Onze militantes en faveur du désarmement

2017/12/15 | Par Pierre Jasmin

Beatrice Fihn, directrice d’ICANW.org, penchée vers la Canadienne Setsuko Thurlow le 10 décembre (Oslo)

L’auteur est artiste pour la paix et co-président d’honneur du Mouvement Québécois pour la Paix

Le 10 décembre 2017, lors de la remise du Prix Nobel de la Paix, les discours inspirants de Béatrice Fihn directrice de l’ONG récompensée, ICANW.org, et de la Canadienne Setsuko Thurlow à Oslo (voir photo 1) ont été carrément boycottés par Le Devoir et The Gazette : ces deux grands journaux montréalais n’ont RIEN écrit sur l’événement de la remise du Prix, ni samedi le 9 ni lundi le 11, tandis que La Presse sauvait son honneur en publiant lundi une photo de John Legend chantant lors de la cérémonie. Le Journal de Montréal s’est distingué en publiant un article avec photos de mesdames Fihn et Thurlow, sans toutefois mentionner la nationalité canadienne de la survivante d’Hiroshima 1945. Où était HuffPost (Canada ou Québec) qui aurait dû relayer leurs brillants discours prononcés devant le roi et la reine de Norvège et devant l’ambassadrice du Costa-Rica, Elayne Whyte Gomes (photo2)?

À Ottawa le 25 septembre, madame Gomes en blanc avec Steven Staples, Debbie Grisdale et moi

Madame Whyte est l’instigatrice du Traité d’interdiction des armes nucléaires déposé à l’ONU le 22 juillet 2017, rejoignant ainsi la régularisation du Commerce des Armes (ONU, 2013) et les Traités contre les bombes à fragmentation (2008), contre les mines anti-personnel (1997), contre les armes chimiques (1993) et contre les armes biologiques (1972).

Ray Acheson, directrice du groupe militant Reaching Critical Will (programme de désarmement de la Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté) a conseillé activement la Campagne internationale pour Abolir les Armes Nucléaires (ICAN.org) en faisant littéralement le siège de l’ONU à New York : quelle infatigable militante!

Nancy Brown à dr. manifestait le 14 octobre contre l’OTAN et pour le Mouvement Québécois pour la Paix

La militante Nancy Brown a contribué à fonder le Mouvement Québécois pour la Paix, avec la compréhension que le désarmement nucléaire doit commencer par la suppression de l’organisme militariste allié, l’OTAN, responsable en outre du désastre meurtrier en Libye, dont on n’a pas fini de compter les morts.

On sait d’autre part que les centaines de milliards de $ épargnés pourraient être alloués à des fins utiles. Par exemple, les feux qui ont dévasté des centaines de maisons et des vastes propriétés agricoles en Californie n’auraient eu besoin que de quelques dizaines d’avions spécialisés dans la lutte aux feux de forêt, au coût d’un milliard de $, alors que les États-Unis dépensent 650 milliards de $ chaque année pour s’armer et bombarder des pays.

La cinéaste Guylaine Maroist membre des Conférences Pugwash sur la Science et les Affaires mondiales

L’Artiste pour la Paix Guylaine Maroist devient la première cinéaste de l’histoire à siéger au sein de l’organisme Conférences Pugwash Canada qui, depuis 1957, exerce une influence sur l’Organisation des Nations Unies et les dirigeants d’États sur les enjeux de la paix et du désarmement nucléaire.

« À l’heure actuelle, la menace nucléaire est plus que présente et il y a un urgent besoin que la population puisse en prendre connaissance. Le fait que Mme Maroist se joigne au Mouvement Pugwash permettra de mieux vulgariser et diffuser notre message », a affirmé Sergei Plekanov, expert sur le sujet des relations américano-russe et secrétaire au Conseil d’administration de l’ONG.

La cinéaste n’en est pas à ses premières actions autour des questions nucléaires. En 2007, elle lance le film Time Bombs qui fait la lumière sur des tests nucléaires auxquels des militaires canadiens ont été soumis à leur insu en 1957. En 2012, le film Gentilly or not to be fait surface en pleine campagne électorale québécoise et influence fortement les partis provinciaux à prendre position sur le sort de la centrale Gentilly II de Bécancour, dont la vie utile arrivait à échéance.

Erin Hunt qui avait représenté le Canada à la conférence humanitaire de Vienne en 2015 (la troisième après Nayarit au Mexique et Oslo en Norvège), travaille activement pour Mines Action – Canada et a veillé à ce que les clauses du Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires s’inspirent des grands traités internationaux de désarmement, y compris le Traité d’Ottawa contre les mines anti-personnel 1997 dont elle est une experte.

Justement le 4 décembre à Ottawa, on a célébré dans une navrante discrétion un des plus grands avancements du Canada (et des Libéraux) pour la paix et le désarmement dans les cinquante dernières années : le Traité d’Ottawa sur les mines anti-personnel. Nos médias, malgré les communiqués de Handicap International Canada, ont ignoré le 20e anniversaire de cette avancée mondiale récompensée dès son instauration en 1997 par un Prix Nobel de la Paix. Il est symptomatique que le Premier ministre Trudeau ait préféré faire son voyage sans résultats en Chine (qui fabrique encore des mines anti-personnel) et que la ministre Chrystia Freeland n’ait transmis ses salutations aux participants de cette commémoration discrète que sur vidéo… Notons toutefois avec impartialité que Matt DeCourcey, son Secrétaire parlementaire, l’y a représenté.

 

QUATRE AUTRES MILITANTES DE DIVERSES CAUSES

 

Deux articles cette semaine sur le site des APLP ont relaté une partie de l’action admirable de Heidi Rathjen[i]. Sa lutte pour le contrôle des armes à feu dure incessamment depuis ce jour funeste en 1989 où quatorze de ses consoeurs de l’École Polytechnique ont été assassinées par un anti-féministe.

Annie Roy, ATSA, APLP 2008 avec son compagnon Pierre Allard, a créé un autre événement le mois dernier devant la Place des Arts pour dénoncer les paradis fiscaux et accueillir comme chaque année les itinérants.[ii].

Que dire du travail de la fiscaliste Brigitte Alepin, professeure invitée à l’UQAM, dans sa dénonciation de l’évasion fiscale des plus riches et dont les origines syriennes et la générosité la poussent à créer une ONG Radio-Dodo qui s’assure que les enfants entendent autre chose que les bombes avant de s’endormir!

Micheline Lanctôt a réalisé Les guerriers,  téléfilm de 2004 mettant en scène Patrick Huard et Dan Bigras. Quelle dénonciation implacable à la fois du monde publicitaire et du militarisme,  démonstration réussie en tous points par la lucidité perçante de l’écrivain Michel Garneau (traducteur de Leonard Cohen) et les événements depuis 2004 ont validé la thèse de l’invasion de nos libertés de créateurs par l’esprit militariste destructeur : Trudeau peut annoncer sans crainte ses 500 millions de $  pour d’absurdes F-18 usagés d’Australie et entreprendre un programme d’acquisition de chasseurs-bombardiers (F-35 à combien de dizaines de milliards de $???), il sait qu’aucun éditorialiste au Canada n’aura le courage de remettre en question ses plans militaristes ruineux, comme ils n’ont jamais diffusé notre mémoire à la Défense.[iii]