Le développement des inégalités avec l’âge

2017/12/13 | Par IREC

Extraits du Bulletin de la retraite No 26, disponible en ligne : http://www.irec.net/upload/File/bulletin_no_26.pdf

L’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) a publié cet automne un rapport intitulé « Prévenir le développement des inégalités avec l’âge[1] ». Ce rapport examine comment les inégalités se développent durant le parcours de vie des personnes et se matérialisent à la retraite par des conditions économiques ou de santé préjudiciables. Il recommande un agenda de politiques publiques pour prévenir, diminuer et faire face aux inégalités en s’inspirant des meilleures pratiques mises en place par les pays de l’OCDE et des économies émergentes.

 

Un accroissement des inégalités de revenus

Pour plusieurs membres de la génération des milléniaux (qui ont obtenu la majorité après l’an 2000), le travail atypique et les périodes d’emploi suivies de périodes d’inactivité sont devenus la norme. Depuis la moitié de la décennie 1980, les taux de pauvreté relative (soit moins de 50 % du revenu médian) ont augmenté de manière continue pour les jeunes âgés de 18 à 25 ans pour atteindre 13,9 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Au Canada, ce taux a atteint 17,1 %. En comparaison, les taux de pauvreté des personnes âgées de 66 à 75 ans sont plus stables et ont été relativement protégés de la crise financière de 2008-2009 (10,6 % en moyenne dans les pays de l’OCDE et 6,4 % au Canada), alors que les taux de pauvreté des personnes de 76 ans et plus sont beaucoup plus élevés (14,4 % en moyenne dans les pays de l’OCDE et 6 % au Canada).

Le revenu moyen des 10 % les plus riches est neuf fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres pour l’ensemble des pays de l’OCDE. Malgré la reprise économique dans plusieurs pays après la crise de 2008-2009, les inégalités de revenus demeurent à des niveaux historiquement élevés.

 

Les inégalités dans les soins de longue durée pour les dernières années de vie

Le rapport aborde aussi la question des inégalités vis-à-vis des soins de longue durée. Sans surprise, les personnes ayant un statut socio-économique plus précaire sont doublement désavantagées face à ce type de soins. En effet, en plus de présenter davantage de problèmes de santé, leurs ressources matérielles pour y faire face sont plus faibles que les autres groupes de la société. Les inégalités de revenus se traduisent par une inégalité de l’espérance de vie. Dans le même ordre d’idées, un Canadien de 25 ans appartenant au groupe le plus scolarisé aurait une espérance de vie supérieure d’environ quatre ans à son homologue du groupe le moins scolarisé.

Plusieurs pays font appel aux proches aidants afin de réduire les coûts de leur système de soins. Cela ne semble toutefois pas être une bonne solution : les proches aidants ont, en moyenne, 20 % plus de problèmes de santé mentale que l’ensemble de la population. Les femmes comptent pour 55 % à 70 % des proches aidants dans les pays de l’OCDE. Cette surreprésentation des femmes est plus importante dans les pays où l’État débourse peu pour soutenir les soins de longue durée.

 

Des politiques publiques adaptées : prévenir, atténuer et faire face

Selon le rapport, à partir de l’âge de 50 ans, beaucoup peut être fait afin de diminuer les inégalités, même si elles sont déjà très présentes. Les politiques publiques mentionnées touchent à la promotion de modes de vie sains, à l’accès aux soins de santé, à l’adoption de politiques d’accès au marché du travail et de formation continue pour les travailleurs âgés et à la transition progressive à la retraite. Malgré la présence officielle de politiques d’accès aux soins de santé dans tous les pays de l’OCDE, plusieurs personnes sont incapables de répondre à leurs besoins médicaux de base, majoritairement parmi les groupes les plus défavorisés de la population, parce que le coût des soins est trop élevé.

 

Les politiques publiques comme facteur d’accroissement des inégalités chez les aînés

Dans les dernières décennies, plusieurs pays de l’OCDE ont réformé leurs systèmes de retraite afin d’en assurer la pérennité financière face aux changements démographiques. Cela s’est traduit par une diminution du niveau de remplacement du revenu et a privilégié les régimes plus alignés sur les revenus gagnés durant la carrière; ceux-ci amoindrissent la redistribution vers les contributeurs moins nantis et augmente les inégalités. Le rapport mentionne que le développement des régimes à cotisations déterminées, entre autres, contribue à ce phénomène.

Puisque les régimes complémentaires de retraite utilisent les mêmes tables de mortalité pour tous les rentiers, les personnes vivant moins longtemps se retrouvent à financer les retraites des personnes ayant une plus longue espérance de vie et recevant des rentes pendant une plus longue période. Des pays comme le Royaume-Uni, le Portugal et le Brésil ont mis en place des dispositifs visant à ce que les rentes soient versées de manière plus équitable pour les rentiers ayant plus de chances de décéder de manière précoce. Les incitatifs fiscaux encourageant l’épargne individuelle (comme les REER) sont régressifs, car l’ensemble de la population ne peut y contribuer de manière égale, en plus de fournir des incitatifs plus importants pour les cotisants ayant des revenus élevés.

En somme, la prévention des inégalités selon l’âge requiert une approche globale pour aider les personnes à surmonter les conditions désavantageuses qui peuvent s’accumuler au cours de la vie et résulter en situation de pauvreté une fois à la retraite. Les politiques publiques devront prendre acte des changements survenus dans le marché de l’emploi, dans la structure familiale et dans les risques associés à la santé afin d’intervenir de manière précoce sur la pauvreté et les inégalités, ce qui est plus efficient que d’en corriger les conséquences une fois que ces personnes sont retraitées.

 

Photo : http://www.irec.net