L’indépendance, payante pour les familles du chantier maritime de la Davie

2017/11/28 | Par Martine Ouellet

Il y a de ces incohérences que seul le Canada peut nous servir… Si ça ne nous coûtait pas si extraordinairement cher, ce serait presque drôle. Mais les employés du plus important chantier maritime du Canada – sacré meilleur constructeur naval d’Amérique du Nord en 2015 par la Lloyd’s List North America Maritime Awards  – eux, n’ont pas le cœur à rire.

Après avoir relevé un défi technique incroyable, la transformation du porte-conteneurs MS Astérix en un navire de ravitaillement, dans les temps et au quart du coût proposé par les autres chantiers, leurs emplois sont menacés. En effet, 1 000 d’entre eux risquent de perdre leur emploi d’ici Noël si la Davie n’obtient pas le contrat tant attendu de l’Obélix. Bienvenue dans le monde surréel d’un pays qui, sciemment, laisse ses meilleurs joueurs sur le banc...

Retour en 2011. Le Canada annonce sa Stratégie nationale de construction maritime. Coût estimé : 33 milliards de dollars. Les appels d’offres sont lancés et les contrats sont répartis entre les chantiers Seaspan de Vancouver et Irving à Halifax. Rien pour le Québec et la Davie à Lévis. Retards, dépassement de coûts, ajout de la maintenance et de l’entretien, on se trouve aujourd’hui avec une Stratégie qui se chiffrera à 100 milliards de dollars (selon le Vérificateur général du Canada), dont 76 milliards ont déjà été octroyés.

Alors que le Québec représente 23 % de l’assiette fiscale du Canada, nous avons reçu moins de 1 % des contrats. C’est plus qu’inacceptable, c’est inique et ça démontre tout le mépris que le Canada a pour le Québec. Mais les Québécoises et les Québécois payeront quand même 20 milliards de dollars de leurs poches. Pourquoi ?  Pour des emplois en Nouvelle-Écosse ou en Colombie-Britannique, plutôt qu’ici, à Lévis !

 

Mieux que la péréquation, des contrats payants

Pendant qu’on nous casse les oreilles avec la « fameuse » péréquation dont le Québec ne pourrait supposément pas se passer, on oublie de calculer que, si les investissements réellement structurants étaient faits au prorata du poids démographique, le Québec se passerait facilement de ce « prix de consolation » ! Dans le cas de la Stratégie maritime canadienne, avec notre 20 milliards de dollars, c’est 100 000 emplois qui pourraient être créés au Québec. On voit rapidement que, seulement en termes d’impôts et de retombées économiques directes et indirectes, ça fait toute la différence.

Ce n’est qu’un exemple parmi une multitude de cas qui font la démonstration que ce n’est pas de la péréquation dont le Québec a besoin, mais bien d’investissements dans les secteurs d’activités où il excelle. Et il y en a beaucoup. L’électrification des transports est un autre exemple patent. Là aussi, ce sont des milliers d’emplois qui pourraient être créés, sans compter l’impact positif pour l’environnement.

 

Non, le Canada ne changera pas!

Si notre présence dans le Canada était bénéfique, ça ferait longtemps qu’on le saurait… Au contraire, on voudrait nous faire croire que nous sommes le parent pauvre de la fédération alors que, dans les faits, nous sommes en mesure d’être un pays indépendant dès demain matin. Ça, on ne nous le dira pas trop fort. Mais souvenons-nous de ce qui m’apparaît comme étant un des points tournants de notre histoire : le référendum de Charlottetown de 1992. Pour savoir où on va, faut bien se rappeler d’où l’on vient…

Résumé simplement, Charlottetown c’est l’histoire de deux peuples qui ont dit Non pour des raisons diamétralement opposées, marquant, une fois de plus, l’irréconciliable situation dans laquelle ils se trouvent. Le Québec a voté Non car l’accord était insuffisant. Le reste du Canada a voté Non car l’accord en « donnait » trop au Québec. C’est tout. Rien n’a changé. Et le Canada continue, systématiquement, de léser le Québec dans ses décisions. Banque d’infrastructures, Muskrat Falls, le pétrole vs l’électrification, le bois de la Colombie-Britannique vs l’industrie forestière québécoise, le bœuf de l’Alberta vs les fromages québécois. L’absence totale, flagrante et préméditée d’équité dans la Stratégie maritime canadienne illustre, encore une fois, de manière limpide, l’impossibilité pour le Québec d’obtenir sa juste part à l’intérieur du Canada.

Un Québec indépendant, qui récupérera ses 50 milliards chaque année au Canada, aura tous les outils pour se tailler une place enviable au sein de l’économie mondiale, tout en ayant la liberté de choisir ses pôles d’investissement en fonction de ses ressources, de son expertise et de ses choix de société. Nous en ressortirions tous gagnants. Les employés de Davie et leurs familles compris.

L’auteure est chef du Bloc Québécois et députée de Vachon à l’Assemblée nationale.