COP 23 : On en n’est pas à une contradiction près

2017/11/29 | Par Monique Pauzé

L’auteure est députée du Bloc Québécois

La COP 23 s’est déroulée de façon peu enthousiasmante. Était-ce à cause de l’annonce de Trump de se retirer de l’Accord de Paris ? Était-ce à cause du peu d’empressement des pays développés à financer correctement les mesures d’adaptation et d’atténuation aux changements climatiques que les pays en développement doivent mettre de l’avant ? Quelle qu’en soit la raison, on aura peu entendu parler de cette COP. À Bonn en Allemagne où se tenait cette rencontre et où je représentais le Bloc Québécois, on sentait le poids de l’absence d’engagements fermes dans la lutte aux changements climatiques. 

Malgré le fait que tous les discours mentionnaient l’urgence d’agir, malgré l’information disant que les émissions mondiales de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse en 2017, malgré la sortie publique de quelque 15 000 scientifiques pendant la COP23 pour lancer un cri d’alarme sur l’état de la planète, on ne sentait pas cette urgence dans les couloirs de la conférence.

On retiendra de cette COP peu de choses, malheureusement. Des discussions vont se poursuivre toute l’année pour en arriver à un mode d’emploi concret, un genre de socle commun pour que tous les pays aient des références communes quand vient le temps de mesurer ce qui a été fait et ce qu’il reste faire pour se rapprocher toujours un peu plus des objectifs de l’Accord de Paris. Toutes les règles pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris devront finir d’être établies à la COP24, ce qui devrait en faire une conférence de la plus haute importance.

Le Canada s’est illustré pour arriver à l’élaboration d’une plateforme commune pour l’intégration des Premières Nations à la mise en place de solutions. Le Canada a également contribué à faire reconnaître l’apport des femmes dans la lutte aux changements climatiques et au fait que celles-ci doivent être partie prenante aux décisions à tous les niveaux. Enfin, le Canada et le Royaume-Uni ont lancé une alliance intitulée Énergiser au-delà du charbon. En effet, 40 % de l’électricité produite dans le monde provient du charbon qui est extrêmement polluant, ce qui a des impacts directs sur la vie et la santé des gens. Cette coalition de pays, d’États et même de villes comprend pour l’instant 27 partenaires qui s’engagent à abandonner le charbon et à se tourner vers les énergies propres.  Ils cherchent maintenant à persuader d’autres parties de se joindre à cette alliance.

C’est bien beau tout ça. Il y avait de la vertu au pouce carré à Bonn. Tout le monde se targue d’être des leaders dans la lutte aux bouleversements climatiques. Tout le monde promet d’en faire davantage.  Puis tout le monde est rentré chacun chez soi.

Et le Canada ? Le gouvernement a réalisé que mettre fin au charbon, d’accord, mais il ne faudrait surtout pas s’empêcher d’en vendre. Un article du Journal de Montréal, daté du 19 novembre, soit le lendemain de la conclusion de la COP, nous apprenait qu’Ottawa n’a pas l’intention de bloquer les exportations canadiennes de charbon vers les États-Unis.

Puis, le 20 novembre, la ministre de l’Environnement a salué le feu vert américain au projet Keystone XL, la même semaine où 800 000 litres de pétrole fuyaient d’un pipeline. Le lendemain, le 21 novembre, la première ministre néo-démocrate de l’Alberta, Rachel Notley, exigeait plus d’aide d’Ottawa pour bâtir encore d’autres pipelines.

On se rappellera que le nouveau chef du NPD, Jagmeet Singh, qualifie Mme Notley de « très proche de ses valeurs ». Quelles sont les valeurs que le chef néo-démocrate partage avec Mme Notley ? Est-ce que l’exploitation du pétrole des sables bitumineux en fait partie ? Quant aux libéraux, ils reprennent la stratégie des conservateurs de Stephen Harper, lui qui ratait des rencontres de l’ONU pour aller manger des beignes au Tim Hortons.

Au printemps dernier, le gouvernement a décidé de reporter l’entrée en vigueur d’une règlementation sur les émissions de méthane, un gaz à effet de serre très puissant. Les lobbys des énergies fossiles ne sont jamais loin du gouvernement Trudeau. C’est ça, l’engagement canadien pour l’environnement.

La Commissaire à l’environnement a porté un jugement sévère le 3 octobre dernier sur l’inaction gouvernementale. Dans son rapport, elle mentionne que rien de ce qui a été annoncé n’est mis en œuvre, qu’il n’y a aucune mesure concrète, que les émissions ne cessent d’augmenter, que le Canada ratera ses cibles de réduction des GES et que rien n’est fait pour s’adapter aux dérèglements climatiques.

La ministre de l’Environnement ne cesse de répéter qu’il est possible de concilier croissance économique et protection de l’environnement. Pourtant, à la COP23, plusieurs pays et des États américains ont témoigné de leur virage vers des énergies vertes, contribuant à créer des milliers d’emplois en plus de réduire la facture énergétique et d’avoir des impacts positifs sur la santé. Oui, on peut concilier économie et lutte aux changements climatiques, mais en mettant de l’avant de nouvelles industries et non pas en continuant le développement des énergies fossiles.

Et les travailleurs ? La FTQ et Greenpeace ont fait front commun pour l’environnement et pour des emplois de qualité. Des pays, des organisations non gouvernementales et des syndicats sont en marche pour lutter contre les bouleversements climatiques. Mais la solution climatique ne passe manifestement pas par le Canada. En cette matière, Ottawa a fait correctement ce qu’il fait généralement assez bien : discuter, pavaner et pondre des rapports. Il ne sait rien faire d’autre.