Femmes autochtones : La Commission doit pouvoir remplir son mandat

2018/01/15 | Par Michel Gourd

Face aux derniers développements à l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones assassinées et disparues (ENFFADA), Justin Trudeau doit montrer clairement que les propos qu’il a tenus le 21 septembre dernier à l’ONU n’étaient pas des paroles en l’air et aider cet organisme afin qu’il termine son enquête dans les meilleures conditions possible.

Au quartier général de l’ONU à New York le 21 septembre dernier, le premier ministre Justin Trudeau a fait un discours dans lequel il reconnaissait que les autochtones « ont été victimes d’un gouvernement qui ne respectait ni leurs traditions, ni leurs atouts, ni leur gouvernance, ni leurs lois, et qui a choisi de nier et de miner leurs droits et leur dignité. » Justin Trudeau était clair dans ses propos. « Au fond, nous avons, dans le passé, rejeté l’idée même que des générations entières d’Autochtones puissent se définir et vivre dans la dignité et la fierté qui leur est due », a-t-il dit.

Le premier ministre a par la suite affirmé que son gouvernement travaillait sans relâche pour réparer les injustices du passé et offrir une meilleure qualité de vie aux peuples autochtones. Il a actuellement l’occasion de prouver que ce qu’il disait était vrai. Son gouvernement doit fournir les ressources nécessaires en temps et en argent à l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones assassinées et disparues (ENFFADA) pour qu’elle puisse bien finir son travail.

Il en va de sa réputation internationale. C’est à la demande express de l’ONU et pour concrétiser une promesse électorale que le gouvernement Trudeau a lancé en 2016 l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones assassinées et disparues (ENFFADA). On se rappellera que le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones James Anaya exhortait en mai 2014 le gouvernement fédéral à mener cette enquête nationale sur les quelque 1200 cas de femmes et de filles autochtones assassinées ou portées disparues depuis 30 ans au Canada.

Cette enquête doit expliquer la violence démesurée qu’elles vivent et mettre en lumière ses causes systémiques. Ces autochtones sont victimes de 16 % des homicides de femmes alors qu'elles ne forment que 4 % des Canadiennes. C’est une situation quatre fois plus grave pour elle que pour toutes les autres citoyennes. Un rapport de la GRC, montre de plus qu’entre 1980 et 2012, il y a 1181 d’entre elles qui ont été tuées ou sont disparues.

C’est d’ailleurs en partie en raison de la méconnaissance par les autorités fédérales de l’ampleur de la tâche à accomplir par ces enquêteurs que cette situation survient. Les audiences de l’ENFFADA ont dévoilé que la situation était beaucoup plus importante que cela était estimé. Cette enquête a donc rapidement pris de l’ampleur et des milliers de familles autochtones ont voulu être entendues. Les membres de la commission ont été confrontés à une tâche beaucoup plus imposante que prévu. De plus, la gravité des cas est aussi apparue beaucoup plus importante qu’estimée. La commissaire Michèle Audette affirmait le 23 novembre, après avoir entendu pendant trois jours une centaine d'autochtones en Saskatchewan, que les questions de discrimination et de racisme étaient clairement ressorties de l'ensemble des témoignages.

Pris avec un financement fixe, les membres de cette enquête doivent actuellement faire des choix qui vont immanquablement amoindrir la qualité de ses résultats. En raison des tensions que cela crée et de problèmes d’ordre interne, la directrice générale de l'Enquête, Debbie Reid, a fait comme une dizaine de membres de l’enquête et a quitté ses fonctions. L'avocat québécois Alain Arsenault avait démissionné quelques semaines auparavant. L’avocate spécialisée en droit autochtone, la Métisse Aimée Craft, qui a occupé un poste pour l'ENFFADA affirme pour sa part que la société est actuellement au bord d'un précipice au niveau du respect des droits des autochtones et qu’il faut un changement.

Le gouvernement doit donc agir concrètement dans la même direction que ses propos. La ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord, Carolyn Bennett, et la ministre des Services aux Autochtones, Jane Philpott, affirmaient d’ailleurs le 25 novembre dernier que le nombre de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées au Canada est une tragédie nationale à laquelle il faut mettre un terme immédiatement. Le fédéral doit donc de toute urgence fournir les conditions financières et les infrastructures adéquates pour que cette enquête se termine avec les résultats voulus.