Régie du logement : Une machine à expulser les locataires

2017/12/12 | Par Richard Lahaie

À Montréal, le 7 décembre dernier, le Regroupement des Comités logement et Association de locataires du Québec (RCLALQ) a organisé une manifestation devant les bureaux de la Régie du logement. Le RCLALQ exige un tribunal juste et accessible pour tous et la fin du « deux poids, deux mesures » à la Régie du logement.

Selon le RCLALQ, en 2016 et 2017, un peu plus de 46 000 dossiers ouverts à la Régie du logement visaient l’expulsion de locataires. La grande majorité a trait au non-paiement de loyer. Le non-paiement s’explique surtout par les hausses de loyer répétées tandis que les revenus des locataires n’augmentent pas suffisamment.

« Du côté des locataires, il y a une perte de confiance. Lorsqu’un locataire se présente à la Régie avec peu de moyens, c’est difficile pour lui ou elle d’avoir accès à un avocat. C’est donc seul que le locataire se présente. Les régisseurs n’aident pas le locataire, alors que c’est dans le mandat initial de la Régie de prêter assistance aux deux parties, de manière équitable », d’expliquer en entrevue Marjolaine Deneault, porte-parole du RCLALQ.

« Je plaide souvent à la Régie du logement. J’ai assisté à une cause où pour cinq dollars de retard de loyer, le bail a été résilié. Le juge ne regarde pas les circonstances, il regarde seulement combien le locataire doit et depuis combien de temps il doit un montant de loyer », de rapporter Manuel Johnson, avocat aux Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite-Bourgogne.

« On ne tient pas compte des raisons du retard dans le paiement du loyer. La perte d’un emploi ou se faire couper à l’aide sociale, le juge ne veut pas entendre ça, de s’indigner M. Johnson. Les propriétaires profitent de cette situation. L’argent passe avant les besoins humains. »

« Peu importe la somme que doit le locataire, la Régie exige le paiement immédiat. Il n’y a aucune possibilité d’entente de paiement de la somme dûe. Pour la Régie, c’est automatiquement la résiliation du bail si le paiement n’est pas possible », de s’offusquer Marjolaine Deneault.

« On a vu plusieurs fois des causes de non-paiement de loyer qui étaient de mauvaise foi. Le propriétaire refusait d’encaisser le chèque de loyer pour faire une demande de résiliation de bail à la Régie. Le propriétaire cherchait une façon de mettre le locataire dehors et remettre le logement sur le marché avec un prix plus élevé »,de préciser Mme Deneault.

Les délais d’attente pour les causes civiles, comme une demande de diminution de loyer ou une requête en dommages et intérêts, sont en moyenne de 20 mois. Les causes en non paiement de loyer sont systématiquement priorisées et sont entendues très rapidement par la Régie, soit environ un mois et demi, peut-on lire dans le document de la campagne « Assez du deux poids, deux mesures » du RCLALQ.

« Les demandes de reprise de logement sont un autre problème. C’est un type de dossier qui est classé urgent et prioritaire par la Régie. Le propriétaire demande de reprendre le logement pour lui ou un membre de sa famille mais, dans la réalité, c’était pour hausser le prix du loyer, d’ajouter Marjolaine Deneault. Nous ne savons pas quels sont les critères de la Régie pour mettre prioritaire un dossier. Le critère d’urgence n’est pas défini dans la loi. On dit que c’est dans les cas où la santé et la sécurité sont en jeu ».

Le RCLALQ demande que l’état du logement et la situation des locataires doivent pouvoir être des motifs de défense dans les cas de non-paiement de loyer. Le bail doit être résilié seulement si le propriétaire est en mesure de démontrer le préjudice sérieux, et toutes les causes à la Régie doivent être  entendues en vertu du principe du premier arrivé, premier servi.

« Il y a un projet de réforme de la loi sur la Régie du logement, mais avec le remaniement ministériel, il n’y a rien d’annoncé. On se demande si ce n’est pas un projet tabletté à un an des élections ».

Le RCLALQ est un regroupement d’organismes qui œuvre à la défense des droits des locataires et qui agit notamment en tant que porte-parole politique des ménages à faible revenu.