Les enjeux de pauvreté spécifiques aux femmes et 3e plan de lutte à la pauvreté et l’exclusion social

2017/12/20 | Par Sylvia Bissonnette

Le Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec (GRFPQ) constate, après lecture du 3e plan de lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale, que gouvernement ne se soucie guère des personnes ne pouvant intégrer le marché de l’emploi malgré leur étiquette d’apte à l’emploi.

Rappelons d’abord que la mesure du panier de consommation (MPC) n’est pas un indicateur de sortie de la pauvreté. C’est une mesure de faible revenu basée sur le coût d'un panier de biens et de services correspondant à un niveau de vie de base. Or, 55% de la MPC pour les personnes aptes à l’emploi, ne permet pas de répondre aux besoins immédiats ce qui leur occasionne des obstacles majeurs à l’incération à l’emploi.

« Les recherches le prouvent maintenir les personnes dans une précarité extrême nuit à leur santé physique et mentale. Il est par la suite, plus difficile d’intégrer le marché de l’emploi. Le gouvernement le reconnaît dans son 3e plan de lutte. Il nomme les barrières à l’incération en emploi pour les personnes en situation de pauvreté, mais les mesures qu’il propose semblent vouloir mettre le fardeau du non-emploi sur l’individu au lieu de penser à des solutions collectives. On se souviendra que, de son côté, le CCLP avait recommandé au gouvernement, dans un premier temps, une aide sociale à 80 % de la MPC. On est loin du compte! », se désole Sylvia Bissonnette coordonnatrice du GRFPQ.

Par ailleurs, ce 3e plan de lutte tend vers une complexification de la loi d’aide sociale par la création d’une nouvelle catégorie : les personnes ayant été contrainte sévère depuis au moins 66 mois auront la chance d’avoir un revenu de base. « Cette division entre les bons pauvres et mauvais pauvres, nous apparaît être un moyen de juger les paresseux ne voulant pas travailler et les incapables ne pouvant travailler. Le problème est que ce n’est pas la réalité. Toutes ces personnes souhaitent contribuer à la société. La question que nous devons-nous poser c’est : est-ce que la société est prête à leur laisser leur place? », s’interroge Sylvia Bissonnette.

De surcroit, notre gouvernement se vente de la mise en œuvre de politiques et d’initiatives gouvernementales permettent la lutte contre la violence conjugale, familiale et sexuelle. Pourtant, certaines femmes, prises dans ces situations de violence, peuvent demeurer avec le ou la conjointE, parce qu’elles n’ont pas de revenu suffisant pour couvrir leurs besoins et ceux de leur(s) enfant(s). Celles qui le font se heurtent à une machine bureaucratique inhumaine. Il est fort complexe d’avoir accès à l’aide de dernier recours, lorsque tu es en processus de séparation, surtout si le couple à des avoirs (maison, condos, chalet…). La notion de vie maritale à l’aide sociale fondée sur une vision archaïque du couple a pour effet de maintenir certaines femmes dans une dépendance économique. Le gouvernement a pourtant maintenu cette clause appauvrissant majoritairement les femmes.

De plus, la faible augmentation du salaire minimum à 12,75$ l’heure d’ici le 1er mai 2021 n’assurera pas un revenu suffisant pour combler les besoins et couvrir les frais reliés à un emploi (transport, garderie, …). Surtout que, selon l’organisme Au Bas de l’échelle, actuellement, les personnes travaillant au salaire minimum bossent en moyenne 25 heures par semaine. Soulignons, que les femmes occupent majoritairement les emplois à bas salaire et souvent précaires.

En plus de cette règle, nous aurions souhaité que le gouvernement abroge une autre clause de la loi d’aide sociale appauvrissant des milliers d’enfants. En vertu de la loi sur l’aide aux personnes et aux familles et de son règlement d’application, la pension alimentaire payable au bénéfice exclusif d’un enfant à charge est déductible de la prestation du parent gardien prestataire de l’aide sociale ou de la solidarité sociale, sauf pour le premier 100$ par enfant. « C’est un choix de société, voulons-nous réellement continuer à appauvrir les enfants vivant dans des familles défavorisées? » se questionne Sylvia Bissonnette.

Le GRFPQ s’inquiète des orientations gouvernementales ressortant de l’analyse du 3e plan de lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale. Nous ne pouvons cautionner le fait que la lutte à la pauvreté et l’insertion sociale ne passe que par l’emploi rémunéré. C’est un enjeu complexe qui ne peut se résoudre que par une seule solution. Nous croyons qu’il est urgent de réfléchir à des moyens pour réellement redistribuer notre richesse collective, afin que tous puissent couvrir leurs besoins.