbonneau a rappelé qu’une des publications de son grand œuvre, l’Histoire sociale des idées au Québec, (1930-1960), avait été le deuxième choix du jury il y a quelques années. Écrit dans une langue superbe, ce Coin dans la mémoire nous révèle à nous-mêmes, mettant le doigt sur les pièges de la division, qui nous empêchent d’aller au bout de ce qui devrait advenir.

Pour la présidente du jury, les dernières lignes de ce Coin dans la mémoire illustrent bien le défi qui est celui du peuple québécois, menotté par des divisions qui font le jeu de ceux qui travaillent à lui couper les ailes. « Le travail du deuil peut mener à un être souverain, à un acte souverain capable de créer un évènement qui ouvre sur une nouvelle histoire. »

Madame Carbonneau a tenu à souligner l’excellent travail d’édition réalisé par les maisons Leméac, Nota bene et Somme toute.